Un texte que je lis ce matin, paru dans la Revue des ressources, qui date de 1911, de la main de Ralph Waldo Emerson. Il s'agit de l'introduction de son livre Société et solitude, disponible intégralement (en version scannée) sur Gallica.
Il avait des capacités réelles, un naturel aimable et sans vices, mais il avait un défaut - il ne pouvait se mettre au diapason des autres. Son vouloir avait une sorte de paralysie, si bien que quand il se trouvait avec les gens sur un pied ordinaire, il causait pauvrement et à côté du sujet, comme une jeune fille évaporée. La conscience de son infériorité la rendait pire. Il enviait aux conducteurs de bestiaux et aux bùcherons de la taverne leur parler viril. Il soupirait après le don terrible de la familiarité de Mirabeau, convaincu que celui dont la sympathie sait descendre au plus bas est l’homme de qui les rois ont le plus à craindre. Quant à lui, il déclarait ne pouvoir réussir à être assez seul pour écrire une lettre à un ami. Il quitta la ville, alla s’enterrer aux champs. La rivière solitaire n’avait pas assez de solitude ; le soleil et la lune le gênaient. Quand il acheta une maison, la première chose qu’il fit fut de planter des arbres. Il ne pouvait se cacher suffisamment. Mettez ici une haie, plantez là des chênes - des arbres derrière les arbres, et par-dessus tout, des feuillages toujours verts, car ils maintiennent le mystère autour de vous toute l’année. Le plus agréable compliment que vous pussiez lui faire, c’était de donner à entendre que vous ne l’aviez pas remarqué dans la maison ou la rue où vous l’aviez rencontré. Lire la suite...
Troublante façon de dire l'opposition, le conflit entre la solitude et la compagnie, entre l'infini du désert des possibles et l'énergie vitale du lien social. Immensité élémentaire et insoutenable contre proximité essentielle et paralysante. Et soi non pas au milieu, pas entre les deux mais en savant mélange d'un peu de chaque, en un être alimenté tout à la fois de l'un et l'autre.
Chaque conversation est une expérience magnétique, c'est bien ça.
1 Commentaire :
A ne pas publier
Salut Mirza, tu n'écris plus? Tu nous manques, à tous tes lecteurs, c'est une Responsabilité un blog !
J'espère que tu vas bien, bises
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