Il y a quelques années, l'agence Capa était apparue dans les locaux de mon labo. Ils venaient tourner un reportage sur l'état des facs en France. Ils ont passé beaucoup de temps chez nous, trouvant tout un lot d'images, et quelques personnes pour leur expliquer certaines situations.
Le documentaire s'est intitulé "Facs : carton rouge !", et a été diffusé le 17 janvier 2005 sur Canal Plus. Je l'ai vu. J'avais eu peur de son visionnage, parce que je pensais que le montage aurait déformé la réalité : en ce qui concerne ce que j'ai vu se faire, il n'en a rien été. Le reste a donc été effarant pour moi, qui pourtant en connaissais une partie !
J'ai repensé à ça, en passant dans mon ancien labo aujourd'hui, et puis parce qu'il y avait une AG des étudiants pendant ce temps, et puis parce que les réformes, parce que l'état du bâtiment est encore pire aujourd'hui qu'il ne l'était au moment du tournage (en tout cas, de ce qu'on peut en voir), parce que... je me demande ce qui a changé depuis. Si la moindre chose a changé.
Voici un extrait du résumé du documentaire que l'on peut trouver sur le site de Capa :
"Facs : carton rouge !"
Réalisation : Sylvie Chabas
durée : 52 minutes
A l'université de Marseille, un labo de recherche conçu pour 8 personnes fait travailler aujourd'hui 70 étudiants et chercheurs dans des conditions dignes d'un atelier de confection clandestin. Un peu plus loin dans la même université, il pleut sur des livres rares pourtant rassemblés dans une unité de recherche flambant neuve. Selon une commission d'enquête du Sénat, le tiers des cités U françaises sont des « taudis dangereux». A l'université de Reims le président a du fermer 4 amphis sur 6 à la veille de la rentrée. Ils menaçaient de s'écrouler sur les étudiants. Et c'est le doyen en personne, un prof de grec, qui est contraint à la dernière minute de passer des heures au téléphone pour trouver des chaises pour asseoir les élèves de sa fac.
Alors que l'Etat ne cesse de rappeler que la recherche et l'enseignement supérieur sont une priorité nationale, l'agence Capa mène l'enquête sur la réalité concrète des universités et du sort qui est fait aux étudiants et aux chercheurs. De Marseille à Reims ou à Paris, ce film nous entraine dans les coulisses du systême universitaire de formation des élites en France. Prè d'un million et demi d'étudiants sont concernés.
Le constat est accablant : locaux vétustes ou insalubres, laboratoires d'enseignement et de recherche sous-équipés, amphis surpeuplés, manque de personnel, cadres impuissants ou désabusés.
Pire, une partie des établissements sont aujourd'hui dangereux pour leurs usagers, étudiants et professeurs.
Faute d'une gestion cohérente entre l'état, les collectivités locales, les administrations et les responsables universitaires. Faute aussi, et surtout, d'argent. La France ne consacrre qu'un peu plus de 1% de son PIB à l'enseignement supérieur, contre plus de 2% aux Etats Unis. Cette situation souvent désastreuse, les responsables politiques et administratifs la connaissent. Sans pouvoir - ou vouloir- la traiter. Par delà le constat d'une université en crise, cette enquête remonte les fils des décisions et des responsabilités et interroge les décisionnaires de tous niveaux, responsables administratifs locaux, présidents d'université, recteurs, maire, préfecture. Jusqu'au plus haut niveau du pouvoir politique. Le film interpelle les responsables du cabinet du ministre de l'éducation nationale François Fillon. Quand, face au constat, la langue de bois n'est plus permise.
Le "labo de recherche conçu pour 8 personnes [qui] fait travailler aujourd'hui 70 étudiants et chercheurs dans des conditions dignes d'un atelier de confection clandestin", c'était mon labo. Aujourd'hui, il accueille une centaine de statutaires, et presque autant de doctorants. Je crois que cet état de fait se passe de commentaires.
Aujourd'hui donc, une AG étudiante a eu lieu à la fac de lettres d'Aix. Si je me souviens bien ce que j'ai reçu en fin de journée, ils ont voté le blocage. Début de grand ram-dam de la part de quelques personnels qui ne le veulent pas et le disent très fort, en s'arrêtant à l'exression de leur ras-le-bol plutôt qu'en exprimant des arguments, des positions, des *vraies* raisons (plutôt que "y'en a marre de ces étudiants qui m'empêchent de travailler à tout bout de champ").
En outre, un texte a été diffusé hier, co-écrit par la Société de Mathématiques de France, la Société Française de Chimie et la Société Française de Physique, et qui vaut vraiment d'être lu (ce qui peut se faire par exemple ici). Beaucoup, beaucoup de choses sacrément intéressantes là-dedans, pertinentes, etc. Mais j'y reviendrai.
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Et je profite de ce billet pour créer une nouvelle catégorie dans mon blog, Université mon amour, où je parlerai de ce que je pense de certaines choses, quant à l'engagement dans ce monde et à ce que ça implique, et tout ce genre de choses, en fonction des actualités, et de ce qui me viendra à l'idée.
4 Commentaires :
Tant que le prix des matraques n'aura pas diminué en France, faut pas s'attendre à voir passer de l'argent dans le système éducatif.
Comment ça, je suis mauvaise langue ?
merci beaucoup pour le dernierlien. J'irai le lire demain, là il se fait tard.
Ça n'a aucun sens... comment faire des recherches dans un tel contexte?
JB > Ho, comme tu y vas ! ;-)
t.w. > J'espère ! Vraiment, je l'ai relu, en ai discuté avec diverses personnes, c'est vraiment intéressant. Ça fait beaucoup réfléchir, pour ceux qui connaissent bien la situation, et peut-être même que ça la fait connaître dans sa réalité aux autres ?
Moukmouk > Hé bien, en se serrant ;-)
En s'alternant aux bureaux.
En n'en faisant de moins en moins...
Cette année j'ai su qu'il y avait un postdoc que l'on avait installé dans la bibliothèque, à la place d'une biliothéquaire qui est partie en formation. Z'ont sauté sur l'occasion : tu parles, de la place !!
Et pourtant, on fait de la bonne recherche, reconnue internationalement : cf. le prix Nobel de... argh je sais plus, physique ? qui est revenu à un français du CNRS cette année.
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