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mardi 1 avril 2014

R.

Je me rends compte aujourd'hui que je n'ai jamais dit au monde entier à quel point tu étais une personne merveilleuse. J'ignore si d'autres le savent aussi bien que moi. Ce matin, je suis soudain saisie par la peur que le monde te perde, que le monde t'ait déjà perdu peut-être. C'est dur de parler à quelqu'un dont on ne sait pas s'il est mort ou vivant, dont on sait qu'il ne lira jamais ce que l'on est en train de lui écrire. Et je sais bien que c'est à mon souvenir de toi que j'écris, à la personne que j'ai connue et non à celle que tu es aujourd'hui et dont j'ignore tout, parce que je suis triste de tout cela depuis si longtemps maintenant. Je voudrais que tu sois heureux, j'aurais voulu que tu sois heureux déjà à l'époque, je le voulais tellement et je ne sais pas si tu l'étais, je pense que oui, autant qu'on peut l'être lorsque l'on est plongé dans les émotions de l'adolescence, heureux et terriblement malheureux en même temps, empli de joie et de légèreté, d'angoisse et de cette infâme terreur qui nous ronge.

J'espère de tout mon cœur que d'autres auront pu te connaître aussi bien que je l'ai pu, parce que tu fais du bien au monde, parce que tu es une des plus belles personnes que j'aie rencontrées dans ma vie et que la vie ne peut plus être aussi belle sans toi qui en fais partie.

Je sais que de toute façon même le jour où tu ne seras plus là, toi en tant que personne, je sais que tout ce qui est bon en toi subsistera, sera transmis à d'autres, autrement. Mais curieusement, cette fois, ça ne m'apaise pas du tout. D'accord le monde gardera ta splendeur, ta magnifique douceur, mais toi, auras-tu été heureux ? Auras-tu su à quel point tu étais bon ?

Je ressens toute l'urgence de dire à quel point tu es une personne formidable. Comme si je ne l'avais jamais fait, jamais comme je l'aurais dû. Parce que je réalise aujourd'hui seulement à quel point je n'y pouvais rien. Je réalise que je ne peux rien faire même aujourd'hui, à part me taire. À part dire combien tu es beau là où je sais que tu ne le verras pas. Quelle douleur de comprendre enfin que je ne peux pas, que je n'ai jamais pu faire quelque chose pour toi. Que la seule chose que je peux faire pour toi c'est de te laisser vivre, de lâcher jusqu'à mes plus profonds souvenirs, et je ne sais même pas si cela marchera.

J'espère, de toute la force de mon cœur, que tu es là, et que tu es heureux. Parce que tu fais partie de toute la beauté de ce monde. Parce que rien ne sera jamais aussi bon lorsque tu ne seras plus. Parce que je voudrais que d'autres le sachent, et te reconnaissent cette beauté.

vendredi 9 octobre 2009

Clichés parisiens

Un sac de conférence avec ces deux mots : Université et Total. Comme la station-service, oui.


Deux pieds qui remontent l'escalier du métro, l'un avec une chaussure à fin talon, l'autre nu.


Les vagues de gens qui montent et descendent du métro.


Quelle est la ligne de pousse manette ? J'ai vu une femme conduire un métro, j'ai tant pensé à elle.


Une bulle personnelle de protection urbaine que j'ai crevée sans le savoir, et que je ne sais plus comment reconstruire.


Un immeuble devant moi, quand je le regarde, c'est tous les mondes engloutis qui me reviennent.


Refuser une soirée parisienne, même si, si, et si. Non non, vraiment.


Je pense à tous les gens d'ici que j'aime et que je n'ai pas eu le temps de voir. Je pense à tous les gens d'ici que j'aime et que j'ai vus. Je pense à tous les gens d'ailleurs que j'ai vus ici, ou non. Je suis seule dans ma chambre d'hôtel en écoutant Madeleine Peyroux, il pleut, les voitures passent sans arrêt sur le boulevard en dessous, je vais sortir dîner avec des amis provençaux et suisses.


Demain, je rentre.

jeudi 28 mai 2009

De jolies choses aussi

Parce que la vie ne s'arrête pas .



Ophrys fuciflora (je crois !), Lac de Sainte Croix, avril 2009.

Il y a eu le retour du soleil, quelques apéros de fin d'après-midi entre amis, la tendre présence quotidienne de mes voisins, de nouvelles amours équines si touchantes, l'amour de mon mari au travers des tempêtes qui nous tansent, la musique, le potager qui n'en finit plus de pousser, des sourires, des fleurs, les incroyables senteurs du printemps.

samedi 2 mai 2009

Toujours en retard !

Je ne compte plus les jours de retard que j'ai pris ;
j'y ai pensé, souvent, très souvent, dans le train, sous la douche, en sursaut en pleine nuit, le matin au réveil alors que je sais qu'il n'est pas encore debout,... toujours à des moments où je ne pouvais pas le faire ;
j'y ai pensé la veille, j'y ai pensé le lendemain, le surlendemain et encore depuis.


Mais je n'y ai pas pensé le jour J.


En même temps, c'est comme ça tous les ans depuis qu'on se connaît, je crois qu'il en a pris l'habitude... et j'en suis tellement désolée.


Pourtant, lui, il a toujours su être présent, malgré la géographie. Ça ne fait pas si longtemps que ça qu'on se connaît quand on y pense, et pourtant j'ai souvent l'impresssion qu'on est des amis d'enfance tellement je me sens bien face à lui. J'aime sa façon de voir les choses, de dire, de faire, sa présence au monde. J'aime l'écouter parler de ce qu'il aime, j'aime discuter avec lui de ce que l'on n'aime pas, j'aime l'entendre expliquer ce en quoi il croit (même lorsqu'on n'est pas d'accord !). J'aime quand il téléphone et qu'on reste une heure à papoter, j'aime quand on s'échange des petites suites d'emails dans la journée, j'aime quand il m'explique tout simplement une recette de patisserie extraordinaire, j'aime quand il me fait écouter de la musique que je ne connais pas. J'adore quand il se met à chanter, n'importe quand, n'importe où.


Il y a un jour, un instant dont je me souviens particulièrement. On rentrait d'une conférence, on prenait le RER qui nous ménerait vers la gare, il faisait soleil et je n'avais quasiment pas dormi. Il a commencé quelques mots d'une chanson Mathieu Boogaerts, et on a chanté, affalés sur le quai sur nos sacs de voyage. C'était juste un instant parfait.


Parce que j'ai comme toujours râté la bonne date, je veux lui souhaiter aujourd'hui malgré tout un heureux anniversaire, de tout mon coeur.

lundi 20 avril 2009

Toujours plus

Je parle de ceci pour ne pas aborder cela.


Lire dans des yeux nouveaux la pétillance d'un sourire.
Partager un instant de connivence inattendue.
Parler, doucement, calmement. Rire.
Se laisser même, parfois, aller à un profond silence, sans besoin de le combler.
Pouvoir laisser voguer son regard sans se poser de question.
Réaliser que l'on est entré dans le cercle proche.


Mais, aussi, en vouloir trop, tout de suite, à tout prix.
Vouloir que le temps soit déjà passé.
Craindre d'effrayer par trop de franchise, trop de mots.
Attendre, trop. Hésiter. Attendre encore.
Ne pas savoir l'autre. Tâtonner.
Se retenir pour ne pas effrayer, par peur de commettre une erreur.


Poser des questions / se poser des questions. Vouloir des réponses que l'on a déjà. Ne pas savoir lire, voir, entendre, ni en soi ni dans les autres. Hésiter, hésiter tout le temps, ne pas savourer le présent, ressasser indéfiniment, se cacher alors que l'on veut se montrer, craindre qui l'on est et qui l'on pourrait être, craindre l'autre alors qu'on voudrait le connaître. Peser, repenser, se demander, réviser, remettre en question, comprendre une chose puis son contraire, et s'interroger à nouveau.


J'ai besoin en excès qu'on me manifeste que l'on m'aime parce que j'en suis incapable moi-même. Mais j'y reste aveugle et j'en veux toujours plus. Je veux du voyant, du débordant, de l'intarissable, du nouveau, de l'inattendu, du généreux, sans cesse. J'y étouffe ma spontanéité, mon naturel, ma confiance en moi et dans les autres.

lundi 13 avril 2009

Eyes wide shut

Depuis les nuages hauts très hauts d'où j'observe les événements de grande envergure qui m'entourent, ceux qui enflamment l'une des communautés auxquelles j'appartiens, ceux que que je vois se dérouler ici tout près de moi, je ne vois presque que des choses qui me blessent. C'est peut-être aussi parce que je savais cela à l'avance, pour l'avoir déjà vécu, que je n'ai pas voulu prendre part à tout ça. (J'y cherche beaucoup de raisons, pas tout le temps mais régulièrement. J'essaie de comprendre pourquoi, en profondeur, par rapport à mes choix de vie et mes opinions, j'ai pris le parti de ne pas participer.)


Dans les échanges que je lis, je me vois aimer de plus belle les personnes que j'aime, être déçue des interventions de celles que je connais seulement. Parfois j'ai envie de répondre, mais je m'en abstiens ; je suis intimement convaincue que ça ne fera pas évoluer les choses vers du positif — ni vers du négatif non plus. Je vois que souvent l'on se met à avoir une peur bleue, une terreur qui pousse à accuser les autres de tous les maux, à chercher d'ores et déjà un coupable de la faillite qui nous attend, contre laquelle on ne sait plus que faire, à laquelle on sait qu'il n'y a que peu d'alternatives et que l'on ne se sent pas le courage, pas la force, pas l'envie, parfois même pas la conviction de suivre. Alors on se sépare. On se désolidarise. On oublie tout de la tolérance, de l'humanisme, de l'esprit de groupe et on crie très fort "Mais moi c'est pas que ce que veux ! Et si c'est pas comme je veux, alors je ne ferai rien." On se gargarise d'être si nombreux à partager, et puis au bout d'un temps où l'on commence à comprendre que pour partager il faut être tolérant à la diversité, il faut accepter aussi les avis des autres, surtout ceux de la majorité si l'on joue au jeu des votes, alors on se replie et l'on crie à la manipulation, à la récupération, à la séparation. Ce qui est faux : il n'y a aucune séparation de plus aujourd'hui qu'il n'y en avait à l'origine même des mouvements. Je pense même que s'il n'y avait pas eu cette diversité originelle, si ces gens sur qui l'on tape aujourd'hui n'avaient pas été déjà présents et intègres hier, rien n'aurait jamais commencé et chacun se serait contenté de maronner dans son coin.


Alors ces jours-ci, on se met à faire sienne une idée qui avait été lancée par quelques-uns pendant un temps : celle de la récupération politique. Alors je dis oui, bien sûr qu'il y a de la récupération politique dans le mouvement, et encore heureux. C'est quoi la politique, si ça ne consiste pas à avoir une certaine idée de la société (quelle qu'elle soit peu importe ici) et à tâcher de l'appliquer dans ses actions quotidiennes ? Ça rimerait à quoi si les personnes qui essaient de faire quelque chose cachaient ce qu'ils veulent faire ? Ça rimerait à quoi si le but de chacun, lorsqu'il s'exprime, était de trouver une formule qui plaise à tout le monde ? Ce qui se passe, aujourd'hui comme tout le long de ce mouvement et avant et encore après je l'espère, c'est que l'on peut donner son avis quel qu'il soit. Ceux qui parlent souvent, ceux que l'on couvre d'opprobre ces jours-ci en les accusant de monopoliser les débats, sont des personnes qui croient profondément que chacun peut s'exprimer. Pourquoi est-ce que ceux qui pensent différemment n'osent pas le faire à leur tour ? Ont-ils peur d'exprimer leur avis ? Ont-ils peur de ne pas faire l'unanimité, est-ce que c'est le but quand on prend la parole ? Ne voient-ils pas que ceux qui parlent se contentent d'exprimer leur propre avis, qui les concerne uniquement, et non pas de formuler leurs propos de manière à gagner à l'applaudimètre ? Sont-ils tellement aveuglés par leurs propres fantômes (ou pire, ceux qu'on leur a imposés) qu'ils n'arrivent plus à voir que la diversité existe, que l'on peut avoir d'autres vœux, d'autres souhaits, d'autres méthodes que les ternes options que la télé nous apprend ? Ont-ils finalement chaussé les fers bon gré, mal gré en adoptant cela comme "un mal nécessaire" ?


Il y a quelques temps je parlais de la fierté que j'éprouvais face aux étudiants qui avaient appris en quelques mois, lors d'une action précédente, à s'approprier la chose politique, à participer, à exprimer, à chercher seuls et en groupes. Ils avaient appris, entre autres choses, à se parler et à s'écouter les uns les autres. Je voudrais que cela ne soit pas perdu.

vendredi 10 avril 2009

Au matin d'un petit grand monde

La timide lumière du soleil pas encore tout à fait levant contre le mur de l'escalier. Elle vient d'attirer mon œil pendant que je montais ici avec mon café.


Ça fait quelques temps que je réveille tôt. Non, pas si tôt que ça tout de même ! Entre 6h et 7h30, ça dépend des jours. Et je vois les couleurs naître sous les chants des coqs. Puis j'entends les premiers cris d'oiseaux. Parfois, l'âne M. passe la nuit près de la maison et nous gratifie d'un concert de braiments à intervalles réguliers. À partir de 7h et demie commencent les premières visites à la ferme : il y en a qui ont leurs heures, d'autres leurs jours, et d'autres encore qui improvisent. À 7h30, souvent, c'est un fermier d'un peu plus loin, un vieux maraîcher très célèbre dans le coin pour ses courges muscade, qui vient boire le café. Il est petit, rond, lourd, se déplace difficilement, a le visage buriné par le pastis et le soleil. Il vient presque toujours seul, parfois accompagné de son fils. Il fait des blagues d'obsédé sexuel, c'est pas toujours sympa, surtout de bon matin... mais il est gentil dans le fond. Même s'il est spécial, différent, qu'on ne partage franchement pas beaucoup d'avis.


Entre 8h et 9h passent toutes sortes de gens. Des amis, des connaissances, des collègues, de la famille, qui restent un peu ou ne décollent plus, qui viennent dire bonjour, boire un café (ou deux, ou trois...), grignoter un petit quelque chose que la maîtresse de maison vient de sortir du four ou qu'on lui a apporté, qui viennent demander un service, rendre un service, prêter ou ramener un outil, donner un coup de main, prendre l'air ou des nouvelles.


Il y a les filles de la ferme qui passent au QG, quand elles ne travaillent pas pour le viticulteur du dessous. Qui se demandent ce qu'elles vont faire à manger à midi, le soir. Elles sont parfumées et portent des talons.


Il y a les rares, ceux qui sont partis, ceux qui viennent de loin, ceux qui travaillent trop, ceux qui sont occupés. Il y a ceux qui manquent, et ceux qui viennent par habitude. Il y a ceux qui s'incrustent. Et il y a ceux qui boudent, mais qui reviendront — on le sait.


Sur le fil en face de ma fenêtre, il y a un tout petit corbeau posé avec un très grand ver de terre dans le bec. Il regarde dans tous les sens... je me demande ce qu'il cherche.


On ne donne quasiment plus de foin aux chevaux : ils ont enfin assez d'herbe dans leur parc, dont on a encore doublé la surface il y a peu. Ils aiment être derrière les arbres, je suis contente qu'on leur ait donné cet espace aussi, j'étais sûre qu'ils aimeraient, le point de vue est superbe, ils voient loin, il n'y a pas de pierres.


Ce monde qui m'était étranger il y a si peu de temps m'a adoptée moi toute entière. J'avais tellement peur qu'on me juge trop différente, trop écologiste, trop théoricienne, trop féministe ou je ne sais quoi mais non. Le matin de mon anniversaire, voyant que j'étais sortie faire une course, les filles m'ont appelée et m'ont chanté "joyeux anniversaire" au téléphone, et moi en les entendant j'avais les larmes aux yeux. Il y a quelques temps, on a reparlé de notre fils au hasard d'une conversation, et notre fermier s'est mis à pleurer. Leur vie a été marquée d'épreuves difficiles ; dans un livre de Michel Odoul, j'ai lu une théorie selon laquelle c'est aux personnes les plus fortes que l'on ajoute un handicap. Ils doivent être sacrément forts dans ce cas... et je les admire, souvent.


Le soleil vient à présent éclairer le mur. Je vais prendre une petite douche, m'habiller, et aller rejoindre ce petit monde, si petit mais si grand.

mercredi 21 novembre 2007

Tomber le masque

Comme toujours, quand on va au travail, en enfile le costume de notre personnage professionel (ou alors aussi). On est habituée à ce costume, on l'a soigneusement taillé à la mesure de notre caractère, enfin... de ce que l'on accepte d'en montrer, et puis aussi à la mesure du travail que l'on fait, de nos collègues, du fonctionnement des lieux, de la place que l'on est censée occuper. Tout se met proprement en place, tout adhère parfaitement et on est tellement rodée à l'exercice que l'on ne se rend même plus compte que l'on porte un costume. Tout va bien, c'est la situation normale d'une journée de travail, tout est en place.


Et puis un jour, on parle avec un de nos collègues de travail (il est aussi) et brusquement, on se voit, là, toute ridicule avec notre costume qui n'est pas du tout adapté à la situation. On se rend compte que ce n'est pas à notre personnage qu'il parle, mais à nous, bien cachée là tout en-dessous. On réalise que si l'on lui parle de dedans notre armure, on perd quelque chose, on perd la rencontre. Alors on se retrouve toute conne avec notre masque à la main, que l'on essaie tant bien que mal de remettre quand on parle aux autres, on se demande pourquoi c'est si lourd, pourquoi on fait ça, pourquoi ça ne marche pas à tous les coups, et qu'est-ce qu'il a celui-là d'abord à ne pas être dupe comme les autres, à ne pas accepter ça, et puis pourquoi est-ce qu'il va voir directement sous l'armure, comment il fait, on est pourtant si bien cachée.


Ça m'est déjà arrivé, plusieurs fois, de devenir amie avec des collègues de travail. Peu à peu ils ont appris à me connaître sans mon armure professionnelle ; mais elle ne les dérange pas et je peux la porter devant eux, ça fonctionne. Là c'est très différent : mon costume me gêne quand je parle avec lui. Tout ce que j'ai appris à paraître pour protéger mes façons intimes, mes élans naturels, tombe irrémédiablement à l'eau ; le seul truc qui marche c'est d'être complètement spontanée. C'est à la fois très surprenant et tellement agréable, je n'imaginais pas que c'était possible.

mercredi 14 novembre 2007

L'ami animal

La semaine dernière j'ai fait un crochet par mon ancien club de cheval. Parce qu'on était mercredi après-midi, que j'avais le temps, qu'il faisait beau et qu'on se rapprochait de l'heure du cours auquel j'allais à l'époque. Je pensais y retrouver au moins quelques personnes connues, mais non : toutes ont bougé, ou alors ne montent plus que le samedi (matin, je suppose, à moins que ça aussi ait changé). Même les chevaux eux-mêmes, difficile de retrouver ceux que je connaissais si bien, pour les avoir montés et m'en être occupés plusieurs jours par semaine pendant quelques années.


C'était il y a [...je réfléchis...] 4 ans environ. J'ai essayé de reprendre depuis mais la thèse me pompait toute mon énergie, toute mon envie. Et ce club... enfin, je pourrais en parler pendant des heures, tellement il y a des choses bien là-bas, tellement c'est un endroit profondément attachant.


J'ai enfin trouvé la monitrice, seule personne connue. J'ai discuté avec elle, on s'est raconté nos quotidiens. C'était chouette, et tout bizarre à la fois. Et puis elle m'a donné les dernières nouvelles équines.


Il y avait un cheval là-bas que j'avais beaucoup monté. On s'entendait très bien. Je m'en occupais beaucoup. Et, à force de le côtoyer régulièrement, de partager des tas de moments différents avec lui, on avait sympathisé. Je serais tentée de dire que l'on était devenus amis, autant qu'on puisse l'être avec un animal. Je le gratouillais partout et lui frottait sa tête contre mon dos, me mordillait des bouts de pull, me poussait pour me faire courir. Je lui soufflais dans les naseaux et ça l'hypnotisait. On jouait beaucoup.


Le mois dernier, il a eu une colique fulgurante. En quelques heures, même avec tous les soins possibles de la part du véto, c'en a été joué de lui. Je ne savais même pas que c'était possible une chose pareille. Sur le coup je n'y croyais pas, je pensais quand elle m'a dit ça : "Oui bon d'accord il est mort mais il est où là, que j'aille lui faire des gratouilles ?" Non, ce n'était pas possible. Il avait une quinzaine d'années, c'est jeune. Il était magnifique et toujours de bonne humeur, il avait de l'humour (non, c'est sérieux ce que je dis). Il n'était pas toujours très malin et était plutôt pataud, sans doute en partie parce qu'il était très, très grand. Il mettait du coeur à ce qu'il faisait. Il faisait des blagues, parfois. Il était très sociable.


Ça fait des jours que je veux faire ce billet et mettre quelques photos de lui, mais toutes mes photos sont des tirages papier alors il faut que je les retrouve et que je les scanne. Alors peu importe les photos finalement, je les mettrai quand je pourrai. Un ami animal est mort et je suis triste.

dimanche 11 novembre 2007

Des courants de bien-être

Ça pourrait être l'épisode suivant les frustrants imprévus. J'ai attendu, attendu, bien plus que ce que je m'en pensais capable (sinon, quoi ?), bien plus en tout cas que ce dont j'avais envie.


Comme quand j'étais toute petite et qu'à l'approche de Noël je savais quand mes parents avaient été m'acheter les cadeaux que j'attendais. Quand les quelques jours (voire, semaines !) qui me séparaient de la découverte de mes nouveaux moments de jeux étaient pour moi une éternité, véritablement insoutenable alors que je savais si bien qu'ils étaient là, rangés en bas à gauche dans le placard de ma mère, et dès que j'en avais l'occasion volée je filais les y voir, m'imaginant à quel point ce serait bien de pouvoir enfin jouer avec. Je trouvais cela moins insoutenable que complètement absurde : tous les éléments étaient réunis déjà pour qu'un instant de joie intense se produise, mais l'on devait attendre parce que celui-ci devait coïncider strictement avec une date donnée du calendrier. La joie en était-elle plus intense ? Je ne l'ai jamais trouvé. Qu'est-ce que j'ai pu argumenter avec mes parents sur ce point, dans les faits moins que dans ma tête, afin d'arriver à leur faire admettre à quel point cette situation était absurde, et qu'il serait tellement plus logique, tellement plus évident d'en profiter dès que l'occasion se présentait plutôt que d'attendre ! Et d'attendre quoi d'abord, puisque de toute façon l'instant aurait lieu, alors à quoi bon le retarder ? Evidemment, ça ne marchait jamais. Et je ne saurais dire à présent si je le regrette ou pas, parce que ça n'a aucune importance : en revanche je sais qu'aujourd'hui, j'offre ce que j'ai envie d'offrir si tôt que j'en ai l'occasion, et peu importe le respect du calendrier.


Et quand je parle d'offrir, je parle aussi bien de cadeaux matériels que d'amour, au sens large. D'ailleurs pour moi il s'agit de la même chose : un cadeau que je veux faire, peu importe qu'il soit matériel ou non, ne doit pas attendre, ne peut pas attendre sinon il est comme un soufflé qui retombe ; à quoi bon attendre pour offrir un cadeau puisque l'on n'attend pas pour dire à quelqu'un qu'on l'aime (ou alors, c'est en tout cas quelque chose que je n'ai jamais pu accepter !). Et qu'est-ce que l'on pourrait bien attendre, d'ailleurs ? (Il y a plein de réponses possibles à cette question, réponses que j'ai entendues à maintes reprises, et jamais, jamais je n'en ai trouvé une seule justifiée.)


Donc après avoir passé un moment de joie intense avec quelqu'un, après avoir ressenti comme une bouffée d'amour qui se crée de manière tout à fait surprenante (parce que toujours, nécessairement inattendue), jamais je n'ai envie d'attendre pour que cela se reproduise. Qu'est-ce qui pourrait bien justifier une telle attente ? Je n'ai jamais trouvé de réponse qui me satisfasse, ni même qui me permette d'attendre sereinement, au moins. D'où la frustration des imprévus qui viennent temporiser mon bonheur, qui viennent retarder si injustement des flots de bonheur qui m'envahissent et gonflent mon cœur. Frustration et sentiment d'injustice : ce sont toujours, par définition, des événements futiles qui m'en empêchent, en comparaison de ce que j'ai à ressentir. L'amour, la joie, le bonheur sont toujours prioritaires sur tout, sinon la vie n'a plus de sens.


[ Cette dernière phrase, je devrai la relire plus tard. ]


Et cette primauté absolue est pourtant sans cesse violentée, ignorée, brimée par les faits. Parce que la vie, parce que le quotidien dans la vie, parce que le travail dans le quotidien et puis toutes les choses à faire et aussi le fait que le bonheur et l'amour ne coïncident pas toujours parfaitement : en l'occurrence, l'amour est multiplié par le bonheur de la nouveauté, de la surprise qu'il vienne apparaître là où l'on ne l'attendait pas. Alors tout l'amour que l'on ressent par ailleurs reste toujours là et tout aussi présent, mais c'est l'étourdissement de cette nouvelle rencontre que l'on veut retrouver, dont on veut profiter, que l'on veut sentir en soi.


Evidemment je parle là d'amour au sens large. Pas uniquement du "sentiment amoureux". Je tiens à le préciser (mais si je savais pourquoi...).


Il s'est passé plus de dix jours pour que cette suite de frustrants imprévus en finisse de mettre mon bonheur en veilleuse. J'avais un trac fou d'être déçue, de m'être fait une montagne. Et je me raisonnais en me disant que c'est mon ressenti qui compte pour moi, que ce qui est important pour moi c'est la façon dont je le perçois, que je n'ai qu'à agir, être en conséquence de ce que je ressens et que tout ira bien, que je ne peux pas être déçue par mon propre état et qu'il n'y a que lui qui compte en la matière. Mais rien n'y faisait : plus le temps passait plus j'étais saisie d'une peur de m'être mis le doigt dans l'œil, d'une peur de me retrouver face à une situation comme si la rencontre à laquelle je donnais une telle importance n'avait pas eu lieu. Combien de fois ça m'est arrivé, ce genre de chose ! Sans doute en (grande ?) partie parce que justement, je n'étais (n'agissais) pas conformément à ce que je ressentais.


Avec ma façon caricaturale de ne jamais être sûre de moi, je ne pourrais m'autoriser à affirmer que la rencontre s'est confirmée. Ce que je peux dire, c'est que j'ai à nouveau ressenti autant de bonheur. Je n'en demandais pas énormément finalement, je ne demandais pas des heures de conversation en tête à tête pour que l'on se raconte toutes nos vies et nos idées, mais je voulais juste pouvoir profiter des petits instants accessibles au quotidien pour porter un certain regard, avoir certains mots, dont je ne savais pas si la situation les permettrait. Et je ne sais pas si c'est la situation ou alors moi-même qui les ont permis finalement, mais j'ai pu le faire. Je ne saurais parler non plus de ce que j'ai reçu, parce que je n'oserais à aucun prix mettre des mots sur ce que je ressens des autres, mais ce que je sais c'est que j'en ai été heureuse. Heureusement surprise, encore une fois. Heureusement touchée. Comme une confirmation de confort, d'un confort dans ma possibilité, mon "droit" d'user de mon amour et de le prodiguer comme bon me semble. C'est très difficile pour moi. Mais ça a été tellement agréable.

jeudi 1 novembre 2007

Les frustrants imprévus

Parfois, en l'espace de quelques heures on découvre une personne. Ça peut être quelqu'un que l'on côtoie régulièrement ou non, mais dans tous les cas avant cela ce n'est qu'un inconnu parmi les autres. Et puis un jour on se met à parler avec cette personne, de choses et d'autres, de soi, du monde, des idées, de sujets qui n'ont aucun rapport avec dont on devrait parler avec elle a priori, normalement. On se surprend en parfaite confiance et l'on éprouve un immense plaisir à faire connaissance. Ça s'appelle une rencontre ça, non ?


Et puis ce petit temps parfait s'écoule et les activités normales reprennent. Mais à présent l'on porte un regard différent sur cette personne. Quand la journée est terminée, on se quitte, mais on n'en a pas envie. On n'a pas eu assez de cette découverte, on a envie de reprendre la conversation où l'on s'était arrêtés, ou alors de parler d'autre chose, on se demande quel est l'avis de cette personne sur telle ou telle chose qui nous tient à cœur, on se dit que l'on a peut-être plus de points communs qu'on l'aurait imaginé a priori, parce qu'on ne se posait pas la question, parce qu'on ne l'avait jamais spécialement regardée, cette personne, avant. Mais non, ce n'est pas possible, les choses de la vie font que l'on doit rentrer chacun chez soi. Alors on rentre. Et puis l'on pense que bientôt, demain, la semaine prochaine, on se reverra et que l'on verra si l'on arrive à parler encore, à retrouver un moment comme celui-ci, on a hâte de le retrouver. On sait qu'on reverra cette personne très bientôt.


Mais les choses de la vie n'en font qu'à leur tête parfois, et le très bientôt se multiplie par des jours, des semaines, qu'on n'avait pas prévus, qu'on n'a pas envie d'attendre.


Pourquoi est-ce que, à chaque fois que je fais une rencontre comme ça, tout un tas d'imprévus se pointent et font que je ne peux pas revoir la personne avant trois fois plus de temps que d'habitude ?


...


Il y a une autre grande question que je me pose dans ces cas-là, évidemment, c'est "est-ce que c'est réciproque ?" Mais bon, déjà que j'ai du mal à savoir ce que je ressens moi-même... je n'espère même pas répondre à celle-là ! J'ai toujours cette hantise d'avoir passé un super instant, éphémère certes mais important pour moi, et que la personne avec qui je l'ai passé ait trouvé ça tuant, inintéressant, m'ait trouvée bête, morne, ennuyeuse, voire gamine. Bah !


(La révélation du jour ça serait : j'ai tellement peur qu'on me connaisse !! - Oui mais alors pourquoi j'écris un blog me direz-vous ? Parce que j'y suis lue par des gens qui ne me rencontreront probablement jamais, ou alors très rarement, pardi ! - Sauf ma maman évidemment, mais elle je sais qu'elle m'aimera qui que je puisse être ;-))

jeudi 23 août 2007

Summer times


Ça fait cinq ou six ans qu'on se connait, parce qu'on travaille ensemble. On avait quelques amis communs, et l'on discutait de temps à autre, au milieu de groupes. On avait, quelques fois, déjeuné toutes les deux : immédiatement les conversations devenaient très intimes, et je me sentais mise à nu devant cette inconnue, et je me sentais toute petite et sans défense. Alors, pour m'en protéger, j'avais relevé quelques traits potentiellement désagrables de son caractère et je les avais exacerbés dans ma perception d'elle afin de ne surtout pas avoir envie de la connaître plus avant.


Il s'est passé de cette façon quelques années. Et puis au début de l'été, quand on est arrivés pour déjeuner chez une amie, elle était là. Seule avec nous. Alors on a sympathisé. Et comme l'on sympathisait, on l'a invitée à la maison quelques jours plus tard, avec d'autres amis. Et comme ce soir-là on a sympathisé de plus belle, on lui a proposé de nous accompagner dans le Verdon, comme on le fait avec tous les gens que l'on apprécie. Elle a accepté.


Elle est très tactile ; je l'avais déjà remarqué auparavant, mais comme j'évitais soigneusement de me rapprocher d'elle, elle n'avait pas d'occasion pour me toucher. Moi qui fuis les contacts, moi qui protège à l'excès mon petit périmètre corporel. Et elle est la première personne que j'arrive à embrasser littéralement, aujourd'hui. Il y a ce farouche animal intérieur qui se cabre quand je sens qu'elle entre dans mon espace. Je crois qu'elle est assez perspicace pour le voir.


Elle a des yeux gigantesques, des regards profonds qui précèdent ce qu'elle va dire. Parce qu'elle parle, aussi. Elle met des mots, des mots clairs et précis, des mots honnêtes et humbles, sur ce qu'elle a à dire. Qui pénètrent aussi facilement que ses mains le domaine personnel des autres. Elle écoute et parle. Elle rayonne, beaucoup.


Elle inspire une immédiate confiance, en soi. Je pense que c'est voulu. Je ne sais pas. Ça ne me regarde même pas. Reste qu'elle est arrivée là, brutalement, à un moment où je ne voulais pas, où je ne voulais plus, et pourtant elle a pris sa place comme une évidence. Et depuis quelques jours, alors que l'on sent lourdement revenir la rentrée, le retour au travail, et moi qui ne sais pas encore comment je m'y placerai ni même si j'ai vraiment l'envie ou l'intention de le faire, je me demande ce que cela donnera quand, à présent, on se croisera à l'imprimante, quand j'entendrai son rire devant la machine à café, quand ça sera l'heure d'aller déjeuner et que l'on formera les groupes. Nous ne faisons pas partie de la même caste au travail, nous n'avons pas les mêmes habitudes, les mêmes habitués. Un équilibre s'est progressivement établi selon cette formule, parce que chaque arrivant se fait sa propre niche dans l'ensemble et ne peut guère en bouger une fois accepté à une place donnée, une fois dûment estampillé par les pairs. Et quand on bouge un pion ça bouleverse l'ensemble du jeu, et les autres pièces ne le veulent pas, ce qui est normal.


Je me demande si ça aura été une rencontre subite et éphémère et que tout rentrera dans l'ordre dès lors que le quotidien laborieux aura eu raison de cette relation qui n'est, je crois, pas compatible avec un tel environnement. Je me demande comment ça va évoluer. Je regrette que l'on travaille ensemble. Et puis je sais que quoi qu'il en soit, les jours actuels ne sont qu'une parenthèse, que ça va changer. En fait je ne regrette pas, je ne fais que me demander de quoi demain sera fait, tout en savourant à l'avance les futurs souvenirs d'aujourd'hui.