lundi 30 avril 2007

Chaque conversation est une experience magnetique

Un texte que je lis ce matin, paru dans la Revue des ressources, qui date de 1911, de la main de Ralph Waldo Emerson. Il s'agit de l'introduction de son livre Société et solitude, disponible intégralement (en version scannée) sur Gallica.


Il avait des capacités réelles, un naturel aimable et sans vices, mais il avait un défaut - il ne pouvait se mettre au diapason des autres. Son vouloir avait une sorte de paralysie, si bien que quand il se trouvait avec les gens sur un pied ordinaire, il causait pauvrement et à côté du sujet, comme une jeune fille évaporée. La conscience de son infériorité la rendait pire. Il enviait aux conducteurs de bestiaux et aux bùcherons de la taverne leur parler viril. Il soupirait après le don terrible de la familiarité de Mirabeau, convaincu que celui dont la sympathie sait descendre au plus bas est l’homme de qui les rois ont le plus à craindre. Quant à lui, il déclarait ne pouvoir réussir à être assez seul pour écrire une lettre à un ami. Il quitta la ville, alla s’enterrer aux champs. La rivière solitaire n’avait pas assez de solitude ; le soleil et la lune le gênaient. Quand il acheta une maison, la première chose qu’il fit fut de planter des arbres. Il ne pouvait se cacher suffisamment. Mettez ici une haie, plantez là des chênes - des arbres derrière les arbres, et par-dessus tout, des feuillages toujours verts, car ils maintiennent le mystère autour de vous toute l’année. Le plus agréable compliment que vous pussiez lui faire, c’était de donner à entendre que vous ne l’aviez pas remarqué dans la maison ou la rue où vous l’aviez rencontré. Lire la suite...

Troublante façon de dire l'opposition, le conflit entre la solitude et la compagnie, entre l'infini du désert des possibles et l'énergie vitale du lien social. Immensité élémentaire et insoutenable contre proximité essentielle et paralysante. Et soi non pas au milieu, pas entre les deux mais en savant mélange d'un peu de chaque, en un être alimenté tout à la fois de l'un et l'autre.


Chaque conversation est une expérience magnétique, c'est bien ça.


dimanche 29 avril 2007

Democratie etc.

"Tous les cinq ans, pour l’élection présidentielle,
nous voici sommés de penser là où l’on nous dit de penser."

Michel Benassayag


Pensons donc un peu dans les clous, à cette occasion.


Il y a de cela quelques jours, Raffa a publié un billet à propos des programmes des deux candidats en lice pour le second tour des élections présidentielles françaises. Elle y expose très clairement les principaux points concernant précisément l'écologie, et j'en conseille la lecture, claire comme de l'eau de roche pour ce qui est de cette question, aussi claire que les chiffres du budget de la recherche en France suivant l'orientation politique du pouvoir.


Ce billet, inhabituel chez Raffa, a bien entendu été l'objet d'une très longue liste de commentaires. J'y avais mis le mien, et puis je suis retournée lire la suite ce soir. Et il y aurait tellement de choses à dire, tellement que je chosis d'en faire un billet complet plutôt qu'un commentaire.



Isègoria. A commencer par le fait que si Raffa parle de cela c'est qu'elle fait usage de l'un des trois grands principes de la démocratie athénienne qui, comme le rappelait Jean Véronis il y a quelques mois, était constituée de l'isonomia (égalité devant la loi), de l'isokrateïa (égalité des pouvoirs) et de l'isègoria (égalité de la parole). Jean d'ailleurs se souvenait de cela suite à une discussion avec Etienne Chouard, sans doute le tretsois le plus connu outre-Arc depuis le débat sur le TCE : Etienne lui rappelait que l'égalité de parole, que l'on retrouve dans les pratiques actuelles d'internet (type blogs notamment), c'est le premier pouvoir de la démocratie qui reprend du service. Je reprends la citation d'Etienne :


Je trouve que les blogs sont une réactivation de quelque chose qui était essentiel sous la démocratie athénienne, l’isègoria, le droit de parole pour tous à tout moment. Les Athéniens le considéraient comme le plus important de tous les droits dans la démocratie. Le fait que toutes les opinions dissidentes aient voix au chapitre protégeait la démocratie contre les erreurs, contre les dérives. Avec l’élection, on a renoncé au droit de parole pour chacun. Et Internet est un outil pour les humains qui ont toujours cette pulsion, ce besoin de s’exprimer, de protester, de résister. C’est l’isègoria qui revient sur le devant de la scène malgré les hommes politiques et je trouve ça très fort.

Suite à quelques critiques envers le fait que Raffa "outrepasserait" quelque chose (mais quoi donc ??, l'histoire ne le dit pas) en abordant le sujet politique sur son blog, voici donc ce que j'en pense : elle l'a fait, elle a eu bien raison de le faire, et nulle personne respecteuse de la démocratie ne saurait lui reprocher d'avoir exposé librement son avis. (Qui plus est, quand cet avis est étayé de liens vers les origines de ses dires.)


C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je prends la parole ici (et non une fois de plus sur le blog de Raffa) pour exposer mon avis : d'une part très pragmatiquement parce que ça sera long, d'autre part parce que ça me concerne, et que c'est mon droit de le faire (ainsi que de le diffuser), et que je ne veux surtout pas m'en priver, internet est un excellent outil pour ça.


Après cette antique mise en jambes, passons à un sujet politique plus d'actualité, maintenant.



Bonnet blanc. Tout d'abord, effectivement comme le dit si bien kila (*),


Je ne fais que reprendre les termes d'un journaliste sur canal + lundi midi : "Choisir entre M Sarkozy et Mme Royal ce n'est pas la peste ou le choléra c'est la peste ou la grippe"

Il n'y a qu'à comparer leurs programmes pour s'en convaincre rapidement (cf. le programme le Ségolène Royal, et le programme de Nicolas Sarkozy). C'est l'un des points sur lesquels je veux insister ici. J'entends souvent dire qu'"ils sont tous pareils / tous pourris"..., par exemple janine :


Quel avenir ! l'un n'est pas meilleur que l'autre et il n'y aura aucun changement à en attendre, en tous les cas, pas dans les 5 années à venir...

N'oublions pas que c'est avec des réactions comme ça que certain dictateur est arrivé au pouvoir au siècle dernier. Et c'est la raison pour laquelle dès le premier tour, j'ai voté pour Royal. Je ne veux pas ici clamer que tous ceux qui n'ont pas agi comme je l'ai fait ont tort, non pas du tout. Simplement, ce que je veux dire c'est que cette fois, contrairement à 2002, j'ai refusé de compter sur "les autres" pour faire passer le PS au second tour, puisqu'on a bien vu que ça ne marchait pas à tous les coups. Donc, quand je lis Séverine qui dit :


AU deuxième tour, je savais que j'allais voter socialiste (pour être très franche, il y avait un tel raffut, et j'étais tellement nerveuse à l'annonce des résultats, que j'ai pris conscience après coup que ma trouille était qu'il passe au premier tour ...)

J'ai envie de lui demander : et si tout le monde avait fait comme toi, comme en 2002, tu te retrouverais avec quel choix ? Ou bien Angéla qui dit :


Et si SR n'avait pas été au 2ème tour ? Et bien, j'aurai trouvé ça dommage mais je ne m'en serais pas mordu les doigts ! Peut être que le PS aurait compris que les Français veulent un parti de gauche avec un vrai programme de gauche...

Oui c'est vrai... mais à quel prix pendant 5 ans ? Dans quel état sera le pays (c'est-à-dire, ses citoyens) en 2012 ? De plus, le PS devrait déjà avoir compris ce genre de chose avec ce qui s'est passé pendant toutes les élections depuis 2002, s'ils ne l'ont pas fait ils ne vont pas commencer demain. Il ne faut certainement pas compter là-dessus. Pour le mouvement de création d'un nouveau parti de gauche, faut plutôt chercher chez le mouvement derrière la candidature de Bové, dont c'est l'objet à terme ; mais ne pas compter sur le PS pour y entrer : ce n'est pas leur but et ça ne correspond pas à leurs idées.


D'ailleurs ce n'est pas pour cela que j'ai voté Royal. Je ne suis globalement pas en accord avec les idées développées par le PS, mais ces idées sont nettement moins éloignées des miennes que le sont celles de l'UMP (à ce test j'ai Royal 39% contre Sarkozy... 0% - et pour info Bayrou 3%, c'est dire la distance entre lui et Royal).



Vote "utile". Je tiens ici à préciser que le "vote utile" dont on a pu entendre parler dans les médias, je ne l'ai pas pris comme étant un vote pour éviter de faire passer Le Pen, je ne croyais pas un seul instant au fait qu'il puisse passer une seconde fois ; donc, quand Raffa dit :


A tout ceux qui ont voté utiles (notament mirza) je voulais tout de même redire que je comprends très bien les motivations. Des proches à moi que je respecte plus que tout ont voté utile. Je suis juste trop idéaliste sans doute pour vous suivre sur ce chemin. Je ne veux pas affaiblir ceux qui vont dans la bonne direction, je veux leur dire qu'ils ont raison et qu'il faut continuer.
Sans vote utile, le pire qui pouvait arriver, c'est Sarkosy président (il aurait gagné contre Le Pen c'est évident)... et c'est peut-être ce qui va arriver. Donc le vote utile ne l'a pas été tant que ça, à part de permettre à Royal d'accéder au second tour et de déforcer les petits partis aux bonnes idées, mais c'est mon analyse.

Ou bien plus loin :


S'il n'y avait pas eu la peur de voir Le Pen (qui n'était pas un danger je le redis car il ne serait jamais passé au deuxième tout) au deuxième tout, ces gens auraient voté selon leur conviction. C'est le deuxième tour qui est un vote de raison. Le premier tour devrait être un vote de convictions.

De mon côté ce qui me faisait peur c'était de me retrouver avec un second tour Sarkozy-Bayrou. Bayrou, c'est aussi la droite, il ne faut pas l'oublier ; si même le PS est de plus en plus proche de la droite, ça signifie que ce qui est entre cette gauche-là et l'UMP est clairement à droite. Il n'y a qu'à lire son programme pour s'en rendre compte, ou bien jeter un oeil au Copernic Flash d'avril 2007 sur l'"effet Bayrou" (**), par exemple. Pour le dire schématiquement, si le programe de Sarkozy est beaucoup plus à droite que celui de Chirac, alors si Bayrou avait été président on se serait retrouvés avec la même chose que ces 12 dernières années... et personnellement j'ai un grand besoin d'un minimum d'alternance à la tête du pays, surtout après ce que l'on vient de subir: réforme des retaites, loi DADVSI, réforme de la recherche et de l'enseignement supérieur, loi sur l'égalité des chances, réformes successives de la sécurité sociale et de la prise en charge des chômeurs,... et j'en passe, et j'en oublie plein.



Royal. Sur les reproches que l'on peut faire à Royal, son côté "maîtresse d'école" que l'on considère comme négatif (alors que personnellement, ça ne me dérange pas un poil, mais bon faut dire que les médias ont tellement insisté sur ce genre de point qu'il est normal que ça devienne un "argument" de base contre la dame - faut dire aussi que je ne connais pas beaucoup de maîtresses d'école qui ressemblent objectivement à ça...), je conseille la lecture de ce texte de Gabriel Cohn-Bendit. Rappelez-vous aussi le fantastique discours qu'elle avait fait lors des élections régionales : contrairement à ce qu'on voudrait nous faire croire, elle est très forte en tant que policienne. Un autre exemple, celui du débat de 1993 entre les deux protagonistes.


Et puis comme Dutti l'explique si bien :


J'ai voté Ségo pourtant je me sens Voynet dans l'approche immédiate et plus encore Bové pour notre futur proche. (...)
C'est sur le thème de la 6ème République (son équipe a déjà dressé toutes les grandes lignes et les détails aussi), qu'il faut ouvrir le débat. Avec la 6èmeRépublique ce sera le retour de la proportionnelle dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale.
Ce détail a son importance car demain, toutes les tendances pourrons avoir des représentants à l'Assemblée (bon, y'aura aussi les extrèmes de Dt ou de Gh, mais c'est aussi çà la démocratie). Ce seront bien des Voynet et des Bové que nous aurons élu démocratiquement, sans avoir le « vote utile » comme épée de Damocles, qui nous représenterons pour faire changer les choses.

Ou bien comme le dit Moquechoux :


Pour le second tour, ce sera très simple pour moi : qui maintiendra les allocs familiales, les allocations chomages, qui créera des collectivités petite enfance, personnes âgées, qui maintiendra (à minima certes) le service public... Mon côté social est aussi mordant que mon côté écolo... ;-) et puis j'en ai marre que les lobbyings (orthographe hasardeuse) aient la main mise sur le "vivant" ...


Sarkozy. Bien. Maintenant, l'autre. Mel dit :


Vous me trouverez peut-être naïve, mais je trouve qu'on va trop loin en comparant Sarkozy à une despote, voire à un nazi comme je le lis souvent. Quand on en est là dans la critique, c'est qu'on manque d'argument. Il ya des lois en France, une Constitution, qui nous garantissent des libertés fondamentales. Il y a aussi un peuple qui sait descendre dans la rue quand ses gouvernants vont trop loin (cf la mobilisation contre le CPE).

Je trouve ça bien optimiste. Il ne faut pas oublier que le président de la république est aussi le chef des armées, et que ce cher Sarkozy voulait déjà envoyer les forces dites "de l'ordre" dans les facs et dans les lycées pendant le conflit de la loi sur l'égalité des chances, alors que c'est interdit (...c'est encore interdit à l'heure actuelle, alors qu'il a essayé de changer la loi à ce moment-là, justement). Ce que ça aurait déclenché ? Pas loin d'une guerre civile, il n'y avait qu'à voir dans quel état étaient les jeunes (et les moins jeunes) à ce moment-là. Et il n'était pas (encore) président, alors imaginez ce que ça donnera quand il aura ce pouvoir-là, imaginez deux secondes. Imaginez qu'il fasse ce genre de chose alors qu'une autre partie de la population est favorable au mouvement de grève ; imaginez que cette autre partie de la population se trouve également dans une situation précaire ; imaginez qu'elle estime d'un coup que c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Imaginez juste deux secondes, pour voir.


Même la Ligue des Droits de l'Homme a diffusé un communiqué pour appeler à voter pour Royal, contre Sarkozy, dont voici le texte :


Le 6 mai, barrons la route à l’autoritarisme, votons pour défendre les droits et les libertés

Contre-pouvoir et association civique luttant contre l'arbitraire, l'injustice et l'intolérance, la Ligue des droits de l’Homme n’intervient dans le débat électoral que si le bon fonctionnement de la démocratie, l'effectivité de la citoyenneté et le respect des principes de liberté, d'égalité et de fraternité sont en jeu.

Nous venons de vivre cinq années de régression des libertés, de l’égalité et de la fraternité. Tous les pouvoirs ont été accaparés par un seul courant politique. L’autoritarisme, le recours aux moyens d’exception ont accompagné le renforcement du contrôle social, le choix du tout répressif, le recul des droits des justiciables, les attaques contre l’indépendance des juges. L’insécurité sociale a été renforcée pour les plus faibles, la protection sociale fragilisée, la précarité du travail encouragée. Les « marginaux », les « différents », les jeunes des quartiers défavorisés, ont été traités en boucs émissaires, les étrangers traqués jusque dans les écoles maternelles, les familles les plus démunies sanctionnées pour leur pauvreté.

Si Nicolas Sarkozy se voyait confier la plus haute charge de l’Etat, nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas : loi durcissant encore la répression pénale, nouvelle loi anti-étrangers, contrat de travail « unique » se substituant au CDI, sans parler du ministère de l’« identitaire » et de l’immigration… Il est de notre devoir d’alerter les citoyennes et les citoyens de ce pays : la poursuite et l’amplification de la politique menée depuis cinq ans ne serait pas un «rêve» mais un cauchemar. Nous ne voulons pas d’une démocratie muselée qui, parce qu’elle laisserait sur le bord de la route des millions de personnes, attiserait le communautarisme, le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie et ouvrirait la voie aux révoltes sociales.

Nous voulons une autre France : fière de sa diversité, soucieuse que chacun puisse réaliser ses aspirations, porteuse des libertés et rénovant sa démocratie. La France n’est jamais aussi grande que lorsqu’elle met ses actes en accord avec son ambition séculaire de voir tous les droits valoir pour tous. Pendant qu’il en est temps, la LDH appelle les électeurs à choisir la solidarité et non la peur, le respect et non les menaces, l’égalité et non les discriminations.

La Ligue des droits de l’Homme appelle à voter et à faire voter, le 6 mai 2007, pour Ségolène Royal.

Ça en dit long sur ce qui nous attend.



Démocratie. Enfin, sur la démocratie. Raffa dit, entre autres :


Je dis que la démocratie est bafouée non parcequ'on peut ou pas élire directement qqn (et non un parti) mais parceque nos convictions ne peuvent pas s'exprimer.

Et je ne suis pas tout à fait d'accord avec ça. Je ne suis pas d'accord, parce que ceci n'est pas le but d'une présidentielle. On n'est pas dans une proportionnelle dans ce cas, simplement parce que c'est impossible : si on pouvait découper un certain pourcentage d'untel, une autre proportion d'untel autre, etc., pour constituer un président ah hoc... ou alors si les deux candidats du second tour étaient désignés en fonction de leurs affinités avec l'ensemble des programmes des candidats du premier et non pas de leur propre score, alors oui pourquoi pas, mais là il s'agit d'élire une personne et non pas une partie d'un groupe, et selon une méthode bien particulière : il faut donc faire avec les opinions du reste de la population, au risque de se retrouver avec la situation de 2002 (et je répète que ce que j'entends par là ce n'est pas le FN au second tour, c'est l'absence de gauche et donc aucune alternative possible). On est 60 millions, dont selon toute vraisemblance le tiers est pro-Sarkozy, pour diverses raisons (j'en ai vraiment entendu de toutes sortes, et ce que j'en ai surtout retenu c'est qu'en clair il n'y a aucune raison objective de voter pour lui à moins de penser qu'il joue remarquablement bien la comédie - ce qui est apparemment complètement vrai).



Hulot. Brume dit :


Quand je vois ceux qui soutiennent les idées écologistes j'en vois aucun qui est représentatif de ce que j'attends. Seul Nicolas Hulo voulait faire changer les choses mais choses qu'il a bien fait il ne s'est pas présenté (pas un homme politique donc il a bien fait).

Personnellement, Hulot m'a toujours bien fait rigoler comme écologiste. Mais là, l'entendre annoncer qu'il ne prendra pas parti pour l'un des deux candidats alors que l'on sait clairement qu'il y a une différence considérable dans la place donnée à son "pacte écologique" dans les deux programmes concurrents, et que l'on sait clairement aussi qu'il est proche de Chirac... c'est le ponpon.


Le monde ne s'écroulera pas d'un jour à l'autre si Sarkozy passe, tout comme il ne s'est pas écroulé quand la France a voté non au TCE, certes. Mais le pays risque de changer vraiment très, très fort dans les 5 années à venir s'il passe, et je n'ai aucune envie de voir ce que ça peut donner. Alors je fais ce que je peux pour éviter ça, et puis pour ce qui est de voter selon mes convictions, je verrai ça aux législatives.


Et puis tout ça n'exclut pas les actes politiques du quotidien : penser en-dehors des clous, aussi, tous les jours.



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(*) Les citations dont je ne cite que les auteurs et non la source proviennent des commentaires postés sur le billet de Raffa.


(**) La Fondation Copernic est apparemment en train de refaire son site web et les documents n'ont pas encore été remis en ligne... je rajouterai le lien vers ce flash précisément dès lors qu'il sera mis en ligne.


vendredi 27 avril 2007

Des chiffres (et des lettres)

Je n'avais pas encore pris le temps d'aller voir les résulats du premier tour des élections présidentielles ville par ville.


Dans la ville où j'habite, malgré l'affichage massif pour Ségolène Royal, le SPAM régulier dans les boîtes aux lettres, malgré même la lettre du maire himself quelques jours avant la date fatidique, Royal arrive à peine en tête. Le bloc "gauche de la gauche" (Besancenot + Buffet + Bové + Voynet, allez, ajoutons Laguiller) culmine à 10,67% (soit plus que le score de Le Pen).



Dans la ville où j'ai voté - oui je sais c'est très mal, je n'ai pas mis à jour ma commune de rattachement quand j'ai déménagé, mais faut dire que je n'avais pas exactement que ça à faire, et puis l'essentiel c'était de pouvoir voter, où que ce puisse être - c'est un petit village du Var. Sarkozy arrive au-dessus de la moyenne nationale (comme dans tout le département), Royal plafonne à 18 et quelques % à quelques centièmes de Bayrou. Ici, la "gauche de la gauche" est à 10,08%, soit mêm pas le score de Le Pen.



Mais il y a pire, tenez-vous bien : à Saint-Raphaël, Sarkozy passe dès le premier tour. La gauche de la gauche cumulée atteint à peine 5,32%.



Là, j'ai honte d'être provençale. On dirait qu'on a oublié notre histoire en même temps que l'on a oublié notre langue.


Au placard

Il y a plusieurs bagages que j'ai envie de poser depuis quelques jours. Valises remplies à craquer, qui explosent le soir au coucher quand les idées naviguent vers des cieux plus clairs... ou plus chargés. Je m'asseois dessus de tout le poids de ma raison, ma détermination, et je les referme tant bien que mal mais la fermeture a lâché à force.


Les mots coulent plus librement le soir, et là on est le matin. Ils viennent mieux les yeux fermés. Leur chemin est plus large quand le reste du monde est éteint. L'aube de la raison c'est aussi le crépuscule des divagations, alors j'oublie, je ferme mes yeux intérieurs sur ces choses. Mais voilà que j'ai une envie d'effort, j'entr'ouvre le grand placard de mes ombres intimes et voilà l'échafaudage instable et insensé des valises qui me tombe sur le coin de la gueule.


Désencombrer !


Sentiment furtif que je désquame. Mais, n'y étant pas habituée, je m'en défends. Je m'accroche à mon ancienne peau, veux l'empêcher de se détacher, et refuse de voir la nouvelle. Sentiment d'être aussi vive que cette peau morte.


Envie de comprendre. Quoi ? C'est ce que j'ignore. Peut-être, sans doute une fichue habitude de chercheuse, envie de voir émerger des régularités là où il n'y en a pas nécessairement, nécessairement pas. Envie de comprendre pourquoi ce que j'aime chez les gens que j'aime, c'est moi. Envie de comprendre pourquoi la seule personne pour qui ce n'est pas le cas, c'est l'homme que j'aime. Envie de comprendre pourquoi je ne m'aime pas quand c'est moi.


Besoin de parler, non : de dire. Mais ce n'est pas ça qui changera les choses. Pas avec les mots dont je dispose.


Reprendre les rênes, ce n'est pas ça. A cheval on a vite fait d'apprendre que les rênes, le seul effet qu'elles peuvent avoir c'est celui de leur propre poids. Ce n'est pas ça qui compte, c'est tout le reste du corps. Les rênes, il ne faut pas se crisper dessus : surtout pas. Faire avec tout son corps, son assiette, ses jambes. Le moindre mouvement du regard a un impact sur la direction et l'équilibre. Lâcher un peu les rênes et laisser aller dans le sens du corps, laisser la moindre plume imprimer son influence sur toute la masse.


Où sont mes rênes ?


Elles sont l'arbre qui cache la forêt. A tous les coups. Je n'en doute pas. Il faut bien commencer par un bout, pourtant. Mais il doit être sacrément haut cet arbre pour cacher toute ma forêt, même avec le jeu de perspective quand je suis à son pied. Un truc simple, alors. Quoi ? Dès que je m'attaque à un côté je finis par lâcher, immanquablement, toujours, je chute. Comme une laisse qui d'un coup sec me rappelle au pied du mur. Quelques pistes s'ouvrent à mes idées mais que je ne peux suivre, parce qu'elles demandent de relâcher des contraintes impossibles à surmonter actuellement ; le contexte compte aussi, on ne peut pas en faire abstraction. Bien pratique ? Sans doute.


Je sais ce que je voudrais faire en tout premier, mais j'ai bien peur que ceci ne puisse être que l'ultime dénouement. Il y aurait bien quelques moyens de contourner les obstacles mais c'est tellement trivial que je n'arrive pas à m'y résoudre. Pourtant "résoudre", ça serait bien. Mais j'ai déjà tellement honte ! Marre de porter tous ces poids, infiniment marre, désespérément marre, pathétiquement marre.


Il y a vraiment trop de choses dans ce placard.


Je prends tout ça à pleines mains, je jette en vrac dans le placard ces choses en équilibre instable et je pousse la porte, je force un peu, ça ferme tant bien que mal. La prochaine fois ça sera pareil. Inspiration silencieuse - soupir bruyant. Je ne sais ni ne ce que vais faire, ni ce que je devrais faire.


J'en serai libre, un jour.


Matinall blogroll

L'avantage avec le web c'est que l'on peut se trouver de nouveaux voisins tout le temps, sans même déménager (et ça, autant dire que ça me change...). La proximité s'étend dans toutes sortes de dimensions possibles à la fois ; alors on peut facilement s'y perdre et ne plus savoir où donner de la tête, ou alors en profiter pour faire une balade de fil en fil, de lien en lien, de blogroll en blogroll. Découvertes (et redécouvertes) de balade électronique matinale.



Macrocosmic macrophotographie porte bien son nom : il s'agit d'un blog de photos macroscopiques. Mais des macros de quoi me direz-vous ? Je vous le donne en mille : de plantes. Ah ben ça alors, venant de moi, quelle surprise.



Racines est le blog d'Anne du Périgord. Elle fait des photos, pas macros cette fois, et devinez quoi : même pas spécialement des photos de plantes. Et pourtant c'est simplement beau.



Je t'ai, l'encre ! n'est pas un blog de photo, mais un blog d'écriture (un écriblog ?). Rythmes de vie, éclats de coeur, publications qui viennent tout droit de l'intérieur.



Encore tout autre chose : Randophotos. Des photos donc, mais pas que de rando. Et de bien belles.



J'en profite pour ajouter un petit mot sur Tamansari2, le Glog (garden blog project) de donna, qui raconte son jardin... et les conférences de Pierre Lieutaghi ! ;-)



Et le dernier mais non le moindre : Le sens de l'humus, qu'en fait je connais depuis un moment (depuis que Fabinoo officie sur OPLF). Je viens juste de penser, enfin, à l'ajouter à ma liste. Du jardinage autonome et tout ce qui tourne autour. C'est un blog à plusieurs mains, et Koldo écrit dedans.


Ces blogs sont maintenant ajoutés à mon "super-flux" RSS "Par là-bas" en colonne de gauche.


jeudi 26 avril 2007

Bord de chemin a Bandol


Mardi, fin de journée. Petite balade au bord d'un chemin au-dessus de Bandol. Surprise des variétés de plantes que je trouve ici, tout est très différent de chez moi, et pourtant si proche.


Pour commencer, la première fleur qui a attiré mon regard : un pavot cornu (glaucium flavum), nettement plus gros que les habituels coquelicots, et avec des feuilles bleues.




Les plantains lancéolés (plantago lanceolata) sont très en avance sur chez moi : ils sont déjà largement fleuris ici.



Un trèfle étoilé (trifolium stellatum) avec ses calices des plus originaux après la floraison.



Une valériane (centranthe rouge, centranthus ruber), qui commence à se répandre un peu partout sur les bords de chemins depuis une dizaine de jours.



Un Muscari à toupet (muscari comosum).




Une nigelle de Damas (nigella damascena), assez probablement ensauvagée depuis un jardin alentour.



Oignon ou scabieuse ?



Une campanule raiponce (campanula rapunculus), ou alors peut-être une étalée (campanula patula).



Tout plein de pieds de fumeterre qui n'est pas officinale comme dans mon jardin mais grimpante (fumaria capreolata) : les fleurs sont plus grosses et leur couleur très différente des officinalis.




Ça c'est un genre de gesse que je n'avais jamais vu.


EDIT du 30 avril 2008 (si, si!) : Berni.Scarosi, de mon forum orchidophile préféré, m'a enfin trouvé l'identification de la bestiole : il s'agit de la gesse ocre, Lathyrus ochrus, comme on peut en voir aussi (et puis j'ai trouvé cette page, toujours à son propos).



Une aphyllante de Montpellier (aphyllanthes monspeliensis), ainsi nommée parce qu'elle ne porte pas ("a-" privatif) de feuilles ("-phyllante"). Elles commencent à fleurir en même temps que les muscaris à toupet, i.e. après la floraison des muscaris négligés (en tout cas, à ce que j'ai constaté).



De la bourrache officinale (borago officinalis).



Du chèvrefeuille entrelacé (lonicera implexa) en boutons.



Et pour finir, les indispensables coquelicots (papaver argemone) de la saison.



Et tout ça rien que sur un bord de chemin !


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PS : Le site de la ville de Bandol a une page consacrée à sa flore, mais elle est un poil tristoune... je crois que je vais leur proposer d'ajouter quelques spécimens, tiens ;-)


PS, 2 : Un très grand merci à Jean-Pierre pour son aide à l'identification.


mardi 24 avril 2007

De l’interet ou du danger d’une candidature

Je ne fais ici que transférer textuellement un billet paru le 13 avril sur le site de Cuverville, magasine toulonnais que j'affectionnais déjà à l'époque où Internet n'était pas encore au goût du jour...



Quatre mois après sa proclamation en février 1848, la deuxième République française écrase en juin les révoltes ouvrières. La nouvelle constitution est adoptée le 4 novembre, l’élection présidentielle suit en décembre. George Sand, républicaine, féministe (et familière des Seynois), s’exprime pendant la campagne.

« Dans le cas où la République n’eût point été proclamée en France, et où il nous eût été imposé par les événements de choisir entre plusieurs prétendants, M. Louis-Napoléon Bonaparte eût pu être le mieux intentionné, le moins dangereux, parmi tous ceux qui se seraient présentés. Mais, sous la République, M. Louis Bonaparte, ennemi par système et par conviction de la forme républicaine, n’a point le droit de se porter à la candidature de la présidence. Qu’il ait la franchise de s’avouer prétendant [au trône], et la France verra si elle veut rétablir la monarchie au profit de la famille Bonaparte. Mais qu’il ne se serve pas d’une institution républicaine pour travailler au renversement de la République » (décembre 1848).

Le 10 décembre, Louis-Napoléon Bonaparte est élu pour quatre ans avec 74% des suffrages exprimés. Trois ans plus tard, après un coup-d’état, il rétablit l’empire. (source)

Pour la petite histoire, Cuverville c'est le doux sobriquet que les toulonnais ont donné à la statue du génie de la navigation qui trône à l'entrée du port de Toulon, que l'on a appelée ainsi parce que le personnage est debout, à poil, et pointe la mer du doigt : conséquence toute naturelle de cette posture, le génie a le cul vers la ville. Et puis en 1995, au début de la sombre (mais heureusement brève) époque où Toulon a élu un maire FN, Jean-Marie Lechevallier qu'il s'appelait, l'un des premiers trucs que le gus a voulu faire pour marquer la ville de sa nouvelle griffe c'était de retourner la statue, lui faisant pointer son doigt vers la ville, et son cul vers la mer. C'est alors que les opposants au maire, qui s'opposaient également à cette idée de retourner Cuverville, ont lancé un petit journal qui s'est appelé... je vous laisse deviner comment.


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PS : Au passage, un autre bien bon billet de Cuverville, sur tout autre chose...



Le tour du jardin, 7

Tout petit tour du jardin, parce que j'ai oublié de le faire dimanche, et que je n'ai pas des masses de photos, mais que tout évolue si vite !


Tout d'abord, une coronille glauque (ou coronille des garrigues, coronilla glauca, décrite entre autres fabacées ici), qui agite ses paquets de fleurs sous le vent.



La glycine pousse sur la terrasse. Quand on a emménagé elle était déjà là, mais comme les anciens locataires n'avaient selon toute vraisemblance pas compris qu'un jardin ça s'arrose, elle était comme morte au mois de juin dernier. Mon mari a même hésité à la jeter directement, et je lui ai dit que non, qu'on allait essayer quand-même de la faire reprendre. Alors on l'a soigneusement taillée en coupant tout ce qui était vraiment mort, et puis on l'a arrosée, paillée... et voilà le travail, 10 mois plus tard. (En fait, la photo date d'il y a 4 ou 5 jours, et elle a déjà doublé depuis.)



A la mi-février, vu le temps qu'il faisait, on avait déjà fait nos premiers semis. Mais grave erreur, pour faire notre mélange de terre, mon mari avait été en chercher en contre-bas, dans les vignes ! Vous savez, les vignes qui sont traitées à grands coups de désherbant... sauf que ça, on ne le savait pas encore à ce moment-là. Résultat : au bout d'un mois et demi, à la fin mars, rien n'avait poussé dans les pots. Mais quand je dis rien, je veux dire même pas la moindre herbe indésirable, rien du tout ! C'était vraiment très étrange et on a mis du temps avant de faire le lien avec la terre qu'on avait mis dedans ; d'autant plus étrange que nos graines provenaient de sources très différentes : quelques paquets, des graines que l'on avait gardées de récoltes antérieures, quelques dons de France et de Navarre (enfin non, pas de Navarre : du Labourd plutôt, si je ne m'abouse, hein Koldo ?), etc.


Pourtant, depuis quelques jours maintenant, il y a enfin quelques potirons qui pointent leur nez. Ce sont bien les seuls à avoir tenté une pousse : tous les autres pots sont restés absolument (et désespérément) vides. Mais eux ont peut-être évité le pire (ils ont eu moins de terre que les autres dans leur pot ?), ou sont plus résistants, allez savoir. La fait est que cette année, on aura à nouveau des potirons. Si ce n'est que comme on n'avait pas étiqueté les graines avant de les stocker, on ne sait pas desquels il s'agit ! Ça sera la surprise.



Autour de la maison, les fameuses vignes de nos chers voisins cultivateurs commencent à repousser sérieusement.



Et sur la terrasse, la vigne vierge aussi se met à pousser, en même temps. Sauf qu'elle, elle fait des petites pousses nettement plus rougeâtres, paraît-il pour ne pas se les faire dévorer par les insectes.



Bonne ou mauvaise technique ? Je l'ignore. Néanmoins, lesdits insectes dévoreurs de feuilles ne sont pas loin...



lundi 23 avril 2007

Irrigation / Irritation

Quelques réactions à l'excellent billet de Mema sur l'arrosage des vignes, pour lequel je la remercie infiniment parce qu'elle a largement répondu à ma curiosité :-) et que ça me fait très plaisir d'apprendre plein de choses à ce propos. Ben oui, ici aussi on a beaucoup de vigne et n'étant pas née dedans, je suis avide d'informations !


Marrant les coïncidences, juste pendant que j'écris ça, l'émission "Service Public" sur Inter fait un sujet sur l'eau...


Contrairement aux idées reçus, un raisin qui aura trop soufert de la secheresse ne faira pas un bon vin. Pareil pour un raisin gorgé d'eau. Tout est affaire de juste mesure.

C'est ce que l'on se disait lors de l'été 2003, qui battait des records de chaleur et de sécheresse comme on peut s'en souvenir facilement, et pour lequel on entendait dire que ça allait faire du bon vin : pfff. D'ailleurs il est pas terrible le millésime 2003.


En pratique, l'irrigation de la vigne consiste à apporter une seule dose d'eau, 30 à 50 mm en général, pour compenser l'orage qui n'arrive jamais. L'irrigation n'est pas systématique. Sur un périmètre de 1000 hectares, il s'irrigue 100 hectares une année, et 5 l'année qui suit. Tout dépend de la pluviométrie.

Ça, c'est complètement différent de chez nous. Ici, les vignerons arrosent tous les jours en été, et pour certains 24 heures sur 24. Le comble : ceux-là arrosent même pendant qu'il est en train de pleuvoir !! Je parle ici de ceux qui utilisent des asperseurs : ceux qui utilisent un goutte-à-goutte, on ne voit pas de loin pas quand ils arrosent.


L'irrigation est culturelle dans cette région. Elle se pratique depuis que l'homme est là. Savez vous que la Camargue est ce qu'elle est, car l'homme a créer des réseaux de canaux pour irriguer les foins de la plaine de la Crau? Et le pont du Gard? Je vous parle là d'exemples que vous connaissez tous, mais si vous saviez les richesses patrimoniales et écologiques qui se cachent derrière l'irrigation...

Oui c'est vrai, c'est évident. Ensuite, il y a des abus partout. Notamment, je serais curieuse de passer à Correns pour voir comment eux, qui ont exactement le même climat qu'ici, procèdent pour arroser les vignes. Ici, la coop a reçu, un jour, un encouragement à l'arrosage, alors depuis ils arrosent, ils ne se demandent pas pourquoi. La raison pour laquelle ils le font n'a rien à voir avec le qualité du raisin, mais c'est simplement parce qu'on leur a dit de le faire. Peu importe que le village soit la risée de la vallée en matière de vin : c'est de loin le plus mauvais. Peu importe qu'ils balancent des tonnes de desherbant dans leurs vignes, qui se retrouve ensuite dans l'aïgo vivo qui traverse le village. Peu importe qu'ils labourent tous les mois. Peu importe qu'ils vendangent à la machine, en ramassant tout et surtout n'importe quoi (des feuilles, des branches, des raisins moisis) et laissent la moitié des bons fruits sécher sur les pieds. Peu importe qu'ils fassent du vrai mauvais vin : c'est ce pour quoi ils sont payés. Alors ils le font. Je passe sur quelques retours que j'ai eu de tactiques d'abus et de moindre travail qui sont discutées à la coop.


L'irrigation en soi, c'est évidemment nécessaire dans des régions comme les nôtres, surtout avec les changements climatiques que l'on subit depuis quelques années. Mais quand je vois ce qu'on avait pu mettre en place au siècle dernier, par rapport à ce qu'on fait aujourd'hui, ça me laisse pantoise : comment est-ce qu'on peut laisser des vignerons arroser pendant qu'il pleut alors que 100 mètres plus loin son voisin lambda n'a plus le droit d'arroser son petit potager parce qu'il y a pénurie en eau ?


J'ajoute une expérience : il y a quelques années on a habité dans un coin qui avant le XVe siècle était un marécage, et qui a été asséché par les Templiers quand ils s'y sont installés (le plateau du Cengle, j'en ai déjà parlé dans des balades). Là haut, aujourd'hui chaque goutte d'eau compte : les quelques habitants du plateau doivent faire avec les nappes phréatiques qu'il reste, sachant que même le Canal de Provence ne monte pas là-haut parce que ça coûterait trop cher en installation pour si peu de monde. Alors on fait attention non seulement à ce qu'on consomme comme eau, mais également à ce qu'on jette sur le sol pour ne pas risquer de polluer notre boisson non plus (c'était de très loin la meilleure eau que j'aie bue, et ce sans système de potabilisation). Les agriculteurs faisaient du blé, parce que ça ne s'arrose pas ; ils sont en train de passer aux oliviers en partie, pour varier tout en restant dans le champ des possibles. Nous, pour arroser notre potager en pleine canicule, on descendait du plateau tous les jours remplir des bidons de 20L aux robinets du Canal de Provence et on remontait ça pour arroser nos tomates et nos potirons (et accessoirement aussi les rainettes qui s'étaient installées dans le potager parce que c'était le dernier coin arrosé).


Bref, j'aime bien l'idée selon laquelle chacun adapte sa production aux possibilités du milieu dans lequel il s'installe. Installer des systèmes d'irrigation douce (comme les biefs du Pilat qui sont un exemple fantastique), qui ne traumatisent pas l'environnement, je suis parfaitement pour. Mais vider le sol de ses réserves, et piller le capital en eau pour arroser tous les jours, qu'importe qu'il soit déjà en train de pleuvoir ou bien qu'ils perdent 50% de l'eau aspergée sous le soleil, simplement parce que ça correspond à une directive échelonnée nationalement, ça donne des situations surréalistes et tout à fait dangereuses.


Ici la population est déjà restreinte en eau, à la mi-avril. On fera quoi dans 10 ans ?


Ça parle tout seul

Dans le dernier numéro de Nature, un article sur la politique de la recherche en France : "Is French science in decline... or have its falling been greatly exaggerated?" Et dans cet article, voici le graphique que l'on peut voir :



Voilà une illustration d'une limpidité extrême : sous Miterrand quelques 20% d'augmentation, sous Chirac 7% de baisse. Sous chaque gouvernement de gauche le budget augmentait, sous chaque gouvernement de droite il baissait. Et au final aujourd'hui, on se retrouve avec sensiblement le même niveau de financement qu'en 1984 (il y a 23 ans...).


Je serais curieuse de voir si les données sont les mêmes pour les autres services publics, pour la santé, pour l'aide aux chômeurs, etc. Mais évidemment, ce genre de graphique ne court pas les rues en France (on s'demande bien pourquoi, hein).


dimanche 22 avril 2007

Le sentier des pecheurs

Vendredi c'était journée détente totale et changement d'air : direction les gorges du Verdon. On n'y avait déjà été en été, en automne, en hiver, mais jamais au printemps et on supposait d'avance à quel point ça devait être splendide.


On part sans trop d'idée de l'endroit précis où l'on va aller, mais pas trop loin de la Palud, puisqu'on a dans l'idée de rendre visite à notre copain qui s'occupe du camping des gorges, sur la route du village.


Et puis nous vient une idée : on est en semaine, ce n'est pas encore la saison touristique, alors on va tenter un chemin bien connu que jusqu'à présent on n'avait pas fait parce qu'immédiatement découragés par le nombre de voitures que l'on voyait garées au parking : le sentier des pêcheurs. C'est bien d'aller se balader dans la nature, mais si on peut éviter les autoroutes... Arrivés au parking, on réalise qu'on a fort bien choisi : en cette saison on peut compter les voitures sur les doigts d'une main. Allons-y, donc. Départ de la colle de l'Olivier, juste avant la ferme de Mayreste.


Nous prenons le sentier des pêcheurs, partant vers les ravins du Brusc à l'est (parce que c'est le côté qui est le plus à pic alors on se dit que ça sera plus facile à descendre au début, qu'à remonter au retour...). On n'a pas pris des masses d'eau parce qu'on n'est pas très malins, mais ça ira, il est prévu 2h30 de marche, et même si on n'est plus entraînés du tout on ne devrait pas être plus lents que ça. Allez, on se lance.



Le sentier chemine entre deux pics rocheux en descendant, puis remontant, puis redescendant vers le Verdon, un peu avant qu'il se jette dans le lac de Sainte Croix (le Verdon, pas le sentier...).



Ici les arbres sont en fleurs : des chênes blancs (quercus pubescens),




et des érables champêtres (acer campestre) principalement, (dont certains, en bordure de la rivière, atteignent les 7-8 mètres de haut)



et puis quelques érables de Montpellier (acer monspessulanum), mais en moins grand nombre. La proportion entre campestre et monspessulanum varie beaucoup d'un coin à un autre : de l'autre côté de la ferme de Mayreste, ce sont ces derniers qui sont largement majoritaires.



D'autres arbres portent aussi des fleurs, qui correspondent plus à l'idée qu'on se fait de ce à quoi doit ressembler une fleur. Mais là, je ne les ai pas reconnus ! Un premier,



et un second, qui ressemble fortement à un fruitier ça c'est sûr, mais pas moyen de l'identifier clairement. Je trouve que ça ressemble quand-même beaucoup à un cerisier.



Les petites plantes sont aussi en fleurs. Plusieurs sortes d'euphorbes (mais je n'en ai pris qu'une),



Une sorte de véronique, peut-être une teucrium ?



Ça ressemble à un réséda, mais lequel ?



Un ibéris des rochers (Iberis saxatilis si je ne me trompe pas, mais il existe plusieurs ibéris dans le coin et je ne suis pas sûre, je pencherais pour celui-là parce que les tiges sont bien courtes) aux fleurs d'un blanc immaculé.



Un vélar de Provence (ou vélar du Roussillon, erysimum ruscinonense -- un genre de giroflée, en fait), un peu en avance sur sa floraison je crois.



Et une dernière, que je n'ai pas (encore) reconnue :



De la salsepareille (smilax aspera) qui repousse par-ci par là,



et puis du thym, mais avec des fleurs blanches.



Deux types de fougères :




Le Verdon est assez haut (tant mieux, en cette saison...). Les peupliers du bord ont les pieds dans l'eau.




Il n'y a pas que nous qui avons profité de la journée pour aller faire une balade : on croise quelques pédalos et des canoës sur l'eau,



et un parapente qui décolle du bord du plein voir,



qui se partage le paysage avec les aigles.



Pendant qu'on était là, il y a vraisemblablement eu règlement de comptes entre les aigles et les vautours, d'ailleurs. Ces derniers, d'habitude, restent plus à l'est dans les gorges, vers Rougon. Mais là... on a entendu les aigles crier : brusque silence total dans la forêt. Et puis on voit apparaître une bande de vautours qui tournent, en haut. Et puis les aigles, qui eux aussi tournent autour de leur nid (on sait qu'ils nichent là-haut : on les avait vus l'an dernier en se baladant tout en haut). Et puis encore quelques cris, et les vautours s'en vont, doucement, retournent de leur côté. Le gars du camping nous avait expliqué qu'ils s'aventuraient rarement par ici parce qu'ils avaient trop peur des aigles, justement.


Un pauvre hanneton qui n'aura rien vu de cette scène :



Et puis quelques autres voisins, qui eux, pourront en témoigner : un petit lézard qui prenait le soleil,



et un lézard vert (lacerta viridis) cette fois, que je suis super contente d'avoir réussi à prendre au passage parce qu'il a fui à une de ces vitesses !



En remontant, on croise des traces dans la pierre : des pas fossilisés de monstres préhistoriques ?



Et puis la grande surprise : la casacade de Saint Maurin. On se croirait presque dans la jungle.




On remonte, on remonte, et la roche au-dessus de nos têtes est remplie de trous. Sur les bords du chemin, des restes de restanques nous indiquent que l'on se rapproche de la maison du cantonnier.




D'autres trous, dans les arbres cette fois.







Ils poussent partout ici, les arbres, et enfoncent leurs racines entre les roches :



On arrive près de la route des gorges. On se trouve dans le jardin de la maison cantonnière, surplombée par une autre cascade en amont de celle que l'on a vue précédemment (et qui domine la route).



On reprend le chemin vers le parking.



Au-dessus de la route ils ont installé des filets énormes pour minimiser autant que possible les risques d'éboulement.



Retour au parking, enfin. On n'a plus une goutte d'eau, on est exténués, mais contents. Ravis. On n'a plus qu'à aller faire un tour au village boire une grande limonade.



C'est difficile de faire une choix parmi les photos d'un tel endroit. Quelques vues du paysage, pour finir.









Une autre description de la balade sur carto.net (et la même en pdf).