mercredi 18 avril 2007

Mirza 2 - CNRS 0

Evidemment, il a suffit que je me plaigne pour que mes voeux soient enfin exhaucés : les résultats de la section 45 ont été publiés hier (juste le jour où je n'avais pas accès au web de toute la journée ;-)


Et tout aussi évidemment, je ne suis pas dedans. Bon, ce sont tous des psycholinguistes, je n'étais pas du tout dans ce profil. Regrets oui, mais regrets raisonnables.


Hier aussi j'ai passé ma seconde audition, dans ma section de spécialité cette fois : la 34, portant le doux intitulé de "Langue, Langage, Discours". Un peu plus de 80 candidats si je me souviens bien ce qu'on m'avait dit, tous les dossiers recevables (i.e., complets) sont auditionnés sur 3 jours, le tout pour 3 postes, sans profil cette fois. Autant dire que ça usine dur.


Convoquée à midi, donc passage à 12h30 (ils convoquent une demi-heure plus tôt afin de permettre un éventuel échange de passage entre deux candidats, parce que dans la théorie "Toute absence, même justifiée, est éliminatoire", c'est écrit sur la convovation). J'arrive plus tôt, par le train de 6h49, arrivée un peu avant 10h, une petite heure de RER + Tramway + marche pour arriver à Meudon, et installation du QG de campagne dans le bar d'en face, en terrasse au soleil, attendant la sortie d'un ami qui passait à 10h.


Attente devant la salle de mon sous-jury. Fais les cent pas, repire avec le ventre, bois régulièrement une gorgée d'eau agrémentée de Rescue, sens mon coeur qui se met à battre de plus en plus fort, mes jambes qui commencent à trembler. De cette salle-là (ce n'est pas la même que pour mon audition précédente), il n'y a pas de fenêtre d'où l'on voit le jury, mais par contre on entend les voix qui passent à travers la porte, et ce que j'entends n'est guère rassurant. Soyons honnête : quoi que j'aie pu entendre, de toute façon je n'aurais pas été rassurée. Ici la candidate précédente, non native francophone, avait une toute petite voix tremblante et non assurée, bafouillait, semblait globalement molle. Voix de femmes qui posent des questions : ça a l'air d'être piquant, presque acide, aux intonations : je ne refuse de m'approcher de la porte ou de tendre l'oreille pour avoir plus de détails, ça serait encore pire. Si ça avait été le contraire, si la candidate avait semblé très sûre d'elle et le jury conquis, j'aurais été tout aussi stressée, de toute façon ça n'est pas chouette de les entendre. Tendue, donc.


Une amie arrive, qui passe l'après-midi et qui était venue repérer sa salle. On papote en chuchotant, et puis la candidate sort, pendant que le jury fait la transition entre elle et moi : premières impressions sur elle, et puis présentation de moi par les deux rapporteurs de mon dossier (on ne dit pas au candidats de qui il s'agit).


Le président du jury sort et m'invite à entrer. J'entre donc. Je tends ma clé USB pour que l'on lance ma présentation sur le vidéo-projecteur, pendant ce temps je montre ma carte d'identité et signe un papier attestant que je me suis bien présentée, et que c'était vraiment moi. Etonnement : la dernière fois ils avaient fait un tour de table pour se présenter, cette fois non, on me donne tout de suite la parole. Je commence, mes jambes flageollant, sans avoir eu l'occasion de regarder chacun des membres dans les yeux une première fois (c'est dommage, c'est important ce premier lien). Je parle, posément, sûrement, sans trembler, mais je me sens moins concentrée que la dernière fois. Je me reprends quelques fois. Je finis 2 minutes avant la fin de mon temps de parole : tant mieux. Et commencent les 10 minutes de questions.


Je passe là-dessus, mais globablement je suis déçue : tout le monde n'a pas eu le temps de me poser une question, et je me suis sentie plus attaquée que la fois dernière. Comme je ne connais pas du tout, ou au mieux qu'un minimum les membres du jury (c'est normal, la linguistique c'est très large), je ne sais pas quelles sont leurs tactiques : certains piquent pour tester les épaules du candidat et c'est plutôt un encouragement, d'autres piquent aussi, mais pour le démonter. Certains tiennent à toujours poser des questions pour placer la recherche dans leur propre champ disciplinaire, d'autres préfèrent laisser la parole aux spécialistes. Certains aussi ont faim parce qu'il est midi et demie, certains ont sans doute déjà leurs favoris, etc., et je ne peux évidemment pas savoir tout ça. Alors je fais ce que je peux, avec mes tripes, mes connaissances et mes convictions. On coupe la parole à l'un des membres du jury pendant qu'il pose une question : le temps est écoulé et il faut rester équitable avec les candidats.


Je ressors. Pas de soulagement. Pas de sourire scotché aux lèvres comme la dernière fois, pas de douce impression d'être invincible et d'avoir été bonne, juste le sentiment de n'avoir offert que la prestation d'un candidat lambda, pas mauvaise mais ne sortant pas du lot. Déçue. Triste.


Faire une croix sur le CNRS. Reconnaître et m'avouer l'échec. On me dit que non, de ne pas faire de croix tant que les résutalts n'ont pas été donnés, que l'on ne sait jamais à l'avance comment eux l'ont vécu, que ça dépend aussi des prestations des autres et des soutiens extérieurs,... mais il faut être raisonnable : le plus objectivement possible, j'ai été "bien mais pas top". Il faut sortir du lot, et comme le dit très bien le guide du doctorant :


Vous devez convaincre le spécialiste de la coquille d’escargot qu’il est intéressant d’étudier les sabots de cheval.

C'est même plus que ça : on doit convaincre le spécialiste de la coquille d'escargot que l'étude des sabots de cheval est une piste incontournable pour résoudre les problèmes d'étude des coquilles d'escargot, de toutes les coquilles et même des animaux en général. Que les sabots de cheval sauveront le monde. Mais sans le dire ouvertement sous peine d'être taxé de sabotdechevalcentrisme, non : il faut que ça soit le coquilleur qui en vienne à cette conclusion de lui-même, rien qu'en nous écoutant parler 15 minutes. Et là, je n'estime pas que ma prestation était à cette hauteur-là, loin s'en faut. Manque de recul, de perspective. Et puis quelques points qui pèchent dans mon dossier : pas de publications dans des revues, pas de postdoc à l'étranger. Même si le reste, à mon avis, est honnêtement bien (bon dossier, bon projet, bonne implication dans le milieu, bonnes lettres de recommandation, bons résultats jusqu'à présent, bonne connaissance du domaine,...).


Faire une croix sur le CNRS, donc. Dommage. Je regrette. Et puis ces dernières semaines, je me demandais à quelle expérience d'échec je pouvais rattacher ça pour relativiser : je n'en ai pas trouvé. Tous les examens, concours... importants de ma vie,


  • le permis de conduire (je me souviens, au code le gars qui avait annoncé les résultats avait dit "Il n'y a qu'un seul zéro faute" : c'était moi),

  • le bac (pas top, mais juste ce qu'il fallait pour passer à autre chose : juste ce que je voulais),

  • les exams de la fac (sauf ceux où je n'étais même pas allée parce que de toute façon je n'avais aucune intention de continuer),

  • les diverses bourses au mérite et allocations de recherche,

  • le monitorat,

  • le poste d'Ater spécifique l'an dernier alors qu'il n'avait pas de poste disponible,

  • le poste d'Ater de cette année où j'avais décidé de ne pas envoyer 18 dossiers comme l'année précédente mais de cibler précisément (sachant que c'est super risqué de faire ça) : uniquement Aix (en cas de désistement de dernière minute) et Bordeaux,

  • les logements que l'on visitait et qu'on voulait louer à tout prix alors qu'on n'avait pas a priori le profil idéal,

  • les félicitations du jury à ma soutenance de thèse alors que mon directeur quelques jours plus tôt m'avait annoncé que de toute façon il s'opposerait à ce que je les aie parce qu'elles sont données trop souvent et que ça n'est censé être donné qu'aux thèses directement publiables,


...toutes les choses que j'ai vraiment voulu réussir, je les ai réussies. Et là, j'ai échoué. Et ce n'est pas faute de l'avoir voulu, ce poste au CNRS. Alors il faut que j'apprenne à gérer ça. C'est bête à dire, ça fait un peu (beaucoup ?) "pauvre petite fille riche" ou "caprice de star" mais voilà, je ne sais pas si je dois recommencer à me battre pour les années à venir, ou bien me faire une raison parce que c'était au-delà de mes capacités et accepter simplement le fait que j'ai déjà une chance inouïe d'avoir encore quelques possibilités d'être recrutée dans une fac à la rentrée, ou bien... je ne sais pas !


Bon, c'est pas la fin du monde non plus. Je ne suis pas au 36e dessous, ça va. Il fait beau, je me repose, je me remets de mes émotions. Je me change les idées. Je vais pouvoir faire quelques-uns des trucs qui attendaient que j'aie un peu de temps à y consacrer (genre... saisir le juge de promité pour qu'on se fasse enfin rembourser, par la voie du tribunal, la caution de notre ancien apparte que le proprio ne nous a toujours pas rendue...). Et je suis tout de même contente, ça n'a pas été catastrophique du tout. C'est juste que je suis, hé bien, tellement déçue ! Mon satané orgueil, que je passe le plus clair de mon temps à cacher mais qui est là, toujours, je le sais bien, a pris un coup.


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PS : Le CNRS recrute plus de 400 chercheurs en 2007, dont 271 chargés de recherche 2e classe (CR2, cf. le décret du JO). Il y a 40 sections et 7 commissions interdisciplinaires, ce qui devrait faire une moyenne de 5,77 postes de CR2 par section. En commission interdisciplinaire 45 ("Cognition, langage, traitement de l’information, systèmes naturels et artificiels") il y a eu un poste ; en section 34 ("Langue, Langage, Discours") 3 postes : où sont les 7,53 postes manquants...?


Début de réponse : en 07 ("STIC") : 25 postes, en 01 (maths) : 14 postes... et ne me parlez pas de proportion des candidats : en 07, 342 admis à concourir pour 22 postes ça fait plus d'une chance sur 15. En 01, 224 admis à concourir pour 14 postes ça fait une chance sur 16. En 45 par contre, 65 candidats pour 1 poste : une chance sur... 65. Et en 34, 83 admis à concourir pour 3 postes, ça fait une chance sur 27,66.


1 Commentaire :

Anonyme a dit...

je comprends ta deception, mais dis toi que la deuxi�me chance n'est pas encore exclue et que de toutes facons tu as d'autres possibilit�s qui t'attendent , courage et patience