lundi 31 août 2009

Journal de Mister C., épisode 2

Hier on a fait une séance à pied. Déplacements latéraux, reculer, avancer, me suivre sur des lignes droites et sur des changements de direction, élongations d'encolure. J'ai vu une courte vidéo l'autre jour qui m'a faite rêver sur ce que l'on peut arriver à communiquer à pied, j'ai tenté de m'en inspirer, en fonction de ce que j'en ai retenu. J'ai convenu de quelques mots et quelques postures pour donner des indications à Mister C. et dès que je lui fais une demande, je les utilise. Il a l'air de comprendre pas trop mal !


Après la séance je l'ai relâché, mais il avait tellement envie qu'il attendait toujours que je lui fasse un signe, il me regardait vacquer à mes occupations, il était tout concentré sur moi. Alors je l'ai appelé en utilisant le signe que j'ai commencé à mettre en pratique. Il est venu ! Puis je l'ai invité à me suivre, on a marché un peu ensemble comme ça, en liberté.


Aujourd'hui je ne l'ai pas travaillé, par contre je l'ai suivi ce soir lorsqu'il a quitté le devant de la ferme pour aller se balader. Je l'ai suivi bruyamment, pour qu'il sache bien que j'étais là et que c'était fait exprès. Je l'ai rejoint doucement, on s'est fait trois gratouilles, et puis on a marché ensemble dans le champ. Puis on a couru ensemble côte à côte. Il a donné quelques sauts de joie, il était si beau à voir ! Et je l'ai finalement laissé partir, dans son champ, vers sa nuit de balade. On se retrouvera demain matin.


J'aime ces moments que je passe avec lui. Je n'aime pas monter à cheval le soir, j'ai l'impression de porter avec moi toute la crasse de la journée, des obligations, de la fatigue, des choses à finir, la liste des courses, les trucs à ne pas oublier. Quand je monte à cheval, j'aime être libre de tout ça. Il n'y a rien de tel que de monter le matin, d'en faire la première chose de la journée. Je suis alors vierge de tout emploi du temps. Le soir, c'est juste pour jouer.

samedi 29 août 2009

Journal de Mister C., épisode 1 : Pilote

Il se passe des choses. Plein, tout plein, des petites et des grandes, signifiantes ou si peu, mais toute la vie est présente en chacune. Parmi ces choses, il y a la rencontre avec Mister C. J'en ai déjà parlé, c'est un cheval qui vit à la ferme. Je l'aime, et j'ose imaginer qu'il m'apprécie un peu. Et parce que depuis une petite année il se retrouve propulsé dans une vie radicalement différente de son environnement précédent, parce que je le vois évoluer chaque jour et parce qu'il m'apprend tant de choses sur lui-même, sur les chevaux, sur moi et sur le monde, j'ai envie de venir raconter cela, de temps à autre, ici.


Pour ce "pilote" d'une nouvelle série sur la vie trépidante de Mister C., je peux commencer par présenter le personnage principal.



Il s'appelle Mister C., il a 20 ans. En fait, c'est son 3e nom ; le premier était son nom de naissance, donné par l'éleveur ; son propriétaire actuel lui a donné le deuxième lorsqu'il l'a acheté, il a fait changer ses papiers en conséquence (et si je vous disais ce nom, vous n'y croiriez pas) ; et lorsqu'il est arrivé ici, le fermier n'arrivant pas à prononcer son nom, a commencé à l'appeler du troisième, parce que ça sonnait "étranger" et que ça lui allait bien. Il a été adopté. Le nom, comme le cheval.


Mister C. est grand, bai brun foncé presque noir avec le bout des crins un peu éclairci, une tâche en tête et il boit dans son blanc. Il a 3 balzanes, une haut-chaussée et les deux autres un peu plus basses, je ne sais plus comment on dit (tous ces petits noms de spécialistes...). Il est tout fin, un corps d'athlète, issu d'une grande race à sang chaud peu connue ici mais semble-t-il très réputée pour les compétitions de dressage. Il est fier, le regard droit, la queue en panache à la moindre occasion, il aime qu'on le regarde.


Il est franc, et blagueur à l'occasion. Il sait ce qu'il veut, et surtout ce qu'il ne veut pas, et sait ne pas se laisser faire. Je pense qu'il a pris l'habitude de passer pour un cheval avec un fichu caractère. Lorsque j'ai commencé à le monter, son propriétaire, curieux et un peu gêné tout de même, m'a demandé : "Et tout se passe bien ?
- Ben oui, super bien.
- Et... vraiment, ça va ? Il est calme ?
- Ben, oui : calme, gentil, confiant... pas de problème.
- Ah, bon. Mais... et... vous n'êtes pas tombée ?
- Ben non, pourquoi ?
- Heu... Non, non, rien... c'est bien...
"


Tout a commencé il y a un mois à peu près. Avant cela il y a eu de nombreux faux départs entre nous. Je m'occupe de lui régulièrement. Je le monte aussi. Je le travaille. Je communique, j'apprends à le connaître.


Actuellement il est en liberté dans la ferme : il saute les fils des parcs comme qui rigole, et aime être là où les choses se passent, là où les gens sont. Il passe la journée ici, devant la maison, et le soir venu il part faire un tour, il va manger, se rouler, courir et sauter, se détendre, voir les autres chevaux restés dans leur parc, regarder le paysage ; au matin, il revient.


Il a probablement passé sa vie dans une écurie, au box 23h sur 24, et de temps à autres brossé vite fait, sellé, monté, désellé, rangé au box. Jamais une séance de monte sans ce rituel. Un seule façon de monter, un seul cavalier, un seul style, un seul univers et jamais de variante. Il a deux attitudes : celle du cheval au fichu caractère lorsqu'il est en liberté ou au licol, et celle du cheval parfaitement soumis dès l'instant où on lui met son mors. Dès qu'on lui pose un tapis sur le dos il se met à tiquer à l'air (1), lui qui est si calme et tranquille normalement. Incroyable transformation, systématique et immédiate.


J'ai voulu commencer par briser cette attitude de Dr Jekhill et Mr Hyde. Je lui ai mis son filet sans le monter, je l'ai monté sans filet. J'ai pris du temps pour le seller, j'ai posé le tapis en lui parlant doucement, je l'ai laissé comme ça pour qu'il ne stresse pas, je l'ai sanglé très progressivement, sans trop serrer. Je lui apprends à ne pas bouger au montoir, lui qui a tendance à fuir dès que l'on met son poids sur l'étrier. On a fait des balades avec un bitless (2), j'ai mis son mors au clou, plus question de lui mettre ce bout de ferraille dans la bouche. Je l'ai monté sans selle : il a eu peur, puis il l'a accepté mais ne comprenait pas où je voulais en venir. Je lui fais découvrir de nouvelles choses, chaque chose en son temps, petit bout par petit bout, je le félicite beaucoup, je suis très fière de lui, et je veille à lui laisser le temps de réfléchir à tout ça, de s'imprégner de toutes ses nouvelles impressions.


Il y a des millions de choses à dire, mais chaque chose en son temps. Voici pour un premier petit bout.


- - - - - -


Notes :
(1) Il appuie sa mâchoire quelque part et il avale de l'air, ce qui est un signe de stress.
(2) Un genre de filet sans mors.