Rien

En cherchant (en vain, d'ailleurs) la facture de mon appareil photo pour l'amener à réparer au magasin et faire marcher la garantie, j'ai refait le tour (en désespoir de cause) de plein de vieux cartons. Dans l'un d'eux, j'ai retrouvé des carnets qui datent d'il y a des années. Quand ça ne faisait pas longtemps que je vivais avec l'homme qui est depuis devenu mon mari. Quand j'habitais au centre ville d'Aix. Quand on sortait boire des bières le soir avec des copains, que l'on voyait quotidiennement une amie qui était ma collègue de gribouille : on passait notre temps à dessiner sur tous les supports que l'on trouvait, on notait les grandes phrases qu'on entendait, les blagues nulles, on faisait des parodies des expos que l'on allait voir.

Ça m'a fait plaisir de retrouver ça. Mon carnet de voyage à Barcelone pour le jour de l'an 1999. Les images de notre séjour au pays basque à l'été 2000. Un billet pour le concert de Jimmy Page et Robert Plant à Toulon la même année... (231 francs la place dans la fosse, fallait avoir envie !) La maquette du magasine que l'on s'était piqués de monter (un truc qui s'appelait Ouïe-Dire, magasine à caractère d'ambiance) avec les articles que l'on avait écrits. Contrairement aux trucs plus anciens (journal intime de quand j'étais toute gamine, lettres de mes premiers amoureux), j'avais oublié jusqu'à l'existence de ces carnets.

Ce qui fait moins plaisir, c'est que j'ai retrouvé dans le tas une brève bafouille que j'avais écrite le jour de mes 20 ans. Je faisais la liste ce dont j'avais envie.

De tout ce que j'avais noté, je n'ai rien réalisé. Rien.

Comme si ma vie avait été un fil tendu de 0 à 20 ans, et avait lâché juste après. Je me retourne, et je vois le vide, le rien, le trou noir. Mon passé n'est pas le mien, il ne mène pas là où je suis.