mardi 1 décembre 2009

Remue-ménage

Flux de pensées d'hier soir en vrac.


Je reproche à mon mari de ne jamais accepter de relativiser son point de vue, de le prendre pour LA réalité, LA vérité. D'être incapable de tenir compte de mon ressenti lorsqu'il est différent du sien, de le considérer alors comme faux, comme inutile. À bien réfléchir ce sont des choses que je me reproche à moi-même, bien sûr. Moi qui croyais être tolérante ! Moi qui me fais un devoir de prendre en compte l'avis de gens, leur vision des choses ! Non, non non non, en fait je les écoute bien, oui, mais je considère toujours que c'est faux, qu'ils ont tort, qu'ils ont une vision déformée des choses et que c'est moi qui détiens LA vérité.


Je ne supporte pas que l'on ne tienne pas compte de ce que je dis. Pas nécessairement que l'on soit d'accord, mais qu'on l'entende, que l'on fasse l'effort de moduler les échanges en fonction de ce que chacun met en jeu. Donc c'est sans doute quelque chose que je ne sais pas faire moi-même, même si je pensais que j'y arrivais si bien !


Ça a mis en avant autre chose aussi. Lorsque je suis née ma mère n'était pas en état de s'occuper de moi. On a endormi ma mère, on l'a découpée, on m'a éjectée brusquement de mon monde maternel sans aucun temps de transition, on m'a posée dans une boîte en plastique, et on m'a laissée là, seule, des heures durant. Sans rien m'expliquer, sans tenir compte de mes sensations, de ma terreur, de mon incompréhension, on m'a juste posée dans un coin, on n'a pas tenu compte de moi, on a fait comme si je ne comptais pas. Lorsque je suis venue au monde, j'ai cru que je ne comptais pas. Tout le monde se fichait bien de ce que je pouvais ressentir ! Je me suis retrouvée abandonnée, et ne pouvant pas en connaitre la raison j'ai pensé que c'était moi, la raison. Je me suis griffé une joue. Parce que c'était moche d'être là toute seule, parce que j'étais moche, parce que je souffrais, parce que j'étais incapable de faire quoi que ce soit d'autre.


Parce que je suis née comme ça, j'ai à la fois une peur terrible qu'on ne me voie pas, et une fichue tendance à me cacher en même temps. Je veux que l'on m'aime mais je n'ose pas toucher les gens. Ah, toucher... lorsque je suis née, moi qui avais jusque là été constamment en contact avec un corps, moi qui ne concevais l'existence qu'avec l'accompagnement de ces sensations organiques, brusquement on ne m'a plus touchée, on m'a même consciencieusement déposée dans un endroit où l'on ne risquait pas de me toucher. Alors c'est ça, la vie ? C'est le moment où l'on ne peut plus sentir le monde ?


Je veux tenir compte des gens dans ma vie, je veux faire partie du monde en le prenant tel qu'il est, mais je porte bien plus qu'une cicatrice, une véritable fracture ouverte, celle d'avoir été mise au monde sans que l'on tienne compte de moi. Comme si, même dans ce moment qui était à moi, pour moi, même là je ne comptais pas. Je n'avais aucune importance. Je pouvais bien ressentir ce que je voulais, avoir besoin d'une chose ou d'une autre ça n'avait aucune importance : en couveuse, rangée dans un coin, comme tout le monde !


Alors je ne perçois le monde qu'au travers de cette douleur, dans un va-et-vient constant entre ma main qui se tend pour toucher le monde, et qui se retire précipitamment de peur de se brûler. Comment arriver à prendre ma place dans un monde qui s'en fout éperdument que j'existe ? Comment arriver à tisser des liens avec des gens, des gens qui vont me ranger dans une boite et me laisser de côté ?

vendredi 27 novembre 2009

Journal de Mister C., 9 : Onirie nasale

vendredi 6 novembre 2009

Trop (c'est trop)

Je veux faire trop de choses.


Finies les listes de choses à faire, si je dois en faire tellement pour jamais ne rien oublier c'est que j'ai trop de choses à faire et que de toute façon je ne pourrai pas tout faire. À quoi bon faire des listes pour quand j'aurai du temps ? Je n'en aurai jamais plus que ce je me donne déjà aujourd'hui. Ou alors ce ne sera pas pour le remplir de toutes ces choses que j'avais notées en d'autres temps.


Trop de choses à faire, ça veut dire aussi arrêter de dire oui à tout, arrêter de proposer de l'aide supplémentaire, et surtout, surtout : accepter de n'avoir pas tout fait. Ce n'est pas parce que je suis capable de faire tant de choses que je suis obligée de toutes les faire. Et puis, pour la plupart, d'autres peuvent les faire aussi. Ou alors elles ne sont pas obligatoires. Ou alors elles peuvent attendre. Ou alors j'assumerai de ne pas les avoir faites, ou pas à temps.


Je ne peux pas tout faire, tout le temps. Ça ne m'empêche pas de faire plein de choses. La prochaine étape sera de faire moins de choses...

mardi 20 octobre 2009

Journal de Mister C. (8) : Massothérapie

Une masseuse de chevaux est venue à la ferme. Très très sympa, ouverte, avec des yeux immenses et un sourire comme j'en avais rarement vus.


Elle s'est d'abord occupée du cheval de la pareuse. Je suis super contente parce que j'avais vu juste sur plusieurs points :

  • il avait un truc bloqué au niveau des lombaires,

  • il avait la croupe qui fuyait sur la gauche quand il marchait,

  • il avait un problème d'amplitude au postérieur gauche.


Je l'avais juste longtemps observé hier matin, et puis je l'avais un peu palpé l'après-midi, et j'avais eu ces impressions-là. Je suis très soulagée de voir que je ne m'étais pas gourée.


Ensuite elle s'est occupée de mon Charlie. Les impressions qu'elle a eues collent très bien et avec ce que je ressentais moi, et avec ce que les filles ont ressenti en CI : il a des "problèmes de vieux". C'est-à-dire rien de précis, juste qu'il a les articulations douloureuses.


Il faisait une de ces têtes à certains moments du massage, c'était trop beau de le voir comme ça !


Elle m'a appris à faire quelques gestes de massage pour lui réchauffer les muscles avant de le monter, et puis elle m'a appris à lui faire des étirements pour après l'effort. C'est drôle, le mouvement des postérieurs, c'est un truc qu'il me fait faire de lui-même des fois, quand je lui cure les pieds.


Bref un très grand moment de calme et de détente, une jolie rencontre avec cette personne, et j'ai appris tout plein de trucs.


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Sur la massothérapie équine :


lundi 19 octobre 2009

Journal de Mister C. (7) : Liberté

Cet après-midi j'ai enfin fait ce que j'avais tellement envie de faire avec lui depuis si longtemps. Je l'ai monté en liberté. Pas de mors, pas de selle, pas de carrière, pas de licol, même pas de cordéo : rien que lui et moi.


Il a eu assez confiance en moi pour me laisser le monter sans rien, sans bouger.
J'ai eu assez confiance en lui pour monter sur lui sans attirail de commande.
L'un comme l'autre nous avions peur de ça jusque là.


Et c'est aujourd'hui que notre histoire commence véritablement.


- - - - Le détail de l'histoire (pour l'anecdote) : - - - -


Aujourd'hui j'ai passé la journée avec les chevaux, presque. Mais je n'ai pu m'occuper de Mister C. qu'assez tard, parce qu'il était parti faire une virée avec les copains dans les vignes d'à côté.


En attendant qu'il revienne, j'ai transformé mon ancien licol en corde, auquel j'avais donné une forme de bitless, en un licol étho classique. Et comme j'avais deux longes que j'aime bien mais un peu courtes, j'en ai monté en rênes comme des mécates et l'autre comme longe normale. C'est pas le top mais c'est pas trop mal, faute de mieux, avec les moyens du bord.


Et puis le Charlie est revenu. Alors je suis allée le chercher, mais j'étais plus hyper motivée. J'avais juste envie d'être avec lui, c'est tout. Je l'ai ramené devant la ferme, je lui ai fait un court pansage. Je lui ai mis le licol refait, il lui va bien, ouf (parce que j'avais pas envie de re-défaire les noeuds !!).


Je l'ai invité à me suivre, ça marchait bien. On a joué au porc-epic en alternance avec des demandes pour me suivre et s'arrêter, et tourner dans la direction que je lui montre. Bon, on ne peut pas encore dire que c'est acquis mais il écoute, il écoute, et je trouve ça déjà génial en soi.


Et puis, de voir ces rênes sur son encolure, ça m'a donné envie... Alors je l'ai approché d'une chaise, j'y suis allée vraiment tout doucement en lui parlant beaucoup, en n'arrêtant pas de le caresser, je suis montée sur la chaise, j'ai passé mes mains sur son dos, puis je les ai passées un peu partout, puis j'ai appuyé sur son dos, je suis montée en sac à patates : il n'a pas bronché. Là j'étais déjà hyper fière de lui et j'aurais pu le laisser là-dessus, mais vraiment j'avais trop envie... alors j'ai passé tout doucement une jambe sur son dos en gardant l'autre sur la chaise, je m'attendais à ce qu'il parte mais il n'a pas bougé, il était attentif et très calme. Alors je me suis lancée... hop, à cheval. Et il n'a pas bougé du tout !


Qu'est-ce que je suis fière de lui !!!


On a fait un petit tour comme ça, j'ai remarqué que c'était beaucoup plus facile de le faire tourner avec des rênes d'appui qu'avec des rênes d'ouverture avec le licol (je suppose que c'est normal non ?). On a marché un peu, on est revenus, et j'étais contente, contente, contente ! Je suis descendue, gros gros câlin, je lui enlève le licol, encore gros câlin.


Et là je me dis "Chiche !" Depuis le temps que j'ai une envie folle de le faire. Je l'invite à nouveau à me suivre (ça marche : ouf !), je le guide jusqu'à l'endroit où je suis montée tout à l'heure et où ça s'est si bien passé, je place la chaise correctement. Je monte sur la chaise...


Là, argh ! Une voiture arrive. Un gars qui commence à me poser des questions, et est-ce que machin est là, et est-ce que truc est ici, et où est-ce qu'il peut poser du pain... Mais mince, tu vois pas qu'il est en train de se passer un truc magique, là ? Allez, hop, prends ta voiture et vas-t'en !


Donc... je vérifie que le loulou est toujours avec moi, je passe ma jambe tout doucement comme je l'avais fait en licol... là j'ai une petite hésitation parce que j'ai pas ma bombe, que le cheval est en liberté, qu'il peut se passer n'importe quoi... mais hop, je monte.


Et il n'a pas bougé !!!


Je me tourne vers la pareuse qui s'occupe de son cheval un peu plus loin, elle me regarde, elle sourit. Je caresse mon Charlie très très très très fort, et je lui dis "Allez, on y va ?>" Et hop, il m'emmène.


On s'est baladés comme ça pendant quelques minutes, en totale liberté.


C'était absolument magique.

vendredi 9 octobre 2009

Clichés parisiens

Un sac de conférence avec ces deux mots : Université et Total. Comme la station-service, oui.


Deux pieds qui remontent l'escalier du métro, l'un avec une chaussure à fin talon, l'autre nu.


Les vagues de gens qui montent et descendent du métro.


Quelle est la ligne de pousse manette ? J'ai vu une femme conduire un métro, j'ai tant pensé à elle.


Une bulle personnelle de protection urbaine que j'ai crevée sans le savoir, et que je ne sais plus comment reconstruire.


Un immeuble devant moi, quand je le regarde, c'est tous les mondes engloutis qui me reviennent.


Refuser une soirée parisienne, même si, si, et si. Non non, vraiment.


Je pense à tous les gens d'ici que j'aime et que je n'ai pas eu le temps de voir. Je pense à tous les gens d'ici que j'aime et que j'ai vus. Je pense à tous les gens d'ailleurs que j'ai vus ici, ou non. Je suis seule dans ma chambre d'hôtel en écoutant Madeleine Peyroux, il pleut, les voitures passent sans arrêt sur le boulevard en dessous, je vais sortir dîner avec des amis provençaux et suisses.


Demain, je rentre.

lundi 5 octobre 2009

Journal de Mister C. (6) : Observations

Longue séance de pansage et massage hier. Mister C. n'aime pas du tout les mousquetons lourds qui pendouillent au bout des licols. Du coup j'ai enlevé la longe. Puis le licol. Il était bien mieux comme ça.


Je lui ai fait des massages avec de l'huile biologique de Leovet. Ça sent extrêmement bon (j'avais oublié ça !), et il a adoré. Il me présentait son poitrail, son épaule droite, la naissance de sa queue... et j'ai pu le masser là où il en avait envie.


Il a toujours les lacunes latérales très profondes aux antérieurs, et pas vraiment saines. Je lui ai bien nettoyé et j'ai mis une préparation avec de l'huile essentielle de pamplemousse pour lui nettoyer. Ça marche bien, mais je devrais le faire plus régulièrement.

dimanche 4 octobre 2009

Journal de Mister C. (5) : Communication intuitive

Je me suis inscrite sur deux forums qui parlent de chevaux ; l'un deux s'appelle Équin'Éthique.



Sur ce forum, certaines personnes s'intéressent à ce qu'on appelle la "communication intuitive". Bah, c'est un truc assez bizarre, dont finalement l'objet est de tâcher de comprendre ce que les animaux tentent de nous communiquer. À lire les tests réalisés par les unes et les autres, j'ai eu envie de m'y essayer. Sans jugement, sans a priori, par curiosité, pour voir ce que ça donnait, ce que ça pouvait m'apporter, pour le plaisir. Alors j'ai envoyé une photo de Mister C. à trois membres du forum, en leur demandant de me dire si elles pouvaient percevoir quelque chose de sa vie ici par rapport à sa vie d'avant, si d'après lui sa vie lui convient ici, si la façon dont je m'occupe de lui lui convient, et où est-ce qu'il a mal (parce que c'est trop difficile à comprendre uniquement d'après les bribes d'explications de son propriétaire).


Ça ne fait pas longtemps que je suis inscrite sur ce forum, et je n'ai que très peu parlé de lui, de moi ou de notre situation : les filles ne nous connaissent pour ainsi dire pas. Donc elles n'avaient aucun détail, aucun début de réponse à ces questions. Et voilà ce qu'elles ont répondu (avec mes commentaires au fur et à mesure) :


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Première réponse, dans l'ordre chronologique :


Donc, il est bien ici. Il est bien à la ferme. Il aime sa vie tranquille et il est heureux. Paisible. J'ai ressenti beaucoup de joie quand je l'ai capté. Il aime qu'on s'interesse à lui, qu'on lui pose des questions. Qu'on lui parle.


Il a effectivement une vie tranquille et paisible ici. Et il semble apprécier qu'on s'occupe de lui.


Il aime être à la ferme, tranquille, qu'on l'embête pas. Il se sent bien, en forme malgré ses problèmes de vieux. Il a mal au dos. Mais "c'est pas grave, c'est des problèmes de vieux".


Il préfère cette vie à celle d'avant. Avant, il était triste, il voulait pleurer souvent. Il se sentait seul, sans grand intérêt. Il ne sentait pas vraiment qu'on s'occupait de lui, tout était impersonnel. Il se sentait seul et il avait envie de pleurer, d'être avec quelqu'un qui le comprenne.


Je ne connais pas précisément sa vie d'avant, mais ça a l'air de coller. Que tout ait été impersonnel et que se soit senti seul, ça ne m'étonnerait guère !


Maintenant, il est heureux, il est tranquille. Il veut qu'on s'occupe bien de lui et il aime beaucoup quand on lui parle doucement. Ca l'apaise.


Ça tombe bien, je le fais souvent :-)


Il aime aussi quand on le masse, ça lui fait du bien à ses "problèmes de vieux".


Ça aussi je le fais souvent.


Il est lucide, il sait qu'il n'est plus tout jeune mais il a bon moral et il espère l'avoir encore longtemps. Seul, ça ne sera pas possible, il a besoin de présence, de contact, d'échange. Il a surtout aussi besoin de calme et de confiance.


Il a beaucoup, beaucoup changé depuis qu'il est ici. D'un cheval apparemment surexité, plutôt du genre pas facile, il est devenu un gentil tout câlin. Même les personnes qui ont peur des chevaux ici n'ont pas peur de lui : "Mais lui, c'est différent..." disent-ils tous.


De mon côté, comme je m'en occupe un peu comme si c'était mon cheval, j'ai remarqué aussi sa différence d'attitude d'une façon un peu plus proche. Au début il n'en faisait qu'à sa tête ; maintenant ça lui arrive de venir me solliciter, et il est beaucoup plus coopératif. Je pense que le côté "relation douce" avec lui y a beaucoup fait. Donc ça me confirmerait dans mon approche...


Mots clés : Calme, tranquille, paisible, lucide, besoin de contact, de parole, d'échange, de massage, de soins.


Emotions/sensations : Serennité, confiance, douleur dans le dos.


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Deuxième réponse, quelques heures plus tard :


Il me manquait un détail important : Je ne sais pas le nom de ton cheval, tu ne l'as pas dit sur le forum, ou alors j'ai loupé quelque chose. Mais j'ai trouvé que c'était un cheval plein d'humour, qui garde de la fraîcheur même s'il a été usé par la vie. Il a encore plein d'envies en lui, c'est chouette !


J'ai trouvé ce point très mignon parce que justement, je trouve qu'il a effectivement beaucoup d'humour !


"Ah, ben c'est sûr que c'est plus le même rythme ici. C'est la retraite, comme on dit. Mais je vais quand même pas m'en plaindre. La ferme, c'est un lieu génial, c'est un lieu de liberté, de rencontres. C'est convivial. Oui, convivial pour nous, chevaux. On a des potes chevaux, des humains pour s'occuper de nous, et d'autres bestioles à regarder.


Là aussi, c'est tapé dans le mille : il vit en liberté, et il voit plein de monde, de chevaux, et d'autres animaux. Il va voir les uns et les autres suivant ses envies...


On vit bien ici. Ce qui me plaît aussi, c'est d'avoir une "personne référente". C'est plus stable. Passer de main en main, pour un cheval, c'est pas toujours facile. Là, c'est bien, une personne à qui je puisse m'attacher, sur qui je puisse compter. Je me sens en sécurité.


Là c'est de moi qu'il parle :-)


Ce qui serait un petit plus pour moi ? Être utile. J'aime bien ce calme, ce repos et cette liberté dont je jouis ici, mais j'ai pas mal bossé dans ma vie, et j'ai toujours cette peur de ne plus servir à rien un jour. Par exemple, si je peux porter des choses (ou des gens ! hihi !), c'est chouette. Je ne sais pas si je ferais un bon cheval d'attelage, j'ai pas du tout la morphologie pour ça, mais ça me fait envie parfois, quand je pense aux copains qui sont attelés. Mais bon, je peux tout aussi bien servir de débroussailleuse, hein !


Ça aussi c'est drôle. Mon mari a également cette impression qu'il a envie de se rendre utile, que quand il vient nous voir, c'est pour nous solliciter comme pour nous dire "Hé ho ! J'veux faire quelque chose ! Vous venez ?"


J'aimerais bien l'atteler, mais il n'a effectivement pas la morphologie adaptée... alors que d'autres l'ont ici, et qu'on n'arrive déjà pas à trouver le temps de les y mettre !


Côté physique, comment je me sens... arf, un peu usé, faut bien l'avouer. Mon dos, ça va finalement pas trop mal, c'est quand même supportable... en fait, je pensais que j'aurais plus mal, avec ce que j'ai encaissé, mais ça reste supportable. Mais c'est dans les jambes que c'est le plus dur. Je commence à sentir des raideurs un peu partout. Un peu mal au garrot aussi."


Ça, j'ai trouvé ça très drôle : dans la première réponse il était question de mal au dos. Et voici que là, quelques heures plus tard, il dit "Non finalement le dos ça va, c'est plutôt à tel endroit que j'ai mal", ça ressemble beaucoup à une suite de la réponse précédente en fait.


Et puis le fait qu'il n'ait pas vraiment mal à un endroit précis mais plutôt divers "problèmes de vieux" comme c'était dit dans la réponse précédente, je trouve que ça colle assez bien à ce que j'imaginais.


En réponse à ce message, j'ai raconté un peu l'histoire du bonhomme. Et l'auteure m'a répondu les choses suivantes :


Bon, alors clairement, il y a un point sur lequel j'ai eu tout faux dans le passé de [Mister C.] : je ne sais pas pourquoi, mais il m'a semblé le voir monté par différentes personnes. Je savais qu'il avait eu une activité physique un peu violente, j'ai pensé qu'il s'agissait soit de courses, soit de CSO, de cross... je l'ai en tout cas vu courir et être essoufflé, ça c'est certain. Mais je ne l'ai pas vu comme le cheval d'un seul propriétaire. Etrange... Ou alors, est-ce qu'il y a eu un moment où plusieurs personnes se sont occupées de lui, avant que tu ne t'en occupes plus particulièrement ? Ou est-ce tout simplement parce que dans les chasses auxquelles il participait, il y avait pas mal de monde ? En tout cas, j'ai eu assez clairement le message :"Trop d'humains différents, mais pas un seul à qui m'attacher solidement = pas bon".


En fait je ne sais pas du tout qui s'occupait de lui et comment, là où il était avant. Je sais qu'il appartenait à son propriétaire actuel, et je sais aussi que lui a d'autres chevaux ; il m'a dit, aussi, qu'il y avait quelqu'un qui le montait, là-haut. Mais avec nos difficultés de communication, il est fort possible que ça ait voulu dire qu'il avait plusieurs personnes qui le montaient, je ne le sais pas du tout. Ça peut aussi vouloir dire que la personne qui s'occupait de lui s'occupait aussi d'autres chevaux et qu'il n'avait de relation privilégiée avec personne, finalement. Je le verrais un peu comme ça.


Pour ses douleurs, la douleur au dos, je l'ai ressentie aussi, mais pour moi, elle était secondaire par rapport à la raideur des membres. Est-ce qu'il ne fait pas un peu d'arthrose ?


Si, c'est très possible, et même probable. Mais comme je n'y connais rien en la matière, je ne sais même pas comment l'arthrose se manifeste...


Pour la question concernant ce qu'il aimerait faire de plus, je l'ai aussi vu avec un jeune cavalier sur le dos.


Je serais curieuse de savoir à quelle point le cavalier jeune en question était jeune... Il y a une petite fille à la ferme. Je crois qu'elle aime beaucoup Mister C. Une fois, après un câlin, on l'a brièvement mise sur son dos. Mais on n'a pas le droit de le faire parce que son père est terrorisé par la dangerosité potentielle des chevaux (je ne l'ai appris qu'après coup !), il a été formel : il ne veut pas qu'elle monte dessus, ni sur aucun autre, même si l'on est avec elle, et même si c'est le tout gentil Mister C. et qu'elle en a très envie.


S'il s'avère que c'est une vraiment très jeune cavalière, alors ça pourrait être elle, et dans ce cas il faudrait que j'aie une conversation sérieuse avec son papa pour q'un jour il la laisse faire.


J'ai ressenti une forte envie d'être impliqué dans la vie de votre petite communauté, et pas seulement d'y vivre et d'en suivre le spectacle quotidien.


Je le note, je le note. Et ça me fait très plaisir de lire ça !


Malheureusement, en ce moment ça tombe super mal, ça fait une éternité que je ne me suis pas occupée de lui : d'abord je suis partie pendant presque toute la semaine dernière, puis je suis rentrée mais je n'ai plus vu le temps passer... et l'on est déjà dimanche !


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Et la troisième réponse, qui est arrivée quelques jours plus tard :


Il est bien (pas mal) où il est, il n'attache pas trop d'importance aux conditions matérielles (a bien bourlingué, donc un endroit de plus ou demoins...)


Ça c'est vrai aussi : dans ses papiers il y a des traces de ses voyages.


Image d'un abri douillet ou d'un box ouvert: soit il en a déjà un et il l'apprécie soit c'est ce qui lui manque, mais juste pour le soir. Semble regretter un grand pré assez plat, le pré où il était avant ???


Sur le box : il a accès à deux grands boxes ouverts dans la journée. Mais la nuit les boxes étaient, au moment de cette réponse, fermés et occupés par les vaches et leurs petits. Depuis deux jours les vaches sont au pré, donc les boxes sont à nouveau accessibles jour et nuit pour lui.


Pour le grand pré assez plat : ça peut correspondre à une partie du parc dans lequel il était l'an dernier, où il passait beaucoup de temps. À présent qu'il est en liberté il y a accès, mais peut-être qu'il regrette quelque chose lié à cette époque, ou le fait que là-bas il y avait aussi les autres chevaux à ce moment-là et que c'était là qu'ils passaient leur quart d'heure de folie à courir dans tous les sens.


Grande douceur envers [mirza], il t'apprécie et est content de tes soins et de ce qu'il fait avec toi. Il semble assez chatouilleux toutefois et aimerait que tu le brosses doucement sauf vers la croupe où tu peux appuyer un peu plus/


Je retiens les conseils :-)


Douleurs: raideur dans le postérieur droit, plutôt vers la hanche qui semble un peu "grippée"", rouillée et qui lui occasionne des boiteries passagères. Besoin d'échauffement, étirements...


Ça pourrait coller avec son étrange boiterie qu'il a de temps en temps, et qui se manifeste au trot, lorsqu'il pose le diagonal gauche (donc le postérieur droit). Je tenterai de bien lui masser, lui étirer celui-là la prochaine fois que je ferai un exercice avec lui pour voir si ça change quelque chose.


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Un petit bilan :


  • Il a l'air d'être bien ici,

  • Il faudrait que je lui trouve une activité pour se rendre utile,

  • Il n'a pas vraiment de problème quelque part mais juste des douleurs "de vieux" qui viennent et s'en vont,

  • Il est demandeur de massages (et ça tombe bien parce que je suis en train d'apprendre ça),

  • Il faut que je m'en occupe plus régulièrement que je le fais actuellement.

lundi 21 septembre 2009

Journal de Mister C. (4)

La scène : Un parc. Deux chevaux : Mister C. et un autre. J'arrive avec, à la main, des plants de haricots à leur donner pour voir s'ils aiment ça. Je les dispose en petits tas à différents endroits dans le parc. Le second cheval teste un premier tas, goûte et aime ça, et commence à chercher les autres. Mister C. ne bouge pas. Je lui amène quelques touffes de haricots, lui présente.


Lui : Qu'est-ce que c'est ? Ah ! Des haricots...


Il reste à les sentir, il remue les lèvres contre les feuilles mais ne mange pas.


Moi : Ben alors, t'aimes pas ça ?


Lui : Ben... si... si si j'aime ça...


Moi : Alors pourquoi tu n'en manges pas ? Tu sais, c'est pour te faire plaisir que je t'en ai apporté, je voulais te changer un peu du foin.


Silence.


Moi : Qu'est-ce qui se passe Mister C. ?


Lui : Mais tu m'énerves avec tes cadeaux ! Alors moi voilà, dimanche tu me dis que c'est la début de la chasse, qu'il faut que je fasse attention, que tu as peur pour moi, que tu voudrais me mettre dans le parc avec l'autre là — je l'aime pas celui-là, il veut tout le temps faire le chef alors que moi je m'en fous de lui — mais que tu as peur que je n'y reste pas. Alors moi j'y vais, dans ce parc. Tout seul, sans qu'on me demande rien. J'y vais, et j'y reste, tranquille, depuis lundi.
Et puis depuis, ben tu viens plus me faire des gratouilles. Avant t'étais toujours là, à chaque fois que tu sortais de chez toi tu venais me voir, me dire un petit mot, voir si tout allait bien. Maintenant je suis à peine plus loin et tu viens même plus, et moi je me retrouve avec l'autre que j'aime pas.
Alors je suis là et je m'ennuie. Et voilà que tu m'amènes des haricots ! Mais qu'est-ce que tu crois, j'adore ça les haricots ! Quand je descendais le soir, quand j'étais en liberté, ben tu vois j'allais faire un tour dans le potager, après être passé dans les maïs, et puis je grapillais quelques haricots, des tomates, des bouts de courges. Ensuite je descendais dans le champ en-dessous, je me roulais dans l'herbe et je sautais sur mes pieds, et je courais, je courais à toute vitesse jusqu'au bosquet. Ensuite j'allais voir les juments dans leur parc. Mademoiselle O. me faisait des gratouilles sur le garrot, elle est un peu chipie mais elle est chouette. Je ressortais du parc, j'allais dans le grand champ de blé, je mangeais des herbes sauvages sur le bord, je descendais dans le lit de la rivière, je me roulais encore, et puis je partais dans le sorgho pour courir encore un peu, avant de remonter à la ferme au matin, où je te retrouvais, et tu sortais de chez toi, tu venais me voir, et des fois tu me brossais et on partait se balader tous les deux.
Alors tu vois ? Tu vois comment j'aime ça les haricots ? Les haricots c'est la liberté. Moi je suis rentrée là pour te faire plaisir...


Moi : Tu sais, c'est pas pour t'embêter que je t'ai demandé ça, je me doute bien que ça doit être dur pour toi, mais c'est à cause des chasseurs. Tu sais comment ils sont, surtout au moment de l'ouverture, tu te souviens comment tu avais peur quand ils tiraient le premier jour, hein ?


Lui : Oui je m'en souviens. Mais c'est pas juste. Avant je faisais ce que je voulais, j'allais où je voulais, je mangeais ce que je voulais. Je voyais plein de gens, tout le monde venait me voir et me disait que j'étais beau, que j'étais trop gentil, il y avait les veaux qui me prenaient pour leur papa.


Moi : Je suis désolée pour toi, Mister C. Sincèrement désolée.


Lui : Ça me manque...
Dis, tu veux pas me gratouiller là ? Non un peu plus haut là... oui voilà, juste là...


Plus tard, je lui ai expliqué que s'il voulait, il pouvait sortir la nuit pour se balader, mais uniquement une fois que la nuit était tombée, et à condition de rentrer avant le lever du jour.


Ben croyez-le ou non, depuis cette discussion, il est sorti les deux nuits, et est rentré juste avant l'aube...

lundi 14 septembre 2009

Crôaaa

Une visiteuse du début de l'été.


dimanche 13 septembre 2009

Journal de Mister C., épisode 3

La pareuse est passée. Il paraît qu'il a des super pieds, que c'est un plaisir, tant mieux.


Je ne l'ai pas remonté, j'ai moyennement envie. Se mêlent nombre d'hésitations concernant son état, je ne veux pas lui faire mal, j'ai sais qu'il boîte de temps à autre au trot, et je ne veux pas en rajouter. Ça m'a fait beaucoup hésiter ces temps derniers, et puis aujourd'hui en y réfléchissant j'ai repensé que les premières fois où je l'avais monté il n'avait pas du tout eu ce problème. Et la différence entre ces fois-là et celles d'après c'est que je l'avais détendu sur beaucoup de cercles avant d'aller balader. Peut-être que c'est une piste pour le soulager.


Aujourd'hui c'était l'ouverture de la chasse, alors hier soir on a dû le faire rentrer dans un box (un grand !) pour être sûrs qu'il ne soit pas sur leur chemin ce matin : on a rudement bien fait. Il était tout affolé, tournait dans tous les sens, regardait partout en soufflant. Et eux, on tiré partout toute la journée.


Heureusement, on bénéficie d'une petite trève demain et mardi. Ensuite il faudra trouver une solution : on ne peut pas le laisser en box tous les jours de chasse...

mercredi 9 septembre 2009

Contraste (ce qu'on voit et ce qu'on sait qu'on pourrait voir)

Hier soir, en regardant par la vitre du bus, j'ai vu des gens qui faisaient du Yoga sur une pelouse au bord d'une rivière en contre-bas d'un village.


Ce matin, au même endroit, il y avait un concert de marteaux-piqueurs.


Ça vous évoque quoi, à vous ?

lundi 31 août 2009

Journal de Mister C., épisode 2

Hier on a fait une séance à pied. Déplacements latéraux, reculer, avancer, me suivre sur des lignes droites et sur des changements de direction, élongations d'encolure. J'ai vu une courte vidéo l'autre jour qui m'a faite rêver sur ce que l'on peut arriver à communiquer à pied, j'ai tenté de m'en inspirer, en fonction de ce que j'en ai retenu. J'ai convenu de quelques mots et quelques postures pour donner des indications à Mister C. et dès que je lui fais une demande, je les utilise. Il a l'air de comprendre pas trop mal !


Après la séance je l'ai relâché, mais il avait tellement envie qu'il attendait toujours que je lui fasse un signe, il me regardait vacquer à mes occupations, il était tout concentré sur moi. Alors je l'ai appelé en utilisant le signe que j'ai commencé à mettre en pratique. Il est venu ! Puis je l'ai invité à me suivre, on a marché un peu ensemble comme ça, en liberté.


Aujourd'hui je ne l'ai pas travaillé, par contre je l'ai suivi ce soir lorsqu'il a quitté le devant de la ferme pour aller se balader. Je l'ai suivi bruyamment, pour qu'il sache bien que j'étais là et que c'était fait exprès. Je l'ai rejoint doucement, on s'est fait trois gratouilles, et puis on a marché ensemble dans le champ. Puis on a couru ensemble côte à côte. Il a donné quelques sauts de joie, il était si beau à voir ! Et je l'ai finalement laissé partir, dans son champ, vers sa nuit de balade. On se retrouvera demain matin.


J'aime ces moments que je passe avec lui. Je n'aime pas monter à cheval le soir, j'ai l'impression de porter avec moi toute la crasse de la journée, des obligations, de la fatigue, des choses à finir, la liste des courses, les trucs à ne pas oublier. Quand je monte à cheval, j'aime être libre de tout ça. Il n'y a rien de tel que de monter le matin, d'en faire la première chose de la journée. Je suis alors vierge de tout emploi du temps. Le soir, c'est juste pour jouer.

samedi 29 août 2009

Journal de Mister C., épisode 1 : Pilote

Il se passe des choses. Plein, tout plein, des petites et des grandes, signifiantes ou si peu, mais toute la vie est présente en chacune. Parmi ces choses, il y a la rencontre avec Mister C. J'en ai déjà parlé, c'est un cheval qui vit à la ferme. Je l'aime, et j'ose imaginer qu'il m'apprécie un peu. Et parce que depuis une petite année il se retrouve propulsé dans une vie radicalement différente de son environnement précédent, parce que je le vois évoluer chaque jour et parce qu'il m'apprend tant de choses sur lui-même, sur les chevaux, sur moi et sur le monde, j'ai envie de venir raconter cela, de temps à autre, ici.


Pour ce "pilote" d'une nouvelle série sur la vie trépidante de Mister C., je peux commencer par présenter le personnage principal.



Il s'appelle Mister C., il a 20 ans. En fait, c'est son 3e nom ; le premier était son nom de naissance, donné par l'éleveur ; son propriétaire actuel lui a donné le deuxième lorsqu'il l'a acheté, il a fait changer ses papiers en conséquence (et si je vous disais ce nom, vous n'y croiriez pas) ; et lorsqu'il est arrivé ici, le fermier n'arrivant pas à prononcer son nom, a commencé à l'appeler du troisième, parce que ça sonnait "étranger" et que ça lui allait bien. Il a été adopté. Le nom, comme le cheval.


Mister C. est grand, bai brun foncé presque noir avec le bout des crins un peu éclairci, une tâche en tête et il boit dans son blanc. Il a 3 balzanes, une haut-chaussée et les deux autres un peu plus basses, je ne sais plus comment on dit (tous ces petits noms de spécialistes...). Il est tout fin, un corps d'athlète, issu d'une grande race à sang chaud peu connue ici mais semble-t-il très réputée pour les compétitions de dressage. Il est fier, le regard droit, la queue en panache à la moindre occasion, il aime qu'on le regarde.


Il est franc, et blagueur à l'occasion. Il sait ce qu'il veut, et surtout ce qu'il ne veut pas, et sait ne pas se laisser faire. Je pense qu'il a pris l'habitude de passer pour un cheval avec un fichu caractère. Lorsque j'ai commencé à le monter, son propriétaire, curieux et un peu gêné tout de même, m'a demandé : "Et tout se passe bien ?
- Ben oui, super bien.
- Et... vraiment, ça va ? Il est calme ?
- Ben, oui : calme, gentil, confiant... pas de problème.
- Ah, bon. Mais... et... vous n'êtes pas tombée ?
- Ben non, pourquoi ?
- Heu... Non, non, rien... c'est bien...
"


Tout a commencé il y a un mois à peu près. Avant cela il y a eu de nombreux faux départs entre nous. Je m'occupe de lui régulièrement. Je le monte aussi. Je le travaille. Je communique, j'apprends à le connaître.


Actuellement il est en liberté dans la ferme : il saute les fils des parcs comme qui rigole, et aime être là où les choses se passent, là où les gens sont. Il passe la journée ici, devant la maison, et le soir venu il part faire un tour, il va manger, se rouler, courir et sauter, se détendre, voir les autres chevaux restés dans leur parc, regarder le paysage ; au matin, il revient.


Il a probablement passé sa vie dans une écurie, au box 23h sur 24, et de temps à autres brossé vite fait, sellé, monté, désellé, rangé au box. Jamais une séance de monte sans ce rituel. Un seule façon de monter, un seul cavalier, un seul style, un seul univers et jamais de variante. Il a deux attitudes : celle du cheval au fichu caractère lorsqu'il est en liberté ou au licol, et celle du cheval parfaitement soumis dès l'instant où on lui met son mors. Dès qu'on lui pose un tapis sur le dos il se met à tiquer à l'air (1), lui qui est si calme et tranquille normalement. Incroyable transformation, systématique et immédiate.


J'ai voulu commencer par briser cette attitude de Dr Jekhill et Mr Hyde. Je lui ai mis son filet sans le monter, je l'ai monté sans filet. J'ai pris du temps pour le seller, j'ai posé le tapis en lui parlant doucement, je l'ai laissé comme ça pour qu'il ne stresse pas, je l'ai sanglé très progressivement, sans trop serrer. Je lui apprends à ne pas bouger au montoir, lui qui a tendance à fuir dès que l'on met son poids sur l'étrier. On a fait des balades avec un bitless (2), j'ai mis son mors au clou, plus question de lui mettre ce bout de ferraille dans la bouche. Je l'ai monté sans selle : il a eu peur, puis il l'a accepté mais ne comprenait pas où je voulais en venir. Je lui fais découvrir de nouvelles choses, chaque chose en son temps, petit bout par petit bout, je le félicite beaucoup, je suis très fière de lui, et je veille à lui laisser le temps de réfléchir à tout ça, de s'imprégner de toutes ses nouvelles impressions.


Il y a des millions de choses à dire, mais chaque chose en son temps. Voici pour un premier petit bout.


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Notes :
(1) Il appuie sa mâchoire quelque part et il avale de l'air, ce qui est un signe de stress.
(2) Un genre de filet sans mors.

mardi 2 juin 2009

Une pensée

Je pense à Pandore. Son désarroi, le contraste saisissant entre son enthousiasme des billets d'avant et sa douleur des billets d'après me trouble profondément.


Alors dans ces cas-là souvent on voit des échos partout. Des échos qui parfois vont trop vite, ont déjà parcouru un chemin que l'on entrevoit à peine, trop tétanisé encore par le choc. Mais un écho tout de même.


Pandore a écrit ceci l'autre jour.


J'ai envie de lui proposer d'aller voir cela.


Et je lui offre aussi un bouquet de pivoines, parce que j'adore ces fleurs, et que c'est la saison.


lundi 1 juin 2009

Des gens, des animaux et tant d'avenirs possibles

Je n'arrive pas encore tout à fait à le croire, mais pendant les quelques mois qui commencent aujourd'hui je devrais me sentir mieux. Beaucoup de choses s'y prêtent. Je retrouve un milieu connu, aimé. Différent certes parce que quitté il y a quelques années, ayant évolué, autres personnes autres lieux autres statuts. Mais alors que je n'y suis même pas tout à fait encore quelques liens se sont immédiatement retissés, ont repis leur place tout naturellement dans la trame.


C'est là que je me dis qu'on a beau dire, on a beau aller chercher ailleurs parce que c'est ce qu'on nous demande de faire, parfois ce n'est pas nécessaire. Parfois ça ne fait que durcir le coeur. Ça ne fait que voir les parties sombres auxquelles on avait eu la chance d'échapper. Instructif ? Sûrement. Et destructif tout autant.


C'est comme revenir au pays. Rentrer à la maison. Rouvrir les yeux après un cauchemar et retrouver son chez-soi.


Je ne veux pas non plus trop y croire, parce que ça ne passe jamais comme on l'attend, parce que ça se passe toujours autrement que ce à quoi l'on s'attend. Parce qu'on me l'a trop fait. Parce que je suis brisée. Parce que je vis un peu ça comme un bouquet final, et que cette impression me fait le double effet d'un plaisir et d'une menace.


Ne pas refermer les yeux sur ce que je suis. Ne pas m'oublier dans ce monde qui ne pourra être le mien que si je peux y croître selon ma propre nature. Ne plus chercher à adopter les volontés des autres.


Je veux profiter de ce moment pour vivre ma propre vie, la mienne, celle que je peux vivre. Mes mots ont déjà changé je le sens, et tous ne sont pas prononcés sous l'effet du dépît. Je crains moins le jugement, j'ai par conséquent aussi moins besoin de dire comment je vois les choses à tout bout de champ, ce qui m'évite de récolter tous les avis qui passent, et me sont inutiles, et me sont nuisibles. Je veux pouvoir aimer les gens sans leur reprocher de ne pas soutenir mes choix. Je n'ai pas besoin de leur demander leur accord, ni même de leur exposer mes envies — qui au demeurant, pour l'essentiel sont de me laisser du temps pour réagir en fonction de ce qu'il se passera, en sachant grosso modo ce que je veux, et en restant ouverte aux opportunités qui me permettront d'y parvenir.


Ne plus vivre en opposition, me laisser échanger avec mon milieu, mon "écosystème à moi" aussi complexe qu'il puisse sembler. Laisser chaque élément exprimer l'influence qu'il voudrait avoir sur le tout, y réfléchir et en tenir compte. Me pardonner, être indulgente, tolérante, aimante envers moi-même. Personne ne le fera à ma place.


J'a fait des trucs très bien et aussi plein de trucs nettement moins bien ces derniers temps. Il y a des jours où j'ai les nerfs en pelote, des moments où j'ai envie de m'enfoncer dans un trou de souris. Il y a des fois où je me lance dans une activité constructive pleine d'entrain au détriment d'autres choses que je devrais faire ; que je ferais mieux de faire, si j'étais une machine et que je fonctionnais uniquement sous l'impulsion d'un savant calcul de rendement relatif de chaque chose à faire. Je ne suis pas une machine, et même que j'ai le droit parfois de faire autre chose que ce que je devrais faire, que ce qu'on me demande de faire. Dans les cas où j'en suis consciente, et d'autant plus dans ceux où je ne le suis pas. Et même si je me rends compte ensuite que c'était une erreur.


Le vent se lève. Il fait si beau. J'ai caressé "mon" (*) cheval ce matin. J'ai discuté d'humanité qui se rencontre, de climat alpin, de solaire photovoltaïque, raconté une vieille histoire dans un nouveau contexte. J'ai goûté les rayons du soleil, le silence et les animaux de la ferme au matin. Poules, pintades, lapins au p'tit cul blanc qui batifolent dans l'herbe, chiens, chats et chevaux ; ânes et vaches plus bas. J'ai bu du café, écouté de la musique comme un souvenir d'un week-end de découverte des autres et de moi avec eux. J'ai lu des blogs, pris le temps, rédigé quelques commentaires, répondu à ceux qui m'étaient adressés.


Je vais descendre me faire à manger... ou pas. Je verrai bien. J'ai le temps, ou peut-être pas, mais je m'en fous.


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(*) Ce n'est pas le mien et bien qu'on le l'ait confié, je peine considérablement à le dire comme ça, même si ça simplifie bien des détours de parole. Mon doigt cassé et mon manque de temps pour lui de ces 2 derniers mois n'arrangent pas ma sensation vis-à-vis de cette situation d'ailleurs.


Tout cela me donne d'ailleurs une lecture d'une simplicité extrême sur cette fracture de l'annulaire : peur de me lier, trop peur que ça fasse mal, tellement peur de ce lien en train de se souder que je préfère briser toute possiblité d'approfondissement : je me casse le doigt (avec son intervention d'ailleurs puisque c'est lui qui a tenu le rôle du "casseur"), je ne peux plus m'en occuper. Le doigt est brisé, le lien aussi. Tout le contexte me fournit en outre plein de "bonnes raisons" pour venir enrichir cet abandon du lien, pas le temps, pas envie parce qu'il est peut-être pas si gentil que ça, il ne me fait peut-être pas si confiance que ça (sinon il m'aurait pas "fait" un coup pareil), et puis si ça se trouve on va peut-être déménager (c'était pendant les concours),...

jeudi 28 mai 2009

De jolies choses aussi

Parce que la vie ne s'arrête pas .



Ophrys fuciflora (je crois !), Lac de Sainte Croix, avril 2009.

Il y a eu le retour du soleil, quelques apéros de fin d'après-midi entre amis, la tendre présence quotidienne de mes voisins, de nouvelles amours équines si touchantes, l'amour de mon mari au travers des tempêtes qui nous tansent, la musique, le potager qui n'en finit plus de pousser, des sourires, des fleurs, les incroyables senteurs du printemps.

Protégez-moi de mes amis

Tu dis ça, mais tu ne tiendras jamais, ça va trop te manquer.
Et puis tu ferais quoi, hein ?
Mais non, faut pas lâcher, va y avoir plein de postes dans les années qui viennent.
Tu sais, Machin, il a eu son poste au bout de 4/5/6 ans...
Si tu lâches maintenant, tu es bien consciente que ça sera ex-trê-me-ment difficile de revenir dans la course ensuite, tu le sais, hein tu le sais ?
Non, c'est pas ça qu'il faut faire ; ce qu'il te faut, c'est des publis.
Et un postdoc à l'étranger. Y'avait Truc qui te proposait quelque chose, c'est une super fac, qu'est-ce que tu attends ?
T'aurais dû déménager, ça a été ta première erreur.
C'est sûr que si tu le prends comme ça, je veux / je veux pas, tu y arriveras jamais... il faut savoir ce que tu veux !
Mais non c'est pas si dur ! C'est juste qu'il y a beaucoup de bons candidats, c'est tout.
Et puis on sait jamais, regarde Bidule, elle a été recrutée alors que personne ne l'aurait imaginé.
On passe tous par des moments difficiles, mais ça va passer, faut garder courage.
Et puis regarde, tu enchaînes les postdocs, c'est tout de même super. Y'en a qui n'ont pas cette chance.
Et pourquoi tu tenterais pas le privé ?

...


Mes ennemis, je m'en occupe. Mais ça !

mercredi 27 mai 2009

Ce qui ne nous tue pas, etc.

J'aurais voulu titrer "Une nouvelle vie s'ouvre", et même que, d'une certaine façon, je pourrais le faire. Mais ce n'est pas exactement ce que j'attendais. Ce que mon orgeuil attendait en tout cas. Ce que mon naïf espoir dans les contes de fées où le héros gagne à la fin, attendait.


Campagne de recrutement enfin terminée. La troisième. Toujours rien. Et j'y ai cru encore cette année, j'ai cru en lisant certains descriptifs de postes que je saurais être la bonne dans 2, peut-être 3 cas. On ne m'a laissé ma chance que dans un seul, qui s'est finalement conclu un peu comme les autres, par une déception, toujours un peu la même, toujours pour ces mêmes raisons que la majeure partie des jeunes docteurs en recherche de poste connaissent, ce qui fait que l'on devient usé avant l'âge, blessé, vaincu, amer, blasé, haineux parfois. Pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le travail.


Alors en l'espace de quelques heures, je suis passée de la colère (envie de claquer la porte de mon labo — qui n'avait pas grand-chose à voir avec la situation — en hurlant ma rage), au fatalisme (j'aurais pas dû y croire, je sais trop bien comment ça fonctionne, ben si c'est comme ça j'arrête, puisque je n'arriverai jamais à être la personne arrivant dans les conditions — politiques, disons — requises), puis au désespoir (j'ai gâché ma vie jusqu'ici, j'ai consacré 30 ans à constuire quelque chose qui est sans espoir, comment est-ce que ja vais bien pouvoir réussir ma vie à présent, je suis foutue), et finalement à la simple tristesse (je suis dégoûtée, donc j'arrête, je prends le temps de me reconstruire, je prends du recul, et puis si jamais un jour j'ai envie de tenter le coup à nouveau on verra bien, mais pour l'avenir immédiat c'est fini).


Tristesse de devoir abandonner quelque chose qui me tient à coeur, depuis longtemps, quelque chose dans laquelle j'ai beaucoup investi. Mais c'est un peu comme dans Les invasions barbares, quand la junkie constate que tout ce que le héros aime dans la vie ce sont des choses dont il ne peut plus jouir à présent, et que donc cette vie-là qu'il aime, est révolue : ce n'est pas ce que j'ai fait ces dernières années qui m'a plu, c'est ce que je faisais avant. Depuis que j'ai commencé à faire des choses contre lesquelles je m'élevais au départ (faire des contrats courts, écouter les autres qui me disaient qu'il fallait être mobile), je me suis usée. J'y ai perdu mon temps, mon énergie, mon entrain, mes capacités à m'investir (comment faire des choses constructives quand on est là pour un an et qu'il faut ce temps-là au moins pour prendre ses marques quelque part, pour s'imprégner du lieu et de ses us ?), ma volonté, mon imagniation et mes idées.


Fatigue d'entendre qu'il faut être mobile, sortant de la bouche de maîtres de conférence qui se recrutent en local sur les postes de profs (...et où ils avaient déjà été recrutés localement en MCF). Fatigue de l'entendre encore et toujours, même alors qu'on l'est depuis 3 ans. Fatigue de constater que ça ne sert à rien puisque de toute façon, un énorme dossier ne sert, au mieux, qu'à passer derrière des candidats à qui l'on ne demande ni d'être extérieur, ni d'être mobile, ni même d'être forcément meilleur. Au pire, ça sert à être écarté d'un concours pour éviter la concurrence.


Alors j'ai pleuré, pleuré, souvent depuis 36 heures, pour diverses raisons.


Ça fait tellement bizarre de penser que ça y est, j'y suis, le moment est arrivé de passer à autre chose. Et puis ça ne se fait pas vraiment comme je l'avais pensé, puisque j'ai devant moi quelques mois de bonheur scientifique en perspective, quelque chose d'inattendu mais qui tombe à pic, de quoi finir en apothéose (et sans la pression des concours, cette fois), de quoi retrouver mes plaisirs initiaux à ce métier juste avant de le mettre de côté.


C'est à la fois très chouette et effrayant.

jeudi 21 mai 2009

Deux secondes

Je prends à peine le temps de laisser une petite trace.


De nouvelles choses qui se préparent, et la préparation m'occupe quasi continuement. Le reste du temps, je prends un peu l'air, le soleil qui commence enfin à chauffer un peu, je regarde le jardin pousser, et le potager, je fais quelques photos d'orchidées (mais je n'ai même pas le temps de les mettre ici pour l'instant, pourtant j'en ai des nouvelles, j'ai hâte !), je m'évade dans le Verdon dès que j'ai une demi-journée de libre (...dès que je m'impose une demi-journée, plus exactement).


Tout cela est très chouette, quoique épuisant pour l'instant, mais d'ici quelques semaines ça devrait devenir moins prenant. Mais pas moins intensif !

samedi 2 mai 2009

Toujours en retard !

Je ne compte plus les jours de retard que j'ai pris ;
j'y ai pensé, souvent, très souvent, dans le train, sous la douche, en sursaut en pleine nuit, le matin au réveil alors que je sais qu'il n'est pas encore debout,... toujours à des moments où je ne pouvais pas le faire ;
j'y ai pensé la veille, j'y ai pensé le lendemain, le surlendemain et encore depuis.


Mais je n'y ai pas pensé le jour J.


En même temps, c'est comme ça tous les ans depuis qu'on se connaît, je crois qu'il en a pris l'habitude... et j'en suis tellement désolée.


Pourtant, lui, il a toujours su être présent, malgré la géographie. Ça ne fait pas si longtemps que ça qu'on se connaît quand on y pense, et pourtant j'ai souvent l'impresssion qu'on est des amis d'enfance tellement je me sens bien face à lui. J'aime sa façon de voir les choses, de dire, de faire, sa présence au monde. J'aime l'écouter parler de ce qu'il aime, j'aime discuter avec lui de ce que l'on n'aime pas, j'aime l'entendre expliquer ce en quoi il croit (même lorsqu'on n'est pas d'accord !). J'aime quand il téléphone et qu'on reste une heure à papoter, j'aime quand on s'échange des petites suites d'emails dans la journée, j'aime quand il m'explique tout simplement une recette de patisserie extraordinaire, j'aime quand il me fait écouter de la musique que je ne connais pas. J'adore quand il se met à chanter, n'importe quand, n'importe où.


Il y a un jour, un instant dont je me souviens particulièrement. On rentrait d'une conférence, on prenait le RER qui nous ménerait vers la gare, il faisait soleil et je n'avais quasiment pas dormi. Il a commencé quelques mots d'une chanson Mathieu Boogaerts, et on a chanté, affalés sur le quai sur nos sacs de voyage. C'était juste un instant parfait.


Parce que j'ai comme toujours râté la bonne date, je veux lui souhaiter aujourd'hui malgré tout un heureux anniversaire, de tout mon coeur.

lundi 27 avril 2009

Tant de

Un timide rayon de soleil ose passer au travers des nuages gris. Ça fait un bien fou, cette lumière inattendue, même si ça ne durera pas.


J'ai des envies, et le trac de les mettre en pratique. Comme je l'ai si souvent décrit ici, jour après jour, année après année, je n'ose plus choisir entre toutes ces choses à faire, parce qu'en choisir une c'est laisser les autres de côté et en culpabiliser.


Je voudrais avancer sur mon travail parce qu'il ne me reste plus beaucoup de temps pour obtenir des résultats. Je voudrais continuer de coudre de nouvelles housses pour le canapé du salon parce que j'ai commencé et que ça me plaît bien, et que c'est tellement plus joli. Je voudrais coudre aussi un genre de vide-poches que j'ai dessiné parce que ça serait pratique, mais j'ai peur de ne pas tout avoir pour le poser ensuite et j'ai peur que mon mari trouve ça moche. J'aurais voulu voir un peu des gens ce matin, mais à l'heure où je suis allée à la ferme il n'y avait personne, alors que j'avais envie de papoter, je n'ai pas eu assez le temps de le faire la semaine dernière. Je voudrais peindre les barrières en bois dehors mais on n'a pas encore trouvé la peinture que l'on cherche ; et puis de toute façon il pleut sans arrêt en ce moment. Je voudrais ranger quelques parties de la maison qui trainent encore, mais je sais que je ne peux pas le faire parce qu'il manque des éléments pour monter les étagères sur mesure pour les murs, pour récupérer les étagères pas-sur-mesure et les mettre ailleurs, pour ranger de nouvelles choses dedans et dégager des cartons... mais il manque deux-trois petits bidules pour monter les étagères sur mesure et je ne peux pas faire sans, et toute la suite est bloquée...


Qu'est-ce que j'aimerais avancer dans le rangement de la maison ! Là, ce n'est jamais dégagé, jamais rangé vraiment, on ne peut pas y voir clair, et du coup c'est tellement difficile de passer à l'étape qui suit l'emménagement : l'aménagement. Et qu'est-ce que ça me ferait plaisir de pouvoir commencer à aménager les pièces !


En même temps, cet état de ma maison (de toutes celles que l'on a habitées durant ces dernières années) correspond assez bien à mon état d'esprit du même moment. Et en pensant à ça de cette façon, je me dis que je devrais peut-être essayer de concentrer mes efforts sur une pièce d'abord, peu importe laquelle, et la finir, question d'avoir au moins celle-ci dans laquelle je pourrais au moins me sentir enfin entièrement chez moi, sur laquelle je pourrais reposer ma satisfaction, et que je pourrais utiliser comme motivation pour le reste. Bon, du coup il faudrait que je commence par trouver quelle serait la pièce que je pourrais finir... si tant est qu'il y en ait une, parce que je crois bien que si je ne l'ai pas encore fait, c'est parce que ce n'est simplement pas possible... quel casse tête...


Sur ce, je vais descendre checker ma liste de choses à faire en espérant y voir subitement apparaître, entre les lignes barrées et celles restantes, l'expression d'une vérité transcendentale (*) qui m'aurait échappé jusqu'à présent et qui viendra éclairer ma vie d'un jour nouveau...


...ou bien, je vais peut-être tout simplement y chercher une idée de truc faisable.


Entre temps, le rayon de soleil a disparu.


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(*) J'hésitais, alors j'ai cherché si on écrivait "transcendantal" ou "transcendental". Apparemment en français on peut écrire les deux. En anglais par contre ça prend toujours un -e- (d'où la différence de nombre de résultats quand on tape l'une et l'autre orthographe dans Google).

dimanche 26 avril 2009

J'y étais

Juste !


mardi 21 avril 2009

Ôde à Meudon

Il y a 2 ans, un matin j'ai pris le TGV, puis le RER, puis le tramway et je suis descendue sur un tout petit quai ensoleillé. J'ai monté une rue privée, ponctuée de maisons plus magnifiques les unes que les autres, certaines en pierres, d'autres en bois. J'ai senti le calme — le calme avant la tempête. J'ai rempli mes yeux des magnolias en boutons. J'ai débarqué, essoufflée par le dénivelé et le poids de mon sac à dos de turbo-Ater, dans une rue de Meudon, avec la gare d'un côté, le CNRS de l'autre, le bar des auditionnés en face, et la circulation automobile au milieu de tout ça, comme un brusque rappel à la réalité. J'ai trouvé une amie lisant au soleil sur la terrasse. Je suis allée reconnaître le terrain, la salle où je passerais quelque temps plus tard, et je suis allée boire un café avec elle. J'avais aimé cette expérience. J'avais passé, en cette première journée d'une longue série dont j'ignorais alors tout de la durée et de la douleur, un moment d'un rare plaisir.


Ce que j'ai le plus apprécié, et je l'ai su tout de suite, et j'ai pu le vérifier à chaque nouveau passage, c'est le chemin qui monte au travers des magnolias. La saison est douce, même un jour de pluie. Les fleurs sont colorées, les odeurs douces et le calme précieux parce que si précaire, on le sait, on ne pense qu'à ça. Un instant propice à la concentration, à la détermination, à la volonté. On remonte ce chemin comme on remonte toute l'histoire qui nous a amené là, sur ce petit chemin de Meudon, par un matin d'avril. J'ai le choix pour m'y rendre, mais j'aime trop ce chemin pour en prendre un autre ; si j'arrivais par le train, j'aurais trop l'impression de râter une étape capitale.


J'ai pris ce chemin deux fois il y a deux ans, deux nouvelles fois l'année dernière, et je le prendrai une seule cette année : j'ai dû brusquement abandonner mon premier rendez-vous il y a quelques semaines. C'est pour tout bientôt. Je sais que je ne le reprendrai plus, ensuite. C'en sera fini de ces rendez-vous printaniers dans un quartier méconnu, complètement à part du reste, pour un moment que l'on prépare plus qu'on ne le vit réellement.


Je me demande si d'autres candidats vivent cela comme moi. Je me demande si des membres du jury ressentent cela. Je me demande si certains au contraire détestent ce chemin parce qu'il monte et que c'est fatiguant. Je me demande si l'on devrait en parler pendant l'audition, et constituer les sous-jurys en fonction des différents chemins que l'on aime prendre pour se rendre en ce lieu si inhabituel pour chacun de nous. J'en avais parlé à un membre du jury une fois, il m'avait répondu d'un air rêveur, "Ah oui ce chemin..." Je me demande si, quand le temps le permet, on devrait faire les auditions sur le chemin, l'arpentant tous ensemble, parlant, s'interrompant pour indiquer une touffe de chélidoine devant un portail, des fleurs de fumeterre qui s'incrustent entre les pierres d'un muret. Péripatéticienne audition, dont les accents suivraient les éléments du parcours.


On ferait un bout de chemin ensemble, pour voir si nos pas peuvent apprendre à s'accorder, pour voir si nos idées voguent sur les mêmes flots, pour voir si l'on peut se surprendre les uns les autres. Pour donner un peu de souffle à l'exercice, pour ne pas s'enfermer dans un cube au papier peint blanc, aux chaises jaunes, au vidéo-projecteur gris, aux places nominatives. Chacun n'aurait pour lui que ce qu'il est dans la vie, son souffle, sa voix, ses connaissances, son à-propos, son ancrage dans le réel.


Il faut que je trouve un moyen de donner cette énergie-là à mon audition. Que je les emmène au-delà de la pièce, du bâtiment, de la cité. Et quand je sortirai, je pourrai regarder la tour Eiffel au loin en me disant : "J'y étais à l'instant".

lundi 20 avril 2009

Le minotaure

Trouvé chez Baptiste Coulmont en rattrapant mon retard de lecture, cette petite perle que je vais m'empresser d'envoyer à mes ami(e)s concerné(e)s, et comme il y en a aussi qui passent par là je le mets ici :


Le Minotaure

Toujours plus

Je parle de ceci pour ne pas aborder cela.


Lire dans des yeux nouveaux la pétillance d'un sourire.
Partager un instant de connivence inattendue.
Parler, doucement, calmement. Rire.
Se laisser même, parfois, aller à un profond silence, sans besoin de le combler.
Pouvoir laisser voguer son regard sans se poser de question.
Réaliser que l'on est entré dans le cercle proche.


Mais, aussi, en vouloir trop, tout de suite, à tout prix.
Vouloir que le temps soit déjà passé.
Craindre d'effrayer par trop de franchise, trop de mots.
Attendre, trop. Hésiter. Attendre encore.
Ne pas savoir l'autre. Tâtonner.
Se retenir pour ne pas effrayer, par peur de commettre une erreur.


Poser des questions / se poser des questions. Vouloir des réponses que l'on a déjà. Ne pas savoir lire, voir, entendre, ni en soi ni dans les autres. Hésiter, hésiter tout le temps, ne pas savourer le présent, ressasser indéfiniment, se cacher alors que l'on veut se montrer, craindre qui l'on est et qui l'on pourrait être, craindre l'autre alors qu'on voudrait le connaître. Peser, repenser, se demander, réviser, remettre en question, comprendre une chose puis son contraire, et s'interroger à nouveau.


J'ai besoin en excès qu'on me manifeste que l'on m'aime parce que j'en suis incapable moi-même. Mais j'y reste aveugle et j'en veux toujours plus. Je veux du voyant, du débordant, de l'intarissable, du nouveau, de l'inattendu, du généreux, sans cesse. J'y étouffe ma spontanéité, mon naturel, ma confiance en moi et dans les autres.

jeudi 16 avril 2009

La liste, 2 : Une toute autre

Je me suis demandé ce que je pouvais bien raconter ici à la même époque, les années précédentes. Alors en 2006, je faisais une balade à la Sainte Baume. En 2008, je racontais mon poids et ma fatigue de grosse femme enceinte. Et en 2007, je racontais que j'avais retrouvé une liste de choses dont j'avais envie lorsque j'avais 20 ans.


J'en ai 30 à présent. Je n'ai pas fait de liste. Je pourrais le faire, pour la retrouver à 40 ans... ou la comparer avec celle de mes 20 — dont j'avais à nouveau oublié l'existence entre temps.


Alors, disons que je voudrais, dans les 10 ans à venir (ça me laisse un peu de marge ;-)) :


  • Avoir eu deux enfants (vivants, autant que faire se peut) ;

  • Avoir appris à me faire confiance ;

  • M'être installée pour de vrai dans un endroit pour longtemps, sans avoir à me demander si je vais encore devoir bouger dans x temps ;

  • Avoir trouvé une activité, ou plusieurs, qui me rendent heureuse et, accessoirement, qui me permettent d'assurer mes besoins financiers ;

  • Avoir ancré dans ma vie ce plaisir que j'ai de donner aux activités le temps qu'il faut pour les faire bien ; le faire sans que ça soit un dilemme ;

  • Ne plus avoir à faire tant de kilomètres pour travailler ;

  • Avoir trouvé une lisière de clairière avec un grand chêne blanc sous lequel je pourrai aller me ressourcer lorsque l'envie m'en viendra ;

  • Avoir trouvé la paix, avoir su soulager, consoler, accueillir les démons qui se cachent sous mes paupières ;

  • Vivre dans un lieu bio, au fonctionnement le plus naturel possible ;

  • Avoir réussi à apprécier mon visage, à le prendre tel qu'il est, à ne plus être surprise lorsque je le croise aux hasard d'un reflet ;

  • Avoir appris à apprécier les petites contingences du quotidien, avoir trouvé une façon de les réaliser qui me convienne ;


Je pose ça là. Et on verra dans 10 ans.

La liste

Je me suis réveillée un peu avant 6h, il est tombé une forte pluie, et puis plus rien. Le silence revenu, je me suis rendormie, et réveillée bien tard. À présent il fait soleil et le sol est tout mouillé.


Dans mon bureau il y a un autoportrait de mon mari, une aquarelle. Il l'avait posée près de mon bureau dans notre premier appartement, et depuis elle est toujours restée à cet emplacement ; elle manque si elle n'y est pas. Elle n'a plus de vitre de protection et elle a pris la poussière... je la nettoie de temps en temps, mais c'est vrai que je n'y pense pas assez souvent. Ce matin je vois que mon mari l'a déplacée, elle était sur mon bureau et il l'a posée à côté sur l'étagère. Elle est mieux, là.


Lorsque nous avons emménagé ici j'ai commencé à faire une liste de choses à faire, parce que j'aime ça, parce que ça me permet de poser les idées et de ne plus avoir à les garder en tête et qu'elles finissent perdues dans la masse. Fièrement, (utilement,) je l'avais punaisée dans le salon ; mais mon mari ne supportait pas de la voir, il fait partie de ces gens à qui ça fait peur, à qui ça met la pression de voir tant de choses à faire, comme si c'était un ordre, comme si c'était à faire tout de suite, alors je l'ai enlevée et rangée. Mais je la tiens toujours... elle s'est allongée avec le temps, tant de temps déjà (presque le temps d'une grossesse me suis-je fait remarquer hier soir), et deux bons tiers ont été barrés. Ça prouve que même si l'on travaille, même si l'on prend du temps pour voir nos amis, même si l'on prend du temps juste pour nous deux, et pour la ferme, et pour les chevaux, et à présent pour les travaux de l'appartement de la future nouvelle locataire qui arrive tout bientôt, et même si j'ai toujours cette impression que l'on ne s'installe pas vraiment encore une fois, on n'a pas rien fait pour emménager.


Hier j'ai enfin pu poser des tringles pour les rideaux des chambres. Ça a été très compliqué parce que la configuration n'est pas pratique, et puis j'ai dû refaire des rideaux aux bonnes dimensions (d'ailleurs je n'ai pas fini, j'ai changé d'avis plusieurs fois et finalement certains sont encore trop longs), trouver des tringles les moins épaisses possibles, et surtout trouver une idée d'attaches pour que les tringles soient accrochées au plafond, presque tout contre. J'ai tenté plusieurs choses, en vain. J'avais trouvé une nouvelle idée depuis quelques semaines... mais il fallait encore trouver les pièces nécessaires, et les acheter. Hier ça a été chose faite, enfin. Alors je les ai mises en place. Quelle joie de pouvoir enfin avoir des rideaux accrochés autrement que par des punaises. Et une nouvelle ligne de la liste à barrer.


J'ai même pu en barrer une seconde, celle qui concerne un rideau que je devais poser dans les WC. Certes, celui-ci a fini punaisé (!), mais au moins il est posé. Là aussi j'ai un problème de configuration, et je ne sais pas trop comment je vais pouvoir poser une tringle. Mais celui-ci ne bougera pas beaucoup alors il peut rester un peu comme ça, et puis c'est toujours mieux que rien du tout. Ça change tout ! Ça fait du bien.


J'ai également rajouté pas mal de choses dans ma liste ces derniers jours : tout ce qui concerne le jardin, et que l'on n'avait pas encore entamé avant. On a fabriqué quelques séparations, entre le potager et le reste notamment, pour que le chien n'aille pas se coucher dans les fraiches salades comme il en a l'habitude pendant les chaleurs, et on a fait une porte, avec du bois de récup' de la ferme. Il faut maintenant peindre tout cela, et l'on a une idée précise de la couleur : un bleu que l'on avait déjà utilisé dans un jardin précédent, qui allait magnifiquement avec le vert des plantes. Un bleu intense et dynamique. Alors on en a cherché, mais pas encore retrouvé : bah, on cherchera ailleurs.


On a mis quelques graines à germer, on en a semé quelques autres, on a planté des patates. On suit la pousse des pois de senteur et des capucines grimpantes que l'on avait semés à l'automne sur le tour du jardin, complétés par des clématites et quelques vignes sauvages. On regarde notre pauvre et unique plant de rhubarbe sauvé in extremis l'été dernier et qui a l'air de se sentir mieux ici. L'hysope et l'absinthe aussi, se développent mieux ici. Sans doute que la pluie n'y est pas pour rien non plus...


Et puis ces temps-ci, j'hésite. J'hésite parce que l'on a récupéré une commode que l'on devrait prendre il y a longtemps pour la mettre dans la chambre de notre enfant. Puis on a transformé cette future chambre qui n'en fut jamais une en bureau / chambre d'amis, et la commode n'y a plus sa place. Alors je ne sais pas trop où la mettre. Je réalise que je voudrais la mettre dans la chambre du bébé, même si je sais bien que ça n'a plus de sens. Je me demande où l'on mettra mon bureau, où l'on mettra la chambre d'amis lorsqu'un nouveau bébé viendra. Et là, je ne sais pas comment formuler tout cela sur la liste des choses à faire...

mardi 14 avril 2009

Au réveil

Plein-voir, gorges du Verdon, avril 2009.


Je me suis réveillée ce matin sans savoir qui j'étais. Plus que ça : sans savoir ce que j'étais. Comme une impression végétale. Étrange. J'ai mis un temps non-négligeable à retrouver mes marques, le lieu, le temps, la nature.


Je n'ai pas pu me rendormir : les lattes du sommier sont vraiment trop nazes.


J'ai réussi à voir le soleil se lever, imprimant son rouge intense sur les carreaux de la cuisine.

lundi 13 avril 2009

Eyes wide shut

Depuis les nuages hauts très hauts d'où j'observe les événements de grande envergure qui m'entourent, ceux qui enflamment l'une des communautés auxquelles j'appartiens, ceux que que je vois se dérouler ici tout près de moi, je ne vois presque que des choses qui me blessent. C'est peut-être aussi parce que je savais cela à l'avance, pour l'avoir déjà vécu, que je n'ai pas voulu prendre part à tout ça. (J'y cherche beaucoup de raisons, pas tout le temps mais régulièrement. J'essaie de comprendre pourquoi, en profondeur, par rapport à mes choix de vie et mes opinions, j'ai pris le parti de ne pas participer.)


Dans les échanges que je lis, je me vois aimer de plus belle les personnes que j'aime, être déçue des interventions de celles que je connais seulement. Parfois j'ai envie de répondre, mais je m'en abstiens ; je suis intimement convaincue que ça ne fera pas évoluer les choses vers du positif — ni vers du négatif non plus. Je vois que souvent l'on se met à avoir une peur bleue, une terreur qui pousse à accuser les autres de tous les maux, à chercher d'ores et déjà un coupable de la faillite qui nous attend, contre laquelle on ne sait plus que faire, à laquelle on sait qu'il n'y a que peu d'alternatives et que l'on ne se sent pas le courage, pas la force, pas l'envie, parfois même pas la conviction de suivre. Alors on se sépare. On se désolidarise. On oublie tout de la tolérance, de l'humanisme, de l'esprit de groupe et on crie très fort "Mais moi c'est pas que ce que veux ! Et si c'est pas comme je veux, alors je ne ferai rien." On se gargarise d'être si nombreux à partager, et puis au bout d'un temps où l'on commence à comprendre que pour partager il faut être tolérant à la diversité, il faut accepter aussi les avis des autres, surtout ceux de la majorité si l'on joue au jeu des votes, alors on se replie et l'on crie à la manipulation, à la récupération, à la séparation. Ce qui est faux : il n'y a aucune séparation de plus aujourd'hui qu'il n'y en avait à l'origine même des mouvements. Je pense même que s'il n'y avait pas eu cette diversité originelle, si ces gens sur qui l'on tape aujourd'hui n'avaient pas été déjà présents et intègres hier, rien n'aurait jamais commencé et chacun se serait contenté de maronner dans son coin.


Alors ces jours-ci, on se met à faire sienne une idée qui avait été lancée par quelques-uns pendant un temps : celle de la récupération politique. Alors je dis oui, bien sûr qu'il y a de la récupération politique dans le mouvement, et encore heureux. C'est quoi la politique, si ça ne consiste pas à avoir une certaine idée de la société (quelle qu'elle soit peu importe ici) et à tâcher de l'appliquer dans ses actions quotidiennes ? Ça rimerait à quoi si les personnes qui essaient de faire quelque chose cachaient ce qu'ils veulent faire ? Ça rimerait à quoi si le but de chacun, lorsqu'il s'exprime, était de trouver une formule qui plaise à tout le monde ? Ce qui se passe, aujourd'hui comme tout le long de ce mouvement et avant et encore après je l'espère, c'est que l'on peut donner son avis quel qu'il soit. Ceux qui parlent souvent, ceux que l'on couvre d'opprobre ces jours-ci en les accusant de monopoliser les débats, sont des personnes qui croient profondément que chacun peut s'exprimer. Pourquoi est-ce que ceux qui pensent différemment n'osent pas le faire à leur tour ? Ont-ils peur d'exprimer leur avis ? Ont-ils peur de ne pas faire l'unanimité, est-ce que c'est le but quand on prend la parole ? Ne voient-ils pas que ceux qui parlent se contentent d'exprimer leur propre avis, qui les concerne uniquement, et non pas de formuler leurs propos de manière à gagner à l'applaudimètre ? Sont-ils tellement aveuglés par leurs propres fantômes (ou pire, ceux qu'on leur a imposés) qu'ils n'arrivent plus à voir que la diversité existe, que l'on peut avoir d'autres vœux, d'autres souhaits, d'autres méthodes que les ternes options que la télé nous apprend ? Ont-ils finalement chaussé les fers bon gré, mal gré en adoptant cela comme "un mal nécessaire" ?


Il y a quelques temps je parlais de la fierté que j'éprouvais face aux étudiants qui avaient appris en quelques mois, lors d'une action précédente, à s'approprier la chose politique, à participer, à exprimer, à chercher seuls et en groupes. Ils avaient appris, entre autres choses, à se parler et à s'écouter les uns les autres. Je voudrais que cela ne soit pas perdu.

samedi 11 avril 2009

La carte de la douleur

Où est la réalité. Celle que l'on oppose si souvent à mon propos, à mon ressenti, à mes émotions. Où se situe cette chose en laquelle je croyais qu'il ne fallait plus croire, qu'il fallait apprendre à relativiser. Qu'est-ce que c'est que la réalité entre deux êtres différents, qu'est-ce que c'est que la réalité quand on parle de sentiment. Pourquoi est-ce que tout devrait être noir ou blanc, d'un côté ou de l'autre, jamais les deux, jamais au milieu, toujours l'un à l'exclusion de l'autre.


Est-ce que c'est moi qui déraille, est-ce que je devrais jeter aux orties tout ce que je ressens, et sur quoi devrais-je m'étalonner alors, pourrai-je me baser sur une réalité extérieure à moi, comment la comprendre, comment la voir, comment faire en fonction d'elle puisque que je ne la vois pas ?


J'ai le sentiment que c'est trop me demander. Que ce n'est pas faisable. Que ça doit être déformé. Est-ce que je dois taire cela si c'est si difficile à entendre ? Est-ce que je dois le taire si ça me fait encore plus souffrir de le dire ? Est-ce que, si j'accepte d'en souffrir maintenant, est-ce que ça sera pour un mieux ensuite ? Puis-je le savoir, comment puis-je faire pour le supporter ? Combien de temps encore cela durera-t-il ? Devrai-je encore longtemps encaisser les accusations et les reproches, les cris et les crises, les silences et les non-dits, la responsabilité intégrale de toutes les épreuves que l'on a endurées depuis ce jour, et m'interdire la parole, interdire le crédit à mes sentiments ?


Comment tenir compte de mon ressenti si, à chaque fois que je l'exprime, ça a des conséquences catastrophiques ? Comment savoir si mon ressenti n'est pas lui-même influencé par ça, biaisé, faussé, décalé, exagéré par réaction ? Comment trouver une juste mesure, à qui la demander, comment en être sûre ? Comment me faire confiance lorsque tout ce que j'essaie mène à toujours plus de maux ? Lorsque dès que je m'attache à une chose, elle lâche aussitôt ?


Quand j'essaie de reprendre du courage, de prendre du recul, je me dis que je n'ai qu'à attendre, prendre sur moi, ne pas répondre, ne pas dire, laisser passer du temps, ne pas tenir compte de ce que je ressens, faire comme si ça n'existait pas. Ensuite je me dis que ça n'est pas possible, que je ne peux pas me tromper tant que ça, que je ne peux pas être si fausse que ça avec moi-même. Alors je me dis que je dois tenir compte de ce que je ressens ; mais quand je le fais, je me retrouve malheureuse. Et quand je tâche de faire autrement, j'ai tellement l'impression de me nier que je me retrouve figée, brisée, incapable, à genoux.


Je me dis que je ne sais pas présenter cela dans travestir la situation. Que je ne sais pas en parler en toute objectivité. Alors je ne le fais pas. Parce que si je le fais tout de même ça me renforce dans ma vision des choses, celle qui semble être si loin de la réalité dont je suis censée tenir compte. Je crois alors gagner en force, en confiance en moi, et je me retrouve de nouveau blessée lorsqu'on me rappelle à cette réalité qui m'est étrangère.


Lorsque les choses sont dures, si dures que l'on n'a plus la force d'affronter le monde ; lorsque la douleur est moins visible mais encore si présente et que l'on n'en peut plus de la sentir nous tenailler ; lorsque l'on n'en est à ne plus savoir si c'est cette douleur-là qui continue de nous dévorer ou si c'est nous qui nous faisons du mal tout seul ; lorsque l'on ne sait pas si c'est une question de temps ou de volonté ; comment peut-on faire pour trouver sur quoi se reposer ?

vendredi 10 avril 2009

Au matin d'un petit grand monde

La timide lumière du soleil pas encore tout à fait levant contre le mur de l'escalier. Elle vient d'attirer mon œil pendant que je montais ici avec mon café.


Ça fait quelques temps que je réveille tôt. Non, pas si tôt que ça tout de même ! Entre 6h et 7h30, ça dépend des jours. Et je vois les couleurs naître sous les chants des coqs. Puis j'entends les premiers cris d'oiseaux. Parfois, l'âne M. passe la nuit près de la maison et nous gratifie d'un concert de braiments à intervalles réguliers. À partir de 7h et demie commencent les premières visites à la ferme : il y en a qui ont leurs heures, d'autres leurs jours, et d'autres encore qui improvisent. À 7h30, souvent, c'est un fermier d'un peu plus loin, un vieux maraîcher très célèbre dans le coin pour ses courges muscade, qui vient boire le café. Il est petit, rond, lourd, se déplace difficilement, a le visage buriné par le pastis et le soleil. Il vient presque toujours seul, parfois accompagné de son fils. Il fait des blagues d'obsédé sexuel, c'est pas toujours sympa, surtout de bon matin... mais il est gentil dans le fond. Même s'il est spécial, différent, qu'on ne partage franchement pas beaucoup d'avis.


Entre 8h et 9h passent toutes sortes de gens. Des amis, des connaissances, des collègues, de la famille, qui restent un peu ou ne décollent plus, qui viennent dire bonjour, boire un café (ou deux, ou trois...), grignoter un petit quelque chose que la maîtresse de maison vient de sortir du four ou qu'on lui a apporté, qui viennent demander un service, rendre un service, prêter ou ramener un outil, donner un coup de main, prendre l'air ou des nouvelles.


Il y a les filles de la ferme qui passent au QG, quand elles ne travaillent pas pour le viticulteur du dessous. Qui se demandent ce qu'elles vont faire à manger à midi, le soir. Elles sont parfumées et portent des talons.


Il y a les rares, ceux qui sont partis, ceux qui viennent de loin, ceux qui travaillent trop, ceux qui sont occupés. Il y a ceux qui manquent, et ceux qui viennent par habitude. Il y a ceux qui s'incrustent. Et il y a ceux qui boudent, mais qui reviendront — on le sait.


Sur le fil en face de ma fenêtre, il y a un tout petit corbeau posé avec un très grand ver de terre dans le bec. Il regarde dans tous les sens... je me demande ce qu'il cherche.


On ne donne quasiment plus de foin aux chevaux : ils ont enfin assez d'herbe dans leur parc, dont on a encore doublé la surface il y a peu. Ils aiment être derrière les arbres, je suis contente qu'on leur ait donné cet espace aussi, j'étais sûre qu'ils aimeraient, le point de vue est superbe, ils voient loin, il n'y a pas de pierres.


Ce monde qui m'était étranger il y a si peu de temps m'a adoptée moi toute entière. J'avais tellement peur qu'on me juge trop différente, trop écologiste, trop théoricienne, trop féministe ou je ne sais quoi mais non. Le matin de mon anniversaire, voyant que j'étais sortie faire une course, les filles m'ont appelée et m'ont chanté "joyeux anniversaire" au téléphone, et moi en les entendant j'avais les larmes aux yeux. Il y a quelques temps, on a reparlé de notre fils au hasard d'une conversation, et notre fermier s'est mis à pleurer. Leur vie a été marquée d'épreuves difficiles ; dans un livre de Michel Odoul, j'ai lu une théorie selon laquelle c'est aux personnes les plus fortes que l'on ajoute un handicap. Ils doivent être sacrément forts dans ce cas... et je les admire, souvent.


Le soleil vient à présent éclairer le mur. Je vais prendre une petite douche, m'habiller, et aller rejoindre ce petit monde, si petit mais si grand.

jeudi 9 avril 2009

Retour(s)

Tant de monde m'a répondu hier à mon premier billet (merci). Tant de monde, dont tous les messages m'ont renvoyé une image de moi calme, rassérénée... autant dire que c'est drôle parce que ça n'était pas du tout mon état d'esprit quand j'ai écrit mon billet ! D'ailleurs, en écrivant cela, je me souviens qu'avant-hier pas mal de personnes que j'ai croisées m'ont dit que j'avais l'air bien, reposée, en forme. Curieux.


Curieux, parce que je ressens un total décalage avec l'image qu'on me renvoie de moi. Moi qui bous à l'intérieur, et même à l'extérieur parfois. Moi qui ne sais toujours tellement pas quoi faire de ma vie, qui commence à me dire finalement, je ne suis peut-être simplement pas faite pour vivre, avec toutes ces choses que l'on a à faire sans cesse, toutes ces choses que je n'aime pas faire, toutes ces choses qui paraissent si évidentes aux autres quand je les regarde et qui sont si laborieuses, si douloureuses pour moi.


À croire que je remplis toujours aussi bien mon rôle de "je vais bien, tout va bien", à croire que je n'ai pas évolué d'un iota. Ou alors, à croire que, peut-être, je suis tellement habituée à ce bouillonnement intérieur que je l'entretiens sans raison. Et je m'aperçois que je n'en sais rien !


Je vais aller boire un café à la ferme, et puis on verra bien...

mercredi 8 avril 2009

Et qu'est-ce qu'elle fait pendant ce temps-là ?

Envie de reprendre un peu la plume ici. Juste un peu — et on verra bien.


Pas pris part à tout ce qui se passe autour de mon travail. Souvent je reste sans voix à lire des nouvelles de partout, des témoignages, des analyses. Parfois je pense que j'aurais dû, que je devrais participer. À ma manière, je le fais tout de même. En réalité, dans le quotidien, avec les gens que je côtoie, ceux qui vivent autour de moi, ceux dont je croise le chemin.


Celui qui pense que répéter sans cesse la même absurdité la rend réelle ; je prends le temps, tout doucement, avec tendresse, avec empathie, en attendant ses questions, en suivant ses regards, de lui expliquer pourquoi j'ai un avis différent du sien. Je n'impose pas ce que je pense, je le raconte, à la demande. Celui qui, au bout du pastis de trop, s'égare dans une blague raciste ; je ne ris pas, je constate que tous autour de la table nous nous regardons en silence sans savoir quoi dire, tous nous sommes choqués, et je goûte cet espace sans parole où chacun réfléchit à ce qui vient de se passer, à comment réagir, à comment non pas rendre violemment la pareille mais la rendre par le ridicule, par le malaise. Celui qui se croit plus bas que d'autres sur une échelle imaginaire de valeurs parce qu'il n'a pas de diplômes, parce qu'il n'est pas intellectuel, pas cultivé ; je mets en avant ses connaissances, ses qualités, et nous échangeons chacun dans ce qu'il fait, nous apprenons à nous connaître et petit à petit, il s'enhardit à être fier de ce qu'il sait, de ce qu'il fait, à vouloir raconter ce qu'il aime sans peur d'être jugé trop ci pas assez ça. Celle qui s'est ensauvagée parce qu'elle a vraisemblablement trop souffert des autres (et d'elle-même par construction) dans son passé ; je lui apprends à simplement accepter la bonté sans méfiance, à dire ce qui la rend heureuse et pas uniquement ce qui la déçoit, à briser un petit bout de ce mur qu'elle a construit autour d'elle pour se protéger d'autres qui ne sont plus là, à jouir de petits bonheurs sans prétention. Celui, tout petit, qui apprend les additions et les soustractions ; je lui fais de l'arithmétique sous forme de dessins, pour lui apprendre à "voir" les chiffres puis les nombres, et je constate avec le plus grand bonheur que ça marche : il commence à chercher une logique, un ordre, quelque chose qui lui parle, qu'il comprend et sait reproduire. Celui qui est agriculteur et m'avoue qu'il voudrait passer au bio, qui sait que c'est important, mais qui ne sait pas comment s'y prendre ; je lui cherche des informations, je lui pose des questions pour comprendre ce qui le freine, je l'encourage ; je lui explique aussi ce qu'est le bio et ce qu'est l'agriculture conventionnelle d'aujourd'hui, en tout cas je lui dis ce que j'en sais moi en tant que "consommatrice", et lui m'explique ce qu'il sait lui en tant qu'agriculteur, et l'on constate avec ébahissement la distance qui nous sépare, et l'on trace un pont entre nous deux, petit à petit, pierre par pierre, avec un grand plaisir, avec le sourire, avec plein de volonté et une très grosse dose d'humour. On s'encourage l'un l'autre, on avance, on progresse, on s'enrichit.


Voilà ce que j'ai fait ces derniers temps. Ça et d'autres choses, mais ça aussi et surtout. J'aurais voulu garder du temps pour continuer à lire les blogs qui alimentaient mon quotidien jusque là, mais je n'ai pas eu le temps. Quelques années, quelques mois auparavant je disais que je voulais me relocaliser, être plus présente à mon milieu, à mon pays, aux gens autour de moi : j'y suis enfin solidement ancrée. J'y travaille chaque jour. J'y prends un plaisir immense. C'est parfois fatiguant, je m'arrache les cheveux sur certains points, je ris beaucoup d'autres choses, et on se taquine tous, j'apprends à connaître ces gens d'ici et eux apprennent à me connaître, moi qui suis un peu de là-bas pour eux, de là-bas dans les sphères de l'intellect, moi qui n'ai pas d'accent ou si peu, moi qui travaille dans un bureau, moi qui fais des recherches dans un domaine dont ils n'avaient même pas connaissance de l'existence, moi qui les étonne à passer beaucoup de temps avec eux en journée et qui travaille tout de même sans arrêt, moi qui fais 200km aller-retour pour aller sur mon lieu de travail et qui leur explique que je suis favorisée parce qu'avant j'étais à 700km de mon bureau et qu'après peut-être je serai encore plus loin. Eux qui sont bourrus, sauvages, peureux, hommes de la terre et femmes de ménage (et qu'est-ce que je peux les bousculer là-dessus sans même m'en rendre compte !), parfois hors-la-loi, n'affectant aucune valeur à leurs idées, à leurs propos parce qu'on leur a tellement appris à se faire tous petits, mais eux qui sont tellement joyeux, touchants, bons, infiniment bons et gentils et honnêtes, et valeureux, et braves, et drôles, et curieux.


Hier l'un d'eux m'a dit au café du matin à la ferme :
"Ça va te faire du bien d'aller travailler aujourd'hui, tu vas voir tes collègues, vous pourrez parler de recherche, de choses compliquées.
- Ben, pourquoi tu dis ça ?
- Parce qu'ici tu peux pas parler de toutes ces choses, ça doit te manquer, nous on est des ignares, on sait rien de tout ça...
- Peut-être, oui, mais vous êtes tellement plus vivants."

J'apprends tellement de choses à leur contact. J'apprends la terre et les animaux, j'apprends ce qu'il reste du provençal de leurs ancêtres, j'apprends les traditions, j'apprends l'histoire (et les histoires) du présent-ici, j'apprends leurs différentes passions, j'apprends leurs difficultés, j'apprends tout ce monde que je n'avais fait qu'effleurer jusque là et où je ne savais pas entrer malgré ma volonté. Et avant toute chose, et en grandeur nature, j'apprends l'infinie bonté de l'humanité, sa grandeur et sa beauté.


Alors non, je n'ai pas fait grève. Je n'ai pas manifesté. Je n'ai pas été en AG. J'ai fait autre chose pendant ce temps, des choses que j'ai pensé être capable de faire, ce que je peux là où je suis. Il y a tant de façons de tâcher de construire un monde plus beau, et j'en ai essayé un nouveau. Ne pas lutter contre la destruction, mais faire en sorte que finalement celle-ci n'ait rien détruit de réel puisque d'autres choses se sont construites à côté pendant ce temps, de plus haut et de plus fort. Je l'espère.

mardi 20 janvier 2009

Fin

Bon sang ça fait un long moment que je n'ai pas écrit ici !


Je ne suis pas habituée à prendre des bonnes résolutions au début de l'année, alors ça n'a été qu'une pure coïncidence si j'ai décidé, le 31 au soir, d'arrêter ce blog.


Je l'aime beaucoup ce blog, et pendant les semaines qui ont suivi j'ai eu envie d'écrire. D'écrire pour dire que j'arrêtais, et pour dire ce que ça me faisait d'arrêter au fur et à mesure du temps qui passe... bref, j'ai eu envie de continuer ce blog pour en raconter la fin !


Et puis le temps passe, et à chaque fois que je pense écrire un billet ici je me demande ce qui me motive à le faire. C'est très simple : c'est avant toute autre chose le fait d'écrire qui me plaît. La seule chose qui m'empêchait de le faire, c'était de manquer d'une idée dont parler, et c'est pourquoi dans ce blog, je prenais n'importe quelle idée qui me venait de ma vie de tous les jours pour en faire des billets.


J'en profitais aussi pour exprimer ici des choses que j'aurais eu envie d'exprimer par ailleurs, à propos de moi. Le fait de les exprimer ici m'a appris que je pouvais le faire sans crainte ; mais ne m'a pas appris à le faire par ailleurs.


Alors voilà, j'arrête l'aventure PCPL.


À toutes les personnes que j'ai eu l'occasion de rencontrer, même virtuellement, de cette façon, j'adresse un immense, un gigantesque merci. Tout le reste ne serait que littérature...


Voilà. Le dernier mot sera : au revoir !