Quelques réactions à l'excellent billet de Mema sur l'arrosage des vignes, pour lequel je la remercie infiniment parce qu'elle a largement répondu à ma curiosité :-) et que ça me fait très plaisir d'apprendre plein de choses à ce propos. Ben oui, ici aussi on a beaucoup de vigne et n'étant pas née dedans, je suis avide d'informations !
Marrant les coïncidences, juste pendant que j'écris ça, l'émission "Service Public" sur Inter fait un sujet sur l'eau...
Contrairement aux idées reçus, un raisin qui aura trop soufert de la secheresse ne faira pas un bon vin. Pareil pour un raisin gorgé d'eau. Tout est affaire de juste mesure.
C'est ce que l'on se disait lors de l'été 2003, qui battait des records de chaleur et de sécheresse comme on peut s'en souvenir facilement, et pour lequel on entendait dire que ça allait faire du bon vin : pfff. D'ailleurs il est pas terrible le millésime 2003.
En pratique, l'irrigation de la vigne consiste à apporter une seule dose d'eau, 30 à 50 mm en général, pour compenser l'orage qui n'arrive jamais. L'irrigation n'est pas systématique. Sur un périmètre de 1000 hectares, il s'irrigue 100 hectares une année, et 5 l'année qui suit. Tout dépend de la pluviométrie.
Ça, c'est complètement différent de chez nous. Ici, les vignerons arrosent tous les jours en été, et pour certains 24 heures sur 24. Le comble : ceux-là arrosent même pendant qu'il est en train de pleuvoir !! Je parle ici de ceux qui utilisent des asperseurs : ceux qui utilisent un goutte-à-goutte, on ne voit pas de loin pas quand ils arrosent.
L'irrigation est culturelle dans cette région. Elle se pratique depuis que l'homme est là. Savez vous que la Camargue est ce qu'elle est, car l'homme a créer des réseaux de canaux pour irriguer les foins de la plaine de la Crau? Et le pont du Gard? Je vous parle là d'exemples que vous connaissez tous, mais si vous saviez les richesses patrimoniales et écologiques qui se cachent derrière l'irrigation...
Oui c'est vrai, c'est évident. Ensuite, il y a des abus partout. Notamment, je serais curieuse de passer à Correns pour voir comment eux, qui ont exactement le même climat qu'ici, procèdent pour arroser les vignes. Ici, la coop a reçu, un jour, un encouragement à l'arrosage, alors depuis ils arrosent, ils ne se demandent pas pourquoi. La raison pour laquelle ils le font n'a rien à voir avec le qualité du raisin, mais c'est simplement parce qu'on leur a dit de le faire. Peu importe que le village soit la risée de la vallée en matière de vin : c'est de loin le plus mauvais. Peu importe qu'ils balancent des tonnes de desherbant dans leurs vignes, qui se retrouve ensuite dans l'aïgo vivo qui traverse le village. Peu importe qu'ils labourent tous les mois. Peu importe qu'ils vendangent à la machine, en ramassant tout et surtout n'importe quoi (des feuilles, des branches, des raisins moisis) et laissent la moitié des bons fruits sécher sur les pieds. Peu importe qu'ils fassent du vrai mauvais vin : c'est ce pour quoi ils sont payés. Alors ils le font. Je passe sur quelques retours que j'ai eu de tactiques d'abus et de moindre travail qui sont discutées à la coop.
L'irrigation en soi, c'est évidemment nécessaire dans des régions comme les nôtres, surtout avec les changements climatiques que l'on subit depuis quelques années. Mais quand je vois ce qu'on avait pu mettre en place au siècle dernier, par rapport à ce qu'on fait aujourd'hui, ça me laisse pantoise : comment est-ce qu'on peut laisser des vignerons arroser pendant qu'il pleut alors que 100 mètres plus loin son voisin lambda n'a plus le droit d'arroser son petit potager parce qu'il y a pénurie en eau ?
J'ajoute une expérience : il y a quelques années on a habité dans un coin qui avant le XVe siècle était un marécage, et qui a été asséché par les Templiers quand ils s'y sont installés (le plateau du Cengle, j'en ai déjà parlé dans des balades). Là haut, aujourd'hui chaque goutte d'eau compte : les quelques habitants du plateau doivent faire avec les nappes phréatiques qu'il reste, sachant que même le Canal de Provence ne monte pas là-haut parce que ça coûterait trop cher en installation pour si peu de monde. Alors on fait attention non seulement à ce qu'on consomme comme eau, mais également à ce qu'on jette sur le sol pour ne pas risquer de polluer notre boisson non plus (c'était de très loin la meilleure eau que j'aie bue, et ce sans système de potabilisation). Les agriculteurs faisaient du blé, parce que ça ne s'arrose pas ; ils sont en train de passer aux oliviers en partie, pour varier tout en restant dans le champ des possibles. Nous, pour arroser notre potager en pleine canicule, on descendait du plateau tous les jours remplir des bidons de 20L aux robinets du Canal de Provence et on remontait ça pour arroser nos tomates et nos potirons (et accessoirement aussi les rainettes qui s'étaient installées dans le potager parce que c'était le dernier coin arrosé).
Bref, j'aime bien l'idée selon laquelle chacun adapte sa production aux possibilités du milieu dans lequel il s'installe. Installer des systèmes d'irrigation douce (comme les biefs du Pilat qui sont un exemple fantastique), qui ne traumatisent pas l'environnement, je suis parfaitement pour. Mais vider le sol de ses réserves, et piller le capital en eau pour arroser tous les jours, qu'importe qu'il soit déjà en train de pleuvoir ou bien qu'ils perdent 50% de l'eau aspergée sous le soleil, simplement parce que ça correspond à une directive échelonnée nationalement, ça donne des situations surréalistes et tout à fait dangereuses.
Ici la population est déjà restreinte en eau, à la mi-avril. On fera quoi dans 10 ans ?
6 Commentaires :
J'ai toujours pensé qu'une fois passé le Rhône, on était chez les fous...
Plaisanterie mise à part, je suis assez interloquée sur ce que tu écris: arroser tous les jours, 24h/24? Tous les jours de quand à quand? Pendant deux mois? 1 Mois? 2 semaines? Mais c'est tout le monde qui arrosent comme cela? Là j'en reste sur le c*%£*
Et l'eau, ils la prennent d'où? Franchement, ils doivent bien gagner leur vie, parce que quoi qu'il en soit, arroser à un coût! Et chez nous c'est non négligeable, alors quand il n'y a pas besoin, on s'abstient.
C'est le problème des caves coopératives, quand elles sont mal gérées, elles induisent des comportements abbérants sur un large territoir. Et les asperseurs...quelle inéfficacité sous la canicule...
Mais une piste sur la différence entre le sud est (chez toi), et sud (chez moi) c'est la ressource. Je sais bien que vous n'etes pas riche en eau (quoi que), mais de façon général, vous en avez bcp plus que nous...et c'est bien connu, quand on vit dans l'opulance, on consomme sans compter. La proximité des Alpes, les conventions Durance et compagnie (EDF) permettent à ta région de bénéficier de volumes prédéfinis pour l'irrigation.
Chouette billet
Bises
"J'ai toujours pensé qu'une fois passé le Rhône, on était chez les fous..."
--> Moi aussi... tout dépend du référent ;-)
"Tous les jours de quand à quand? Pendant deux mois? 1 Mois? 2 semaines?"
--> Tous les jours pendant bien un mois et demi il me semble. Alors évidemment, ils font tourner les asperseurs sur les vignes (ils les dépalcent de lieu en lieu, et puis ils ont un système qui fait reculer l'asperseur le long des rangs pendant quelques heures), ce qui fait qu'au final, en gros, une même vigne est arrosée, je dirais, à peu près un jour (complet) par semaine.
Je veux bien qu'ils compensent les manques de la pluie naturelle, mais en Provence en été, il n'a jamais plu un jour par semaine...
"Mais c'est tout le monde qui arrosent comme cela?"
--> Non non, rasure-toi. Par exemple ici, un peu plus loin, il y a un autre vigneron qui a un goutte-à-goutte. D'autres qui arrosent moins souvent. Et tous n'arrosetn pas pendant qu'il pleut. Mais en moyenne, c'est beaucoup trop souvent.
"Et l'eau, ils la prennent d'où?"
--> Dans le canal de Provence. C'est l'eau du Verdon.
Comme tu le dis, ma région a moins de problèmes d'eau que la tienne, c'est certain. Surtout depuis l'installation de ce fameux canal, parce qu'avant il en était tout autrement ! Maintenant l'eau ici coule à flots, peu importe si en amont le Verdon en été finit presque à sec, ceux qui sont au bout du robinet ne se demandent pas une seconde d'où vient cette eau qui coule à flots de leurs tuyaux d'arrosage.
"Franchement, ils doivent bien gagner leur vie, parce que quoi qu'il en soit, arroser à un coût!"
--> Je n'en ai jamais moi-même discuté avec eux, mais j'ai un ami qui l'a fait et m'a raconté qu'en fait ils reçoivent des subventions pour arroser une certaine quantité. S'ils ne le font pas (ou pas assez), ils ne touchent pas lesdites subventions. Alors peu importe qu'il pleuve, s'il faut arroser pour recevoir les subventions, ils arrosent... c'est affligeant n'est-il pas ?
"--> Moi aussi... tout dépend du référent ;-) "
--->La preuve par deux de l'éternel bisbis PACA/LR!
"et puis ils ont un système qui fait reculer l'asperseur le long des rangs pendant quelques heures)"
---> ça s'appelle un enrouleur
"à peu près un jour (complet) par semaine. "
--->c'est pas possible, ils font du jus de raisin!!
"Dans le canal de Provence"
--->GRRRRRRRRR, ça c'est du lobying!! Société purement commercial...
"qu'en fait ils reçoivent des subventions pour arroser une certaine quantité"
--->là je pêche! Cela doit être des aides locales, spécifique (peut être même que c'est le grrr cidessus qui incite à la consommation, mais là c'est de la pure médisance de ma part); Ou peut être font il rellement du jus de raisin.
"c'est affligeant n'est-il pas ? "
--->Bienvenue dans le monde du lobying...
Merci pour ces échanges que je garderais dans un coin de mon oreille professionnelle.
Bises
J'en reparlerai à l'occasion avec mon pote qui a des vignes, question d'en savoir un peu plus, un peu plus précisément. Avec des vrais chiffres, etc. Ça pourrait être carrément intéressant.
Merci pour le fantastique des biefs du Pilat.
Je précise que cette expérience pourrait apporter des réponses aux nombreux problèmes de l'eau et de climat dont on fait des symposiums pour speudo-scientifiques/touristes......
JMH
jeandb > Contente de te voir poser une marque de ton passage ici !
J'aime beaucoup l'histoire des biefs, oui, ce qu'ils sont, ce qu'ils représentent (dans tous les sens du terme) et ce qu'ils permettent. (et j'encourage vivement à suivre le lien que j'avais donné à leur propos dans le billet !)
Commenter