mardi 30 septembre 2008

Oublier tout savoir

C'est le thème-phare d'un magasine que j'ai acheté l'autre jour et que je ne connaissais pas : Planète cheval au naturel.



Il y a des chevaux à la ferme. Et l'on n'a de cesse de me proposer de m'en occuper, quand j'irai mieux. Alors je reprends un peu de service dans cette passion qui m'a tenue si longtemps et dont j'avais peu parlé ici parce que je ne pratiquais plus. Donc en tombant sur ce magasine, j'ai bien eu envie de voir ce qu'ils racontaient dedans, question de me remettre... le pied à l'étrier.


Et j'y ai lu un article (résumé ici : Avec application... on achève bien les chevaux !) qui a remis des tas de choses en question dans ma tête. Je pensais qu'un certain nombre de mes connaissances équestres étaient sures, relevaient de la connaissance naturelle des chevaux et n'étaient pas à remettre en question, bien que je ne les avais pas vérifiées par moi-même mais je croyais que si tout le monde se basait sur cela, c'était que ça devait être vrai.


Des choses comme le fait que quand on pince (voire, quand on brosse) un cheval le long de la colonne vertébrale entre l'emplacement de la selle et le début de la croupe, il réagit en creusant le dos parce que ça le chatouille. L'auteur explique (avec des éléments qui semblent tomber sous le sens, quand on y réfléchit 5 minutes) qu'il n'en est rien, et que si le cheval s'abaisse comme cela c'est parce qu'il a mal. Et pourquoi a-t-il mal d'après lui ? Parce qu'il porte des fers, qui modifient complètement ses aplombs et son équilibre, et qui lui font forcer sur son dos, qui souffre (surtout quand on vient le lui rappeler en le pinçant).


Des choses, aussi, comme le simple fait qu'un cheval a une espérance de vie d'environ 25 ans. J'ai toujours entendu dire à peu près ça, +/- 5 ans grosso modo. (Au passage, c'est nettement moins qu'un âne qui vit une bonne soixantaine d'années si mes souvenirs sont bons.) Alors les chevaux "de loisir" sont mis au travail à partir d'environ 18 mois (plus ou moins progressivement, ça dépend des méthodes et des gens) et partent à la retraite à une vingtaine d'années, suivant leur état général (souvent piètre sur la fin du "service"). Là, l'auteur de l'article explique que lui, éleveur de chevaux "au naturel" n'a pas tenu compte des on-dit en la matière ; il pose qu'un cheval a fini sa croissance à 7 ans, alors il les met au travail à 10 ans (alors que ça commence à représenter un "âge avancé" dans les centres équestres), les met en retraite à 30 ans, où ils vivent tranquillement jusqu'à... une quarantaine d'années !


Autant dire que je n'en revenais pas, à la lecture de cet article. Tant de choses paraissant évidentes qui s'effondraient d'un coup. Remarquez, j'aime bien les connaissances a priori qui s'écroulent : ça laisse place à l'observation et la réflexion. Mais là ! Quand je pense qu'à peine quelques heures avant d'acheter ce magasine j'étais encore en train d'expliquer à une voisine que c'était normal que son cheval ne soit plus trop vaillant parce qu'il a 20 ans et que dans les clubs c'est l'âge de la retraite...


Alors, alors on va tout reprendre depuis le début. Ici à la ferme, tous sont très ouverts. Alors on va pouvoir faire des essais. Et puis les chevaux sont placés dans des conditions qui ne se prêtent pas trop mal à tendre vers des conditions naturelles, donc ça ne nécessiterait pas de trop grands chamboulements, on pourrait y aller petit à petit en modifiant certains détails par ci par là.


La première étape, et tellement essentielle, consiste à observer les chevaux, les observer sans a priori, dans leurs relations entre eux, dans leurs habitudes, et refonder notre relation avec eux en prenant leur mode de vie naturel en compte, et non pas que le nôtre. Je peux commencer à le faire doucement, ça. Et puis ça me fait tellement plaisir de retrouver le contact des chevaux.


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J'ai oublié quelques liens qui peuvent être utiles :


  • Equi-libre, l'association de Pierre Enoff, l'auteur de l'article en question. Il s'agit d'un centre d'hébergement et de randonnées équestres situé dans les Pyrénées. Il y organise aussi des stages pour apprendre à laisser les chevaux vivre pieds nus (i.e., sans fers).

  • Apparemment il a un site alternatif au premier, ici. Les thématiques restent les mêmes, randonnées, chevaux pieds nus, etc.

  • Un article (en anglais - il y a bien une traduction en français mais elle est faite automatiquement et c'est pas vraiment le top) sur pourquoi ne pas ferrer : apparemment la police de Houston s'y est mise.

  • Et puis en plus local j'ai même trouvé ce blog, sous-titré : "Blog pour le cheval au naturel sans mors et sans fers, médecines douces : Var et Alpes maritimes et par extension région PACA"

lundi 29 septembre 2008

Les jours qui passent

Reprendre vie. C'est assez soudain. Se re-saisir. Une dure dure nuit passée pleine de cauchemars et de peurs après deux jours de calme. De calme qui m'inquiétait, qui menaçait de cacher quelque chose en dormance. Je ne suis certainement pas au bout de mes surprises, dans mes ressentis présents et futurs. Observer ça et apprendre, m'apprendre à nouveau, toute nouvelle que je suis à présent, mère - même sans fils - et toujours vivante.


Mon mari m'aide. Les gens autour, voisins amis famille m'aident. L'acuponcture m'aide. Les douleurs qui subsistent ne m'aident pas. Moi qui ai attendu neuf mois je pensais que l'attente était finie et me voilà à nouveau au pied du mur, comptant les jours qui me séparent de mon rétablissement, comptant les jours qui me séparent du retour de mon apparence d'avant. Je les compte avec hâte et appréhension : j'ai tellement peur que tout disparaisse, toute marque de lui, et parmi elles mon ventre et même ce sang qui restent pour l'instant des preuves qu'il a été là, qu'il a existé, que tout cela n'a pas été qu'un rêve merveilleux brusquement transformé en cauchemar. Mais c'est aussi tellement lourd d'être constamment rappelée à l'ordre par les besoins physiques, par l'obligation de faire attention, de toujours penser à ne pas forcer, à ne pas ci ne pas ça.


Je ne sais plus quoi dire, je suis comme tarie : ça fait cinq paragraphes que je commence et que j'efface, à propos de choses différentes, que je ne veux pas dire, ou ne sais pas dire peut-être. Pour lesquelles les mots ne viennent pas ou ne veulent pas rester.


J'arrive à faire des projets à long terme, à imaginer des choses que je referai, un jour prochain quand j'aurai repris la forme et puis même plus tard, je parviens à avoir des envies ; mais à présent je n'arrive à presque rien, je m'en rends bien compte. Ils sont beaucoup à me dire que je suis forte, parce qu'ils le croient, parce qu'ils le voient, mais quand je me trouve face à moi-même je ne sais pas si je suis aussi forte qu'ils le prétendent. On m'a toujours dit ça. Parfois je voudrais qu'on ne me voie pas forte. Ou alors, je ne sais pas. Oui bien sûr j'arrive à me changer les idées, j'arrive à rire et même à faire le ménage mais - et je ne réalise ce que ça signifie qu'en laissant les mots affluer - il me manque quelque chose. Il me manque la présence de mon fils évidemment, sauf qu'elle est tellement vague cette présence, tellement inconnue de moi, tellement désirée et si brusquement retirée que je ne sais pas ce qui me manque finalement. Peut-être que je la cherche, peut-être que c'est ça ce deuil si étrange d'une personne qui n'a jamais ouvert les yeux sur le monde qu'au travers des membranes maternelles : peut-être que ça me demande infiniment de force de deviner cette présence inconnue ce qui me manque. Peut-être que je m'en veux de ne pas le savoir. Que je suis terrifiée à l'idée d'oublier mon enfant parce que je connais pas la couleur de ses yeux.


Je connais malgré tout la douceur de sa peau. La finesse de ses traits. La sensation de son poids sur mon corps. Je ne veux pas oublier ça et j'ai tellement peur de le perdre parce que c'est tout ce que j'ai de lui, cet instant de tendresse posthume. Tous les objets souvenirs et les images ou même les mots n'ont rien à voir : je ne veux pas perdre cette sensation et pourtant je sais bien qu'elle finira par s'effacer comme toutes les autres. Elle n'est pas comme toutes les autres, je ne veux pas qu'elle disparaisse. Et je piétine. Je parcours le chemin à l'envers pour ne pas oublier qu'un matin de septembre, j'ai tenu mon fils dans mes bras.


La route sera longue comme ça, je le sais. Mais elle est trop importante pour ne pas consacrer le temps nécessaire à chaque étape.

jeudi 25 septembre 2008

Il est parti

Il est parti, hier, sous les regards silencieux. Toutes les larmes versées nous ont aidés à lui dire adieu, dans notre tête, dans notre corps. Un tout petit cercueil très simple, quelques roses déposées par ceux qui l'ont aimé avant même de pouvoir le connaître, son bracelet de naissance et puis quelques vêtements que l'on avait choisis pour lui l'ont accompagné.


Avant la cérémonie d'adieu, il y a eu la mise en bière. Instant très difficile que les retrouvailles avec ce petit corps inspecté sous toutes les coutures par des équipes médicales pendant une dizaine de jours depuis sa naissance. Mais passé l'effroi des premières secondes, quel soulagement de le retrouver un peu, même comme ça. On a réalisé que l'on attendait cela depuis toutes ces longues journées. C'était bon de le revoir, bon de le suivre sur la route, qu'il soit enfin là près de nous même pour quelques instants seulement.


Qu'est-ce qu'il était beau. Le nez de son père et les mains démesurées de sa mère. Il était beau comme le plus beau des cadeaux que l'on ait pu se faire l'un à l'autre. Il était beau comme le souffle de vie qui l'avait animé pendant tous ces mois dans mon ventre. Il était aussi beau qu'il était désiré.


Hier il a plu. Il a plu surtout sur le chemin vers le funérarium. Quand on est sortis de la cérémonie, le soleil a pointé un rayon vers nous.


Il fait beau, aujourd'hui.

lundi 22 septembre 2008

Merci

Pour tous les mots reçus ici, par email, par courrier, par téléphone ou de visu ; pour les pensées et le soutien, pour tout l'amour, la compassion, la compagnie, pour l'empathie ; pour l'aide et la présence offertes, pour les nouvelles prises, pour chaque geste vers nous.


Il n'y a certes pas de mots magiques pour enrayer la douleur, mais tout cela nous sauve du chaos qui règne en nos coeurs.

vendredi 19 septembre 2008

A toi

On avait imaginé plein de choses. On t'avait rêvé berger, batteur de jazz, sportif ou bien savant, beau et fier assurément, et puis tant d'autres choses inattendues. On t'attendait avec impatience maintenant, fébriles à l'idée d'enfin te tenir dans nos bras, de toucher ta peau, de nous perdre dans ton regard, de te caresser, te chatouiller, te porter, te regarder, te sentir, on attendait que tu entres dans notre vie de toute ta présence.


C'est par ton absence que tu y entres. On n'avait pas pensé cela possible. Notre rencontre a été éphémère, marquée par la douleur de l'adieu à te faire, déjà, avant même de pouvoir faire ta connaissance.


Tu es malgré tout entré dans notre famille, et tu resteras toujours notre fils aimé, attendu, désiré. Tu nous manques - et ton absence fera désormais partie de notre histoire. Avec le temps la blessure deviendra moins déchirante et cédera la place à tout l'amour que l'on a pour toi. Je t'ai porté dans mes entrailles, ton père dans ses espérances et l'on te portera toujours dans nos coeurs.


A Villequier

Maintenant que Paris, ses pavés et ses marbres,
Et sa brume et ses toits sont bien loin de mes yeux ;
Maintenant que je suis sous les branches des arbres,
Et que je puis songer à la beauté des cieux ;

Maintenant que du deuil qui m'a fait l'âme obscure
Je sors, pâle et vainqueur,
Et que je sens la paix de la grande nature
Qui m'entre dans le cœur ;

Maintenant que je puis, assis au bord des ondes,
Emu par ce superbe et tranquille horizon,
Examiner en moi les vérités profondes
Et regarder les fleurs qui sont dans le gazon ;

Maintenant, ô mon Dieu ! que j'ai ce calme sombre
De pouvoir désormais
Voir de mes yeux la pierre où je sais que dans l'ombre
Elle dort pour jamais ;

Maintenant qu'attendri par ces divins spectacles,
Plaines, forêts, rochers, vallons, fleuve argenté,
Voyant ma petitesse et voyant vos miracles,
Je reprends ma raison devant l'immensité ;

Je viens à vous, Seigneur, père auquel il faut croire ;
Je vous porte, apaisé,
Les morceaux de ce cœur tout plein de votre gloire
Que vous avez brisé ;

Je viens à vous, Seigneur ! confessant que vous êtes
Bon, clément, indulgent et doux, ô Dieu vivant !
Je conviens que vous seul savez ce que vous faites,
Et que l'homme n'est rien qu'un jonc qui tremble au vent ;

Je dis que le tombeau qui sur les morts se ferme
Ouvre le firmament ;
Et que ce qu'ici-bas nous prenons pour le terme
Est le commencement ;

Je conviens à genoux que vous seul, père auguste,
Possédez l'infini, le réel, l'absolu ;
Je conviens qu'il est bon, je conviens qu'il est juste
Que mon cœur ait saigné, puisque Dieu l'a voulu !

Je ne résiste plus à tout ce qui m'arrive
Par votre volonté.
L'âme de deuils en deuils, l'homme de rive en rive,
Roule à l'éternité.

Nous ne voyons jamais qu'un seul côté des choses ;
L'autre plonge en la nuit d'un mystère effrayant.
L'homme subit le joug sans connaître les causes.
Tout ce qu'il voit est court, inutile et fuyant.

Vous faites revenir toujours la solitude
Autour de tous ses pas.
Vous n'avez pas voulu qu'il eût la certitude
Ni la joie ici-bas !

Dès qu'il possède un bien, le sort le lui retire.
Rien ne lui fut donné, dans ses rapides jours,
Pour qu'il s'en puisse faire une demeure, et dire :
C'est ici ma maison, mon champ et mes amours !

Il doit voir peu de temps tout ce que ses yeux voient ;
Il vieillit sans soutiens.
Puisque ces choses sont, c'est qu'il faut qu'elles soient ;
J'en conviens, j'en conviens !

Le monde est sombre, ô Dieu ! l'immuable harmonie
Se compose des pleurs aussi bien que des chants ;
L'homme n'est qu'un atome en cette ombre infinie,
Nuit où montent les bons, où tombent les méchants.

Je sais que vous avez bien autre chose à faire
Que de nous plaindre tous,
Et qu'un enfant qui meurt, désespoir de sa mère,
Ne vous fait rien, à vous !

Je sais que le fruit tombe au vent qui le secoue,
Que l'oiseau perd sa plume et la fleur son parfum ;
Que la création est une grande roue
Qui ne peut se mouvoir sans écraser quelqu'un ;

Les mois, les jours, les flots des mers, les yeux qui pleurent,
Passent sous le ciel bleu ;
Il faut que l'herbe pousse et que les enfants meurent ;
Je le sais, ô mon Dieu !

Dans vos cieux, au-delà de la sphère des nues,
Au fond de cet azur immobile et dormant,
Peut-être faites-vous des choses inconnues
Où la douleur de l'homme entre comme élément.

Peut-être est-il utile à vos desseins sans nombre
Que des êtres charmants
S'en aillent, emportés par le tourbillon sombre
Des noirs événements.

Nos destins ténébreux vont sous des lois immenses
Que rien ne déconcerte et que rien n'attendrit.
Vous ne pouvez avoir de subites clémences
Qui dérangent le monde, ô Dieu, tranquille esprit !

Je vous supplie, ô Dieu ! de regarder mon âme,
Et de considérer
Qu'humble comme un enfant et doux comme une femme,
Je viens vous adorer !

Considérez encor que j'avais, dès l'aurore,
Travaillé, combattu, pensé, marché, lutté,
Expliquant la nature à l'homme qui l'ignore,
Eclairant toute chose avec votre clarté ;

Que j'avais, affrontant la haine et la colère,
Fait ma tâche ici-bas,
Que je ne pouvais pas m'attendre à ce salaire,
Que je ne pouvais pas

Prévoir que, vous aussi, sur ma tête qui ploie
Vous appesantiriez votre bras triomphant,
Et que, vous qui voyiez comme j'ai peu de joie,
Vous me reprendriez si vite mon enfant !

Qu'une âme ainsi frappée à se plaindre est sujette,
Que j'ai pu blasphémer,
Et vous jeter mes cris comme un enfant qui jette
Une pierre à la mer !

Considérez qu'on doute, ô mon Dieu ! quand on souffre,
Que l'œil qui pleure trop finit par s'aveugler,
Qu'un être que son deuil plonge au plus noir du gouffre,
Quand il ne vous voit plus, ne peut vous contempler,

Et qu'il ne se peut pas que l'homme, lorsqu'il sombre
Dans les afflictions,
Ait présente à l'esprit la sérénité sombre
Des constellations !

Aujourd'hui, moi qui fus faible comme une mère,
Je me courbe à vos pieds devant vos cieux ouverts.
Je me sens éclairé dans ma douleur amère
Par un meilleur regard jeté sur l'univers.

Seigneur, je reconnais que l'homme est en délire
S'il ose murmurer ;
Je cesse d'accuser, je cesse de maudire,
Mais laissez-moi pleurer !

Hélas ! laissez les pleurs couler de ma paupière,
Puisque vous avez fait les hommes pour cela !
Laissez-moi me pencher sur cette froide pierre
Et dire à mon enfant : Sens-tu que je suis là ?

Laissez-moi lui parler, incliné sur ses restes,
Le soir, quand tout se tait,
Comme si, dans sa nuit rouvrant ses yeux célestes,
Cet ange m'écoutait !

Hélas ! vers le passé tournant un œil d'envie,
Sans que rien ici-bas puisse m'en consoler,
Je regarde toujours ce moment de ma vie
Où je l'ai vue ouvrir son aile et s'envoler !

Je verrai cet instant jusqu'à ce que je meure,
L'instant, pleurs superflus !
Où je criai : L'enfant que j'avais tout à l'heure,
Quoi donc ! je ne l'ai plus !

Ne vous irritez pas que je sois de la sorte,
Ô mon Dieu ! cette plaie a si longtemps saigné !
L'angoisse dans mon âme est toujours la plus forte,
Et mon cœur est soumis, mais n'est pas résigné.

Ne vous irritez pas ! fronts que le deuil réclame,
Mortels sujets aux pleurs,
Il nous est malaisé de retirer notre âme
De ces grandes douleurs.

Voyez-vous, nos enfants nous sont bien nécessaires,
Seigneur ; quand on a vu dans sa vie, un matin,
Au milieu des ennuis, des peines, des misères,
Et de l'ombre que fait sur nous notre destin,

Apparaître un enfant, tête chère et sacrée,
Petit être joyeux,
Si beau, qu'on a cru voir s'ouvrir à son entrée
Une porte des cieux ;

Quand on a vu, seize ans, de cet autre soi-même
Croître la grâce aimable et la douce raison,
Lorsqu'on a reconnu que cet enfant qu'on aime
Fait le jour dans notre âme et dans notre maison,

Que c'est la seule joie ici-bas qui persiste
De tout ce qu'on rêva,
Considérez que c'est une chose bien triste
De le voir qui s'en va !

-- Victor Hugo, Les contemplations. Villequier, 4 septembre 1847.

lundi 8 septembre 2008

L'attente

J'ai lu, j'ai parlé, écouté, demandé, j'ai observé. J'ai ressenti, appris de moi et de lui. J'en ai compris que ça sera une expérience inattendue, dont on peut espérer bien des choses mais dont on ne peut en fait que tout ignorer avant qu'elle n'arrive. Que ça peut se passer de toutes les manières imaginables - et même au-delà de l'imagination, parfois. Souvent. Toujours ?


Un certain nombre de femmes en parlent comme d'"un mauvais moment à passer" mais je ne le vois pas comme ça. Pourquoi mauvais ? Pourquoi une grossesse réputée merveilleuse mènerait à un moment si détestable ? C'est un moment essentiel à passer, où tant de choses vont se passer, justement. Un moment à vivre pleinement parce que ça sera là, dans ce temps, que se passera la transition entre ma vie de jusqu'ici et celle d'après, et tout cela vaut bien que j'y consacre de l'énergie, de la concentration, de la volonté et tout le reste. Et tout ce que je pourrai y mettre, puisqu'à cet instant ma vie sera en train de changer. La sienne aussi d'ailleurs, et sans doute qu'il en fera autant de son côté. Ça sera notre moment à tous les deux, rien qu'à tous les deux, intégralement concentrés sur nous-même et sur l'autre, sur ce travail essentiel, vital que l'on va accomplir ensemble.


Je découvre, je comprends peu à peu pourquoi est-ce que depuis toujours je veux qu'il en soit ainsi. Pourquoi c'est si important pour moi, dans mon chemin personnel. Et bien que je ne sois pas toujours heureuse de toutes les étapes de ma vie, je suis par contre heureuse de ce que ça a engendré chez moi : cette volonté de faire de mon accouchement un événement grandiose, savoureux, de vie et de communication de la vie. Evidemment que j'ai le trac devant cet inconnu toujours relaté comme au-delà de l'imagination, mais je suis contente de savoir que je vais le vivre, bientôt, que je vais le partager avec ce petit bout d'homme qui grandit encore en moi pour quelques semaines, quelques jours ou quelques heures encore.


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Beaucoup de mal à revenir m'exprimer en ce lieu, sans doute parce que beaucoup de choses ont déjà changé et que j'avais besoin d'autres choses, avant. Et puis une envie, ce matin. Pour la suite on verra ; je ne manque absolument pas de choses à dire, de tous ordres ; c'est où, quand et comment les dire qui ne me reviendra pas forcément. On verra bien. Et je dois répondre à tous vos commentaires depuis un bon mois...