mercredi 28 février 2007

Mon marché du marché

Ça fait toujours du bien d'aller faire un tour chez Jean Sur. Ça faisait quelques temps que je n'y étais pas passée, juste ce qu'il faut pour qu'un nouveau marché, 29e du nom, soit publié : chouette. Morceaux choisis et premières réactions.


Mais le monde est devenu un atelier, une cuisine. Les élites, ces intendants de la nécessité, cherchent à conjurer leur frustration en en infectant le peuple. Tout pour qu’il ne monte pas sur le pont, tout pour qu’il ne regarde pas la mer. Tous à la manœuvre culinaire, matelots, commandant, passagers, toubib, aumônier. Tous aux épluchures de la vie, à l’organisation des poubelles, à la gestion des déchets. Participation et importance. Désolé, j’ai un rendez-vous.

Ne pas sortir de la caverne, évidemment. Signer des pétitions tant que le stylo, le clavier fonctionnent. S'insurger de détails. Se passionner subitement pour une cause donnée. Ou alors, même, faire une thèse chevaliers-pêcheurs en l'an mil au lac de Paladru. Je suis toujours passée pour une énergumène, je ne compte plus les fois où l'on m'a dit que "c'est tout un programme", mon travail. En comparaison aux ceusses qui prennent un petit bout de lorgnette et s'y collent comme si ça allait fonctionner à la manière d'une fourmilière. Et pourtant ce n'est pas plus compliqué de sortir sur le pont et de regarder un bon coup, que de s'occuper qui des épluchures de patates, qui de fermer les sacs poubelle, qui de nettoyer le plan de travail. Participer c'est bien ; faire sa part tel le colibri de Pierre Rahbi c'est bien ; encore faut-il avoir la moindre image de l'ensemble dans lequel on prend part. Sortir, ouvrir les yeux, regarder, observer, croire ce que l'on voit. Ne pas se borner à ce que l'on voudrait voir.


Quoi qu'on fasse, on fait sa part.


Tragédies. Jane Birkin en Electre et les écologistes en Cassandre. Je dois être égoïste et imprévoyant, tout ce remue-nuages me laisse sceptique. Rien n’interdit, bien sûr, de prévoir les dangers, ni de les éviter. Mais le projet de sauver la planète me fait rire. Quelque chose cloche. Ou plutôt tombe trop bien. Déclarer la guerre au climat, passer l’univers à l’aspirateur ! Quel fantastique alibi, quand nous ne savons plus quoi faire de nous ! Il sort d’une pièce de Ionesco, ce couple dont le tri sélectif est devenu la passion dévorante : non content de classer les ordures en méditant sur les cas incertains, il choisit ses achats en fonction de leur conditionnement. L’univers, notre petite cuisine confort : plus déprimant que la pollution ! Et il a bonne mine, mon tri sélectif, quand deux cents tonnes de saloperies descendent donner la colique aux poissons ! Votre gentillesse arrêtera ça ? Non, et vous le savez. À tous vos arguments de moralité, les pollueurs majeurs répondront par un argument de nécessité qui, dans la logique actuelle, est parfaitement cohérent : il faut bien. C’est ce il faut bien qui est à considérer. Il porte en lui le diagnostic et la thérapie. Il donne la dimension du problème. Pas de solution partielle possible à la crise de l’Occident. Nous sommes embarqués dans cette horreur. Alors ? Reprendre les choses à zéro. Ni réforme ni révolution, ni morale ni éthique : des bobards, des placebos. Descendre plus profond. L’aventure. Laquelle ? Si je le savais… Et en attendant ? Supporter. Se persuader de l’horreur, ça peut aider à chercher des issues. Quoi d’autre ? Il ne s’agit pas de « changer les choses » mais d’aller plus profond en nous. Les fausses solutions nous le font oublier, l’affrontement de la réalité nous le rappelle. De ce mouvement peut venir une vraie confiance, même relative, même avec des angles morts. Ma toute petite grand-mère paternelle, venue des Ardennes, ne s’était jamais habituée à la circulation parisienne. Alors, avant de traverser la rue, elle se penchait ostensiblement vers la pointe de ses souliers. Nous la grondions. « Ils verront bien que je ne les vois pas », répondait-elle.

Quoi que l'on fasse, on fait sa part.


Sans doute même que se changer soi pour changer le monde n'est pas une solution. Ou plutôt, c'est une cause perdue, parce que c'est une fin, justement. Peut-être que se changer soi pour se changer soi, ou alors se rapprocher de soi pour être soi tout court serait un bon début, et par conséquent une bonne fin aussi, parce qu'immédiatement accessible, parce que là, parce que constant même si variable, même si changeant.


Etre soi pour être (soi).


(...) la société étant ce qu’elle est, souhaitez-vous à vos amis et vous souhaitez-vous à vous-même une promotion professionnelle ? Ma réponse est celle de 2005. Non. L’être se raréfie au fur et à mesure qu’on monte. Comme l’air. C’est par ce qu’il a de pauvre que l’homme de la modernité peut encore s’échapper. À condition, bien sûr, qu’il ne s’agisse pas d’une pauvreté imposée, mais acceptée, désirée. Par elle-même, si elle n’est pas vice, la pauvreté n’est pas non plus vertu.

Etre soi pour être (soi).


La simplicité volontaire (ou quel que soit le nom qu'on lui donne - ou qu'on ne lui donne pas) n'est ni un chemin d'éloignement, ni de renoncement, d'abandon, d'appauvrissement. C'est un chemin de vie, d'observation, de réflexion ; sur soi, sur son propre chemin, et sur le monde dans lequel on chemine. On sort de la cuisine et on va regarder la mer ; de là, on sait où l'on est, même si l'on n'a pas de vue générale. On peut alors vivre en pleine conscience.


On peut alors retourner dans la cuisine, soit pour y reprendre la place que l'on avait laissée, soit pour dire aux autres de sortir ; on peut même faire les deux, dans les proportions qu'on souhaite, qu'on estime soutenables. On peut rester sur le pont à regarder, plus ou moins longtemps. On peut se faire happer par le paysage, on peut sauter par-dessus bord, on peut avoir un irrépressible élan de poésie ou de ressentiment. On peut parler avec les quelques autres qui sont là, parler de ce qu'on voit, de ce qu'on en pense, de ce qu'on voudrait faire. On peut faire ce qu'on veut. Mais il faut avant tout commencer par reconnaître, accepter que l'on est partis d'une cuisine, et que cette cuisine est un artefact.


Merci

Beaucoup d'émotions ce week-end, un peu comme si on s'était longtemps retenus, retenus, et que d'un coup c'était la goutte de fête qui faisait déborder de bonheur.



Des rires, des sourires, des fous-rires. Des blagues, des langues tirées, des clins d'oeil. Le plaisir d'être là, d'être présent, de faire partie de cette grande joie qui émane d'un groupe rassemblé pour célébrer le bonheur de deux d'entre nous.



Des larmes d'émotion, avant, pendant, après. Des étincelles, des rayons de soleil dans les yeux malgré la pluie qui tombe obstinément dehors. Des retrouvailles, des rencontres rares, d'autres fréquentes, d'autres premières, et pourtant ici tout est nouveau, tout est exceptionnel.



Une salle que l'on n'a jamais connue mais qui devient un point de rencontre, l'épicentre de quelques jours où l'on se perd et se retrouve sans arrêt, où l'on ne vit pas à l'heure du quotidien mais à celle des préparatifs, de l'observation, du service, du rangement, et puis de la fête, de la liesse, où personne n'est vraiment comme d'habitude mais sans le faire exprès, jusque parce qu'on est là, dans ce nouveau lieu chargé de gens, chargé de bruits, chargé de couleurs, chargé d'euphorie.



Et puis le calme retrouvé, après, la connivence d'entre ceux qui sont là, qui restent, repartent petit à petit, s'égrennent progessivement vers la gare en laissant une part d'eux-mêmes, enlacent, embrassent, échangent adresses, numéros de téléphone et emails, prennent rendez-vous, s'invitent. On a du mal à croire que c'est en train de se finir, alors qu'on sait très bien que c'est normal et que ça fait partie du charme éphémère de l'instant.



La musique est toujours là mais c'est celle du retour au calme, des restes à partager entre amis inconnus jusqu'hier, on a perdu toute bienséance inutile, on est juste là ensemble comme si la vie s'était réorganisée toute seule autour de nous, comme si de nouveaux engrenages s'étaient créés pour disparaître aussitôt qu'on sortira de la salle une dernière fois.



Tout le rythme qui a changé d'un coup, le lieu, les gens, l'ambiance, les couleurs, les odeurs, les sons, les perceptions, les échanges, tout ça est né et a pris une cadence parfaite immédiatement, et puis s'est estompée aussi vite qu'elle était arrivée, et la vie de chacun a repris, partout en France et ailleurs, et on est tous toujours là, comme avant, mais ô combien enrichis d'un bonheur partagé pendant ces quelques jours.


Aux deux êtres qui ont su générer autour d'eux tous ces instants : Merci.


Saint Mich'

Début octobre j'étais restée à Bordeaux un samedi matin, et je m'étais promis que je ferais une photo de l'installation du marché, au lever du jour, la prochaine fois que j'y serais un samedi matin, parce que cette fois-là je n'avais pas pris mon appareil. Je savais que j'y serais samedi dernier, et j'attendais cette occasion avec impatience. Je savais précisément comment je voulais prendre la photo, je l'attendais depuis des mois maintenant.


Et puis samedi matin je n'ai pas pu prendre ma photo tant attendue. D'une part parce que vendredi soir on s'était couchés fort tard et que je savais que ça allait être encore pire ce soir-là ; du coup quand je me suis levée le jour était déjà trop levé. D'autre part parce qu'entre temps, à force de trimballer mon appareil tout le temps, j'ai abîmé une molette de réglages que je ne peux plus utiliser, et comme je savais que j'allais avoir à faire plein de photos ce week-end j'avais attendu pour le faire réparer, de peur de ne pas l'avoir récupéré à temps ; résultat, pas de jolis réglages possibles comme je le voulais. (Fichus numériques, j'ai jamais eu ce genre de pbl avec mon vieil-argentique-tout-manuel)


Mais j'ai quand-même pris une photo. Même si c'est pas du tout ce que je voulais, il y avait tout de même une couleur étrange, ce matin-là, avec l'air tout humide, la lumière blanche qui absorbe les reliefs, et les parasols des maraîchers vus du dessus, sagement rangés par couleur.



Randonnées (entre autres) dans le coin

J'avais prévu d'en parler avant de partir ce week-end mais je n'ai même pas eu le temps de faire mon billet. Voici donc deux blogs que j'ai découverts la semaine dernière :


  • Randomania d'abord, qui marche, marche tout autour de la Sainte Victoire


  • Et puis celui de Fouchepatte qui nous emmène dans le pays de mon enfance, dans la merveilleuse vallée du Gapeau et tout autour


Deux sites à parcourir, pour les photos, les émotions, les descriptions de plantes, et puis plein de choses encore, et cet amour émerveillé de la région que je partage largement.


Les petits bonheurs de la semaine

Suite du précédent...


Oui je sais c'est les petits bonheurs de la semaine dernière et on est déjà mercredi, mais j'a disparu d'internet quelques jours alors ceci explique cela. Maintenant il faut que je rattrappe mon retard de lecture aussi...



Lundi


Mon premier jour de vacances. Je me sens pleine de choses à faire, et avec une impression de "ça y est, faut y aller !"


Il y a plein d'insectes dans le jardin, le printemps revient vraiment, ça grouille, grésille et bourdonne de partout.


Je fais une jolie table pour le dîner, pour qu'on dîne dans une atmosphère sereine et confortable.



Mardi


Le matin, en ouvrant au chien je vois passer un écureil le long des chênes puis sauter dans les cyprès.



Mercredi


Je pleure... mais pour une tellement bonne cause ! Mes larmes ont le goût de la légèreté.



Jeudi


Je suis allongée sur le canapé en train de lire des extraits de la Petite ethnobotanique méditerranéenne avec le chien à mes pieds, le chat sur le bras du canapé et Kurt Rozenwinkel dans les oreilles, quand la pluie se met à tomber. Je réalise alors que la luminosité a rudement baissé alors j'allume une lampe au-dessus de moi, et puis je me réinstalle dans ce décor de calme et de tranquilité pour continuer ma lecture sur les chênes.



Vendredi, Samedi et Dimanche


Rencontre avec plein de gens, des amis de nos amis qui se marient. Des tas et des tas de sourires, de rires, d'instants magiques, comme si on était déjà de vieux amis au bout de deux jours.


jeudi 22 février 2007

[45] Balades herboristiques

Toujours dans le cadre de mes 101 choses, je fais avancer aujourd'hui une nouvelle fois le point n°45 : Remettre mes (anciennes) balades herboristiques en ligne.


En voici donc une, nouvelle ici mais qui date en réalité du 18 décembre 2005, et qui se déroule sur le milieu du flanc sud de la Sainte Victoire. C'était ma toute première du genre ; je venais à peine de faire l'acquisition de mon appareil photo numérique et j'ai foncé me faire la main à côté de la maison.


Euphorbe

Puisque beaucoup ont l'air d'apprécier mes tours de jardins et autres balades herboristiques, J'en remets une petite couche, un peu spécialisée cette fois-ci.


C'est aussi parce qu'hier ma maman m'a offert un merveilleux bouquin : la Petite ethnobotanique méditerranéenne de Pierre Lieutaghi (*) chez Actes Sud, et que j'avais bien envie de commencer de le lire, et quoi de mieux pour lire un bouquin de ce genre que de chercher si l'on trouve dedans les espèces que l'on a sous les yeux ?



Alors j'ai observé les quelques photos que j'avais prises ces derniers temps, et mon dévolu cette fois s'est jeté sur les euphorbes.




Aspects botaniques


J'ai toujours trouvé que les euphorbes avaient un aspect délicieusement préhistorique... avec leurs longues tiges et leurs feuilles longues, peu larges et épaisses, concentrées sur le haut de chaque tige, et puis leurs fleurs d'un vert tirant sur le jaune, comme si à l'époque la nature se concentrait sur une seule couleur pour chaque espèce (comme on imagine aussi, souvent, les dinosaures comme des bestioles allant du brun au gris désespérément uni, alors qu'on n'en est pas sûrs du tout finalement). En fait il n'en est rien : la couleur est bien là, mais elle est... sur la tige.


L'espèce la plus fréquente autour de chez moi c'est l'euphorbe characias (euphorbia characias, comme on pouvait s'en douter...), aussi appelée lachousclo, lanchousclo, lachuscla, chousclo, chuscla, ou juscla dans les diverses formes occitanes possibles, et faisant référence à l'étymologie de laitue, sachant que l'euphorbe et cette dernière partagent la caractéristique d'avoir un suc laiteux (latex) qui s'écoule de leur tige. En fait, il existe un nombre sacrément important de plantes du genre euphorbia dont les caractéristiques morphologiques sont très variables, mais sont pourtant (quasiment) toujours parfaitement reconnaissables (cf. p.ex. la longue liste qu'on trouve sur la wik). Mais revenons-en à notre characias : celle que j'ai photographiée dans mon jardin il y a deux jours était un tout bébé, elle était toute petite, mais elles peuvent mesurer jusqu'à 1,20 m de haut, formant des touffes de tiges avec les feuilles en haut, un peu à la manière d'un yucca. Les tiges sont beiges rougeâtres et les feuilles d'un vert assez vif, du moins par comparaison aux autres plantes que l'euphorbe cotoie : chènes kermès, cystes variés (mésuges), genêts, thyms, romarins, lavandes... vous avez bien sûr reconnu là la panoplie indispensable de la garrigue. Car notre euphorbe pousse en milieu découvert, c'est la raison pour laquelle on la trouve plus souvent dans les garrigues que dans les forêts (même si on peut l'y croiser aussi ; ça sera alors plutôt en clairière ou en lisière). Eté comme hiver elle conserve ses feuilles, qui tombent au fur et à mesure en commençant par pâlir, puis jaunir.


En France, on la trouve (en gros) sur tout le littoral méditerranéen (source) :




Usages


Le suc qui s'écoule à la coupure d'une tige d'euphorbe est très toxique (même sec). Sur la peau il peut provoquer des irritations et même parfois des brûlures, il brûle fortement les yeux, et évidemment l'intérieur l'organisme aussi des fois qu'on s'amuserait à en ingérer. Dans mon nouveau bouquin, je lis que :


Dans le Midi, les défricheurs de garrigue contractaient parfois des ulcérations graves des bras et des jambes en coupant ces plantes dont le latex gicle au moindre coup de faux -- genre d'accident qui s'observe encore, mais plutôt les week-ends.

Dans le temps, on exploitait cette caractéristique du suc des euphorbes pour traiter les verrues, ou pour "nettoyer" une carie (en Bretagne). On utilisait aussi ce suc d'autres manières tout aussi barbares, en en versant dans les trous d'eau pour tuer sa population, ou en confectionnant des pièges à petits oiseaux.


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(*) Je jette un oeil sur le site d'Actes Sud et je vois que tous les livres de Pierre Lieutaghi ont l'air aussi passionnants les uns que les autres... surtout Jardins du chêne blanc : un livre consacré à cet arbre, à son histoire et à son lien avec les hommes, ça doit être une merveille !


mardi 20 février 2007

Le tour du jardin, 2

Décidément je fais dans la série ces jours-ci. Cet après-midi j'ai fait pas mal de petites choses de jardinage, et ça a été l'occasion de faire quelques découvertes, et quelques rencontres inattendues aussi...


D'abord, ça y est : le prunier commence à fleurir (normalement c'est mars-avril, donc juste après l'amandier, qui lui est déjà complètement fleuri depuis une petite semaine). Bon, pour l'instant il n'a que 3 fleurs au total, mais j'ai vu des boutons bien formés un peu partout. Faut vraiment espérer qu'il ne refasse pas un coup de froid d'ici au printemps.



Autour du potager, le long du jardin, on trouve quelques petites fleurs des champs qui commencent à se pointer : une petite euphorbe,



une plante à toutes petites fleurs blanches,



et une autre à toutes petites fleurs roses.



J'aurais dû prendre aussi les feuilles en photo pour les identifier, mais au moment où je me relevais pour considérer la situation et cherchais un angle pour prendre une feuille, je suis tombée sur le premier visiteur de la journée (et de loin le plus sympa) : un gros criquet.



Quand je dis gros, il devait faire 8 cm de long. Il était là, accroché au bord du potager, caché derrière une planche, à me regarder prendre mes fleurs en photo. Alors j'ai doucement approché l'appareil, et c'était très drôle parce qu'il suivait les mouvements de l'objectif avec sa tête ; un instant j'ai eu peur qu'il l'attaque, comme l'avait fait une petite mante religieuse cet été... mais bon, tout gros qu'il était, il ne m'aurait pas fait grand mal, il m'aurait juste fait sursauter.



Je trouve qu'il a des yeux particulièrement étonnants. Je n'avais jamais observé de si près des yeux de criquet, je ne sais pas s'ils ont tous les yeux rayés comme ça.


Au passage, un petit truc pour distinguer les criquets des sauterelles : les premiers sont herbivores et ont de courtes antennes alors que les secondes sont carnivores et ont de longues antennes. Par contre, je n'ai pas trouvé de quel type de criquet il s'agit ; en tout cas c'est un genre qu'on croise fréquemment par ici.


Et puis ensuite, j'ai rangé mon appareil et je suis allée dégager un peu une partie du jardin qui est toute envahie de chênes kermès. Alors j'arrache, je coupe, j'arrache, je coupe, j'arrache... je coupe... et puis une fois que j'ai gagné quelques mètres carrés je mets à râtisser pour étaler un peu le mélange de terre, de feuilles et d'épines de pin qui s'était aggloméré autour des pieds que j'ai retiré. Il y en avait une sacrée épaisseur, et puis j'avais commencé à avancer dans un coin où la main de l'homme n'avait probablement pas mis le pied depuis de longues années.


Alors, comme c'est là qu'hier j'ai trouvé le cocon de sphinx je fais particulièrement attention à ce que je soulève. En effet, je vois bouger des tas de bestioles, des choses indéterminées, noires à carapace, et puis une petite bestiole à longues pattes. J'aime bien ça, mais je me méfie quand-même, on ne sait jamais sur quoi on peut tomber. Et c'est alors que je vois un bout de chose qui tente de se cacher sous un tas de feuilles. Je m'approche, je soulève doucement le tas et... aaaaargh ! Une scolopendre (*), une grosse, une très grosse, rien à voir avec les trucs tous freluquets et tous transparents qui constituent la plus mauvaise surprise des salles de bain de campagne.


J'ai foncé chercher mon appareil photo (en croisant les doigts pour qu'elle ne me suive pas pour m'attaquer par derrière ;-) et puis j'ai chopé le premier objet qui me passait sous la main question de faire un repère de taille ; bon, c'est tombé sur une pince à linge.



Mais regardez-moi ça comme ça fait peur. C'est vert foncé avec des pattes jaunes intense tout partout, tout brillant, et surtout c'est ÉNORME !!! Je veux bien faire des efforts pour faire plein de jardinage et nettoyer les coins les plus incultes d'autour de la maison, mais d'habitude je le fais au mois de février exprès pour ne pas risquer de rencontrer de telles bestioles !



J'ai passé toute la "séance photo" à lui expliquer (ou à m'expliquer à moi-même ? Faut espérer, finalement...) que je ne lui voulais pas de mal, je voulais juste faire des jolies photos de près -- mais autant dire que je ne touchais même pas mon objectif tellement j'avais peur, même si la p'tite bête mange pas la grosse comme disait ma maman quand, petite, j'étais effrayée par les araignées.


Mon mari en avait déjà vu, il avait cherché sur internet des photos pour me montrer mais son souvenir était resté assez flou, donc on n'avait rien trouvé de concluant. Là, avec ces quelques photos d'aujourd'hui je pencherais pour un scolopendra cingulata ; et quand-même, à son propos on peut lire :


Grande scolopendre (dont la morsure peut s'avérer problématique; douleur intense, fièvre et inflammation), rencontrée dans le Var, présente dans les régions méditerranéennes.

Alors je pense que j'ai bien fait de me méfier, et puis je suis penaudement rentrée m'occuper de mon intérieur, où les seules grosses bébêtes que je trouve dans mes pattes sont de gros mammifères tous poilus qui font des câlins.



(*) Oui hein, c'est pas parce que je suis troublée par les événements que j'oublie que scolopendre est un nom commun féminin, non mais.


Help entomologiste !

Divers connaisseurs d'insectes, j'ai besoin d'un coup de main. Hier en faisant du jardinage j'ai découvert quelques larves de coléoptères (que je connais bien), mais aussi une autre que je n'avais jamais vue :



Elle faisait la taille de mon pouce (entier !), donc (encore) plus grosse qu'une larve moyenne de coléoptère, et n'a pas de pattes. Elle était peu vive, cachée à fleur de terre au-dessous de notre pin noir. Vraisemblablement, elle a comme une carapace, en tout cas elle est plus épaisse que celles que j'ai l'habitude de voir (de cette taille en tout cas).


Est-ce que quelqu'un aurait une idée de qui est cette demoiselle ?



PS: En cherchant sur le web (mais sans trouver) je suis tombée sur ce site qui est propose de très, très belles photos.






EDIT : Tsss je suis trop bête : c'était pas une larve, c'était un cocon... un cocon de sphinx. Ben oui, évidemment !


Les petits bonheurs de la semaine

Je suis l'initiative de mowgli qui me plaît beaucoup, et qui a été déjà reprise par Mary, en listant (quelques-uns) des petits instants de bonheur de la semaine dernière. Tous ces petits riens éphémères qui donnent le sourire, qui font chaud au coeur, qui rendent plus léger.



Lundi


J'ai déjeuné avec mon ancien directeur de thèse, qui était tout fier de me raconter tout le bien qu'on lui avait dit de moi lors des dernières réunions où il était allé. Il était encore plus fier quand je lui ai annoncé de qui j'avais eu des lettres de recommandation pour le CNRS. Il avait les yeux plein d'étoiles, c'était drôle, et puis il m'a dit que je pouvais être fière de moi : c'est tout à fait exceptionnel de l'entendre dire ce genre de chose.


Le serveur Antarès était enfin à nouveau en fonction, et j'ai pu voir que j'étais qualifiée pour les concours du corps de maître de conférence.


J'ai pris tout plein de photos dans le train, dont certaines qui me plaisent bien.



Mardi


Il faisait super beau, j'ai bu un café au soleil avec un grand plaisir, d'autant plus grand que j'ai été dans un café où je n'avais pas encore été : la nouveauté, c'est chouette.


A la gare j'ai acheté une carte postale pour une amie qui en a demandé, et dans le train j'ai écrit un texte pour elle, pour lui envoyer avec la carte.


Le soir je suis rentrée à la maison et j'ai dormi tout contre mon chéri.



Mercredi


Il faisait froid et on est tout de même allés faire une petite balade autour de la maison. On a été voir un côté qu'on n'avait pas encore visité, il y avait des amandiers tout roses en fleurs en face de nous.


Mon chéri a annulé sa répète exprès pour nous faire un bon dîner en amoureux, on a bu un verre de vin en se chuchotant des mots d'amour.



Jeudi


Il y a eu du mistral toute la nuit, donc ajourd'hui il fait un soleil magnifique.
J'ai fait une petite soupe à la courge qui n'était pas mauvaise du tout.



Vendredi


Il a fait un temps presque estival ; happée par la vigueur des rayons de soleil, je n'ai pas résisté à l'envie d'aller faire du jardinage. J'ai rammasé tout plein de feuilles de chêne du jardin pour les ajouter au potager.



Samedi


Rien. (ben oui, ça ne marche pas tous les jours... en tout cas pas encore)



Dimanche


Il pleuvait, mais on a quand-même fait nos premiers semis. On a redécouvert plein de graines qu'on avait, et qu'on avait oubliées, ça fait plaisir.



Mes premières impressions : c'est un exercice assez difficile la première fois, parce que (un peu comme le fait remarquer mowgli) on n'a pas l'habitude de mettre en exergue ce genre de petits instants, souvent ils disparaissent aussi vite qu'ils sont apparus. Mais à mon avis ça va devenir de plus en plus facile, et en tout cas j'ai bien envie de continuer. Donc, pour cette fois ça manque un peu de poésie et de légèreté mais peut-être que je vais petit à petit apprendre à les déceler de mieux en mieux, de plus en plus naturellement.


lundi 19 février 2007

Tourte épinards-chèvre, noix... et menthe

Un épisode de la cuisine des simples comme pourrait le dire mowgli ;-)


La semaine dernière j'ai confié à mon chéri de mari que ça faisait à peu près 6 mois que j'avais envie de manger un poulet à la menthe comme il sait si bien le faire (il sait évidemment faire plein de choses mon mari, mais ça, ça fait longtemps qu'il ne m'en a pas fait). Mais évidemment, comme ce n'est pas du tout la saison de la menthe, je me faisais une raison et décidais d'attendre. Et ce WE voilà-t-y pas qu'il trouve de la menthe fraîche, pas peu fier, dans le supermarché où l'on a échoué (c'est pour faire le thé normalement). Oui mais... pas envie de poulet cette semaine : on a déjà acheté de la viande la semaine dernière alors ça va.


Pourtant maintenant qu'on l'a il faut bien l'utiliser cette menthe, et vite avant qu'elle flétrisse, et on n'a pas de thé vert. Alors j'ai cherché sur internet des recettes avec de la menthe, j'ai choisi une catégorie (le genre tarte / tourte) et j'ai fait un mix de ce que je trouvais, pour obtenir une tourte épinards, chèvre, noix et menthe.



J'ai pris de la farine de blé semi-complète pour faire la pâte, avec une bonne rasade d'huile d'olive. Pour la garniture j'ai pris de la farine complète de petit épeautre (celle qui est produite à Bras), encore de l'huile (d'olive bien entendu), trois oeufs, plein d'épinards en branches, des morceaux de tomme de chèvre, des noix en petits morceaux, et puis trois branches (assez bien fournies) de menthe finement coupées. Je redoutais d'en mettre plus, mais en fait là on a trouvé ça parfait au goût : ça donne une petite touche étonnante à une tourte tout à fait classique.


Les 101: Un petit point

Je fais un petit tour de ma liste des 101 pour voir si j'ai progressé un peu (à... 968 jours de la fin, ça va j'ai encore un peu de temps ;-) :


50. Trouver un moyen de ne plus avoir besoin du tout de faire de déplacements en voiture (y compris me faire déposer) pour me rendre sur mon lieu de travail.

Mon chéri m'a offert un vélo pour mon annif (un petit vélo d'occase, et en solde). Une fois qu'on aura retrouvé la pompe et puis aussi l'antivol, je pourrai aller au village avec, et y prendre le bus.


Du coup, là je fais coup double avec le point 25 :


25. Faire du vélo

86. Voir des (+/- vieux) films que j'ai toujours voulu voir.

J'ai vu Pierrot le fou, de Godard.



97. Toujours manger à ma faim.

J'y travaille... et j'y reviendrai sans doute pour raconter ma progression.


27. Partir passer qqs temps à la campagne sans prévoir où on va.

On est en train de prévoir ce qu'on va faire cet été. J'ai bien envie de proposer ça, précisément. Ça serait encore mieux si on avait restauré le Combi entre temps, mais bon...


33. Acheter local (disons que je considérerai que ce point est OK quand j'aurai acheté qqch de non futile et qu'il n'est pas évident d'acheter en local à priori - p.ex. les fruits et légumes sont hors jeu; la viande à la rigueur)

J'ai acheté de la farine aux producteurs de Bras. Je savais déjà qu'ils existaient, et là je l'ai achetée dans une épicerie (bio, évidemment...), mais je voudrais prendre directement contact avec eux. Vu la quantité de farine qu'on utilise pour faire notre pain et compagnie, ça devrait être faisable même s'il faut en acheter beaucoup à la fois.


Je me suis fait une liste de divers producteurs recensés sur l'annuaire de l'agence bio. C'est un début, même si je préférerais encore trouver un petit producteur non référencé AB, puisque la labellisation AB demande un minimum de production, donc les tous petits producteurs ne peuvent ni se le payer, ni même le demander.


43. Faire des week-ends sans technologie.

Là, ça me donne une idée : le WE prochain on va au mariage d'amis à nous, à Bordeaux, et on logera dans un apparte où il n'y a pas internet. Ça sera le dernier WE du mois. Je me dis que ça serait très bien d'en profiter pour mettre en place une habitude, qui serait "pas de technologie le dernier WE du mois" A suivre pour voir si ça fonctionne...


(D'emblée ce n'est pas gagné puisque le dernier WE du mois de mars ça tombe juste avant les auditions CNRS et que je risque de ne pas arriver à me passer de travailler... mais je vais essayer ; après tout, ça me ferait le plus grand bien).


47. Mettre mes compétences de linguiste au service de mes convictions. (ben c'est pas gagné)

Ça, c'est un truc qui me trotte sérieusement dans la tête depuis fort longtemps, et j'y ai repensé il y a qqs jours quand j'ai vu passer des annonces de recrutement au CEMAGREF. J'aimerais vraiment beaucoup trouver un moyen de bosser avec eux, utiliser p.ex. le formalisme sur lequel je bosse pour faire des modélisations, des prévisions de phénomènes, ou quelque chose comme ça. Parce que strictement en tant que linguiste... vraiment, je ne vois pas trop ce que je pourrais faire. Ou alors faire comme ces quelques linguistes qui sont connus pour leur travail, faire une analyse d'un certain type de discours, le discours écolo par exemple. Mais je ne suis pas convaincue que ça casse vraiment des briques, ça.


Je remarque aussi que j'ai fait quelquels répétions dans certains points (sur la couture, notamment), il faudra que je corrige ça quand j'aurai réglé ces points-là.


Rendons à César

Ce n'est rien de très grave, mais ce matin j'ai écouté (d'une oreille) l'émission Service Public sur Inter, et il était question des transports en commun. Un auditeur a pris la parole pour parler des bienfaits du tram à Bordeaux. Là je le suis sans problème, il est vraiment bien ce tram. Pas trop moche, très pratique, silencieux... Mais là où je ne suis pas le gars c'est qu'il en a profité pour faire de la pub pour Juppé en disant que c'était "depuis qu'Alain Juppé avait fait..." etc, et là je m'inscris en faux !


Ce n'est pas du tout Juppé (ni la mairie de Bordeaux) qui a fait le tram, c'est la Communauté Urbaine de Bordeaux i.e., la communauté de communes (accessoirement, de gauche, donc rien à voir avec Juppé).


Voilà, c'est pas si grave mais ça m'énerve quand-même, parce que le parti de Juppé a beaucoup joué sur la confusion pour s'approprier cet argument en sa faveur. Ça m'énerve aussi plus généralement parce que je n'écoute plus que rarement Inter, depuis la mauvaise foi dégoulinante de leurs journalistes pendant la campagne du référendum sur le TCE, mais tout de même de temps en temps je retente. Et d'habitude quand je l'écoute d'une oreille seulement ça peut encore passer, à peu près. Mais là, même sans concentration c'est énervant ! Il n'y a pas que cette intervention particulière, il y a qu'Isabelle Giordano et Yves Decaens sont insupportables (pour des raisons propres à chacun...) et ne posent jamais les bonnes questions, laissent passer des tas des choses.


Vraiment, France Inter c'est la radio de la frustration publique.


Semis

Hier il faisait moche comme tout, mais entre deux coups de pluie on est sortis semer nos petites graines pour le potager. C'est tôt, mais vu la saison on tente quand-même ! On verra bien si ça prend ou pas.


Au programme :


  • Des courges de 4 ou 5 types différents (mais on ne se souvient plus lesquels parce que comme des gros malins on n'avait pas mis d'étiquettes sur les graines... mais il y a au moins un genre de potimarron, de la courge spaghetti et puis des pâtissons),

  • Des tomates : des noires de Crimée, des coeur de boeuf (merci Koldo !), des roma, et quelques inconnues,

  • Quelques laitues,

  • Trois variétés de haricots (des petits blancs, des petits roses et des très gros bariolés),

  • Du basilic (pour essayer... on n'a jamais tenté encore),

  • Des melons,

  • Des poivrons.


On n'a pas encore semé ce qui va en pleine terre, on le fera un peu plus tard. Ça concerne des salades, de la roquette, des carottes, des oignons, des épinards,...


Caco


Evidemment, je n'en avais pas encore parlé mais un autre blog qui vaut de l'or c'est celui de Caco et des aventures de sa nouvelle vie en Occitanie.


dimanche 18 février 2007

Si ma ville...

Hé bien c'est mon tour de me livrer à un petit exercice de style, sur la ville, ma ville (merci mowgli). Alors la première grande question que je me pose c'est "C'est quoi une ville ?" et ensuite c'est "Quelle ville choisir ?" Est-ce que je préfère considérer la Grande Ville la plus proche de chez moi, ou alors est-ce que je m'intéresse à la toute petite ville dans laquelle j'habite pour de vrai (ça pourrait être rigolo mais ça serait trop difficile à trouver pour qu n'est pas du coin -- et trop simple pour les autres), ou est-ce que je prends la ville dans laquelle je travaille (que, finalement, je connais encore très mal)... bon heu, c'est bien beau toutes ces questions mais ça ne fait pas avancer le truc. Et puis dans son appel du pied, mowgli parlait de ma Provence alors il faut que j'y reste. C'est ce que connais le mieux après tout.


Finalement, quand je pense "ma ville" je pense à une ville en particulier, c'est la première et unique vraie ville que j'aie habitée, celle qui a marqué mon départ du domicile familial, qui a accueilli mes premières expériences d'adulte. Donc je choisis celle-ci. Et en prime elle m'autorise même de faire un petit mix, en mettant en avant autant que possible les liens que je vois entre pas mal des lieux qui font partie de mon histoire personnelle. Donc, si ma ville était...



... une personnalité, ce serait Nicolas-Claude Fabri de Peiresc.


Peiresc était l'un de ces intellectuels touche-à-tout du XVIIe siècle, certes bien méconnu aujourd'hui et pourtant, entre autres, il a découvert la nébuleuse d'Orion et a dessiné la première carte de la Lune (il a aussi inventé des trucs vachement utiles mais je ne m'en souviens plus -- après tout, les liens sont faits pour ça !).


Ce n'est certes pas le choix le plus évident pour décrire ma ville, mais Peiresc a un double, et même depuis peu un triple lien avec ma vie :


  • Le premier lien c'est qu'il a, donc, habité dans "ma ville". Il a même une rue qui porte son nom, le long du palais de justice, où l'on trouve un formidable marchand de papiers, deux sandwicheries pour lycéens (parce que nombre des lycées du centre-ville n'ont pas de cantine et qu'il envahissent les rues alentour de leurs cris et leurs sac à dos bariolés tous les midis), un marchand de pyjamas indépendant qui m'a toujours interloquée (enfin sa devanture, pas le marchand lui-même, que je n'ai jamais vu finalement), une terrasse de bar avec des tables rondes sur lesquelles il y a des morceaux de portraits art déco, et les coins d'une grosse pharmacie vert foncé et puis d'un magasin de chaussures d'une grande chaine de piètre qualité.

  • Le second lien est qu'il a aussi vécu dans le village où j'ai passé les 17 premières années de ma vie : Belgentier. Un village où j'ai grandi, où j'ai fait mes premiers pas, mes premières chutes, mes premiers amis, mes premières conneries, vécu mes premières joies, mes premières peines, où j'ai appris à aimer la nature parce que l'activité principale était d'aller se balader dans la coile au-dessus de la maison, seule ou avec les copains (en y passant la nuit), et où l'on jouissait d'une liberté qui a façonné ma construction personnelle.


    La famille Peiresc avait un château dans ce village, lequel est devenu un centre d'activités diverses, et tous les ans il y avait (il y a sans doute encore) un son et lumière organisé par le comité des fêtes du village, dans le parc qui avait été son jardin. Une année j'y avais participé, avec mon club de cheval. Enfin... j'avais essayé d'y participer parce que j'avais un trac fou et que ma jument peureuse comme tout avait fait une embardée dans le noir juste avant qu'on passe et elle m'avait éjectée contre un arbre. J'avais eu trop mal pour remonter, j'avais été trop troublée par cette chute ; en tout cas quelque part ça me donnait une bonne raison de ne pas aller sur scène ;-) (je l'avoue aujourd'hui, j'avais peut-être un peu joué la comédie dans les coulisses parce que j'avais les chocottes).

  • Le troisième lien enfin, que j'ai découvert beaucoup plus récemment, est que Nicolas Fabri portait le (doux) nom de Peiresc en référence au village d'où est issu sa mère, Dame de Peiresc. Le village de Peiresc (autrefois Perets puis Peyresq) est une toute petite bourgade perchée à 1528m d'altitude, sur un éperon rocheux des Alpes de Haute-Provence, entre la vallée du Verdon et puis... je ne sais plus l'autre. Le village avait été quasiment abandonné quand, en 1952...
    Georges Lambeau découvrit Peyresq, encore habité par le maire, son épouse et une de ses filles, quelques moutons, autant de chèvres, des murs lézardés et de nombreux toits effondrés, dépeuplé mais non abandonné.

    Il cherchait un mas pour ressourcer périodiquement ses étudiants des Beaux-Arts, il trouva un village où il conçut, avec un ami bruxellois Toine Smets, de réunir, en un centre humaniste rayonnant, des étudiants et des professeurs, des artistes et des chercheurs.

    Nicolas-Claude Fabri, Monsieur de Peiresc, inspira naturellement leur entreprise par sa conscience scientifique et européenne.

    En 1954, la camionnette d'Elise Lambeau embarqua un voyageur sur la route de Digne, Pierre Lamby, jeune architecte et l'emporta jusqu'à Peyresq. Pierre embrassa le projet et devint l'architecte de la renaissance du village, appuyé par un jeune entrepreneur local, René Simon.

    Mais cette conjonction d'enthousiasmes dut sa force et son succès aux milliers d'étudiants-bâtisseurs belges qui pendant trente ans se succédèrent sur l'énorme chantier peyrescan qui à situation exceptionnelle fournirent un effort exceptionnel.

    En outre, l'aspect traditionnel du village fut restauré par Pierre Lamby, par une reconstruction respectant les principes et les matériaux de l'architecture provençale.


    Progressivement, grâce au travail et à la volonté contagieuse de ces quelques-uns pour soulever des montagnes, Peiresc est redevenu un village vivant, vibrant d'activité, rénové selon la tradition, toujours si fier d'être provençal mais ouvert à des idées nouvelles, accueillant de multiples conférences internationales sur des sujets divers, offrant un lieu animé de la réalité de l'endroit aux visiteurs qui souhaitent non seulement se recontrer mais aussi s'immerger dans cet espace, dans ce climat, dans cette ambiance, dans cette culture.
    Quand j'ai découvert l'histoire de ce village j'ai tout de suite pensé que c'était la confirmation de ce que j'ai toujours voulu croire : si mon métier tel que je peux le pratiquer académiquement ne me convient pas, je peux toujours le réinventer d'une manière ou d'une autre, il suffit de le vouloir. Eux l'ont fait. Et par là même ils ont participé à la sauvegarde du bien le plus précieux de la Provence : son caractère.



... un animal, ce serait un aigle de Bonelli (voir aussi ici et ).


C'est un petit aigle méditerrannéen en voie de disparition : il n'en reste que quelques couples. Et pourquoi le choisir, lui ? Parce que parmi les quelques couples qui restent, l'un d'eux niche sur la Sainte Victoire, et descend chasser dans la vallée de l'Arc. Et qu'il nous est arrivé souvent de stopper net, peu importait qu'on soit à pied ou en voiture et ce qu'on faisait, ne plus faire ni un geste ni un bruit et les regarder voler, là juste au-dessus de nous. On ne pouvait qu'en rester sans voix.


Cet aigle est devenu le symbole du peu qu'il reste de sauvagerie sur le massif. Non qu'il n'y reste plus du tout de bêtes sauvages, mais parce que lui est particulièrement visible, et majestueux. Et aussi parce que lui, contrairement à d'autres (comme les chevreuils par exemple, qui venaient brouter devant notre maison quand on habitait sur le Cengle), n'est pas le fruit d'une remise en liberté après un élevage à des fins de repeuplage volontaire.


Et parce que qui dit ma ville, dit la Sainte Victoire... évidemment !



... un élément naturel, ce serait un oeuf de dinosaure.


Parce que ma ville est aussi bien connue des paléontologues.


Par ses nombreux accidents géologiques, la Provence est un des lieux les plus riches au monde en éléments géologiques et paléontologiques. Le bassin [de ma ville], et plus précisément la dépression de Roques-Hautes, qui se situe entre le barrage Zola et la montagne Sainte-Victoire, a ainsi hérité de l'un des principaux gisements d'oeufs de dinosaures, noyés et fossilisés. L'accès de ce lieu qui attire chaque année de nombreux savants est strictement réglementé, et pour cause ! Cet espace comprenant 106 hectares de gisement paléontologique est livré à la vue de tous depuis l'incendie de 1989, ce qui a engendré de nombreux pillages aux conséquences dramatiques. L'analyse de cette terre argileuse de couleur rouge, composée par endroits de plusieurs couches superposées de coquilles d'oeufs et même d' oeufs entiers fossilisés de dinosaures, pourrait permettre d'expliquer les causes de la disparition de ces espèces et des déprédations pourraient contrecarrer son exploitation scientifique. Le site de Roques-Hautes constitue sans doute le plus important gisement d'oeufs datant du Crétacé supérieur, période où ces reptiles ont commencé à disparaître de la surface de la terre.
C'est pour cela que depuis le 1er mars 1994, ce lieu géré par l'Agence départementale des espaces sensibles (A.D.E.S) est classé en réserve naturelle afin d'assurer la protection de ces témoins inestimables pour l'histoire de la terre. (...)

A la fin de l'ère secondaire, la Provence présentait des rides est-ouest entre lesquelles des dépressions en gouttière étaient occupées par des marécages. Sainte-Victoire, qui n'avait pas encore l'ampleur de la montagne actuelle était entourée de deux mers. Ce milieu, à la végétation abondante et au climat tropical, constituait un écosystème idéal pour ces reptiles géants, déjà présents sur notre planète depuis plus de 100 millions d'années.

Au cours de l'époque tertiaire, Sainte-Victoire se soulève par endroits, se plisse et se replie sur elle-même, piégeant ainsi de nombreuses traces de cette occupation et nous laissant ainsi de véritables trésors fossilisés. Les multiples études menées sur ces vestiges ont permis de mettre en évidence l'existence de diverses espèces de dinosaures, de connaître leur mode de vie et leur régime alimentaire.
Parmi les 600 espèces de dinosaures connues et qui occupèrent la totalité des continents, sous des adaptations extraordinairement variées, une demi-douzaine a été recensée en Provence jusqu'à ce jour. (...) Les représentants des deux grands ordres de dinosaures sont attestés en Provence :

  • Les Saurischiens représentés par Megalosaurus. Ce carnivore bipède et coureur est souvent assimilé au terrifiant tyrannosaure. Hypselosaurus et Titanosaurus sont, quant à eux, apparentés au Diplodocus nord-américain, bien que de taille plus modeste (ils mesurent entre 12 et 15 mètres contre 27 mètres pour leur cousin américain). Ils sont parmi les dinosaures les mieux représentés en Provence. Ces herbivores quadrupèdes étaient dotés d'un long cou et d'une longue queue. Ils devaient peser une trentaine de tonnes. Ils vivaient sans doute en troupeaux. Au regard de la forme de leur dentition, ils semblerait qu'ils se nourrissaient de conifères primitifs tels que les séquoias.


  • Les Ornithischiens auxquels se rattache Rhabdodon, dinosaure bipède et herbivore. Ce dernier compte parmi les espèces les plus représentées dans le gisement de Roques-Hautes. C'est un dinosaure de taille moyenne, d'environ quatre mètres. Ses dents broyeuses devaient être d'efficaces outils pour brouter les feuilles des buissons. Ils semblaient être victimes du Dromaeosaure, redoutable petit carnivore armé de dents et de griffes très tranchantes.


(...) L'extinction des dinosaures n'est pourtant pas totale. Ils donnèrent naissance aux oiseaux, dont le fameux archéopterix est l'ancêtre. Un grand nombre de ces oiseaux géants étaient de paisibles herbivores. Nous citerons les Dyatrima, impressionnantes autruches géantes dont les oeufs fossilisés se retrouvent en grandes quantités sur le Cengle.

(sources: ici et )


... un métier, ce serait un peintre.


Oui car, depuis notre Cézanne international la ville est devenue un haut-lieu de la croûte Sainte-Victorienne. A croire que tous les arrrrrtistes passant par là doivent passer par cette propédeutique et faire leurs preuves en tentant une reproduction plus ou moins fidèle, plus ou moins imagée, plus ou moins heureuse de la montagne. Parce qu'au-delà du complexe d'infériorité cézannienne du pauvre peintre aixois en mal de reconnaissance, toute la ville est marquée par son auguste présence, jusqu'à ces clous plantés dans presques toutes les rues censés marquer ses lieux de passage favoris, jusqu'aux menus des restaurants redoublant d'imagination en inventant moult "salades" et autres "pizzas Cézanne", jusqu'à la reconnaissance de toute autre personne publique qui passe par le lien qu'elle entretient, ou pourrait entretenir, avec le peintre. On raconte que le petit Emile Z., toute freluquet qu'il était, se trouvait souvent être la victime des bastonnades de ses camarades. Jusqu'au jour où un autre garçon, un grand gars bien costaud et un peu fruste s'est opposé à ce qu'on tabasse le petit Emile. Lequel fut alors pris sous l'aile de ce grand, qui n'était autre que... Paul C.



Ma ville, bien sûr, tout le monde l'aura reconnue. Elle n'est pas très grande et n'a, à mon grand bonheur, pas toutes les caractéristiques d'une ville. Elle marque par la couleur de ses pierres quand elle se détache sur le bleu du ciel un jour de mistral, par son froid toujours plus glaçant en hiver et sa chaleur toujours plus suffocante en été que tout autour dans la campagne, par son environnement naturel aux formes inoubliables, aux couleurs insaisissables (*), par son côté petit-bourgeois qui finalement n'est qu'un juste maintien de son ex-qualité de capitale de la Provence, de cette Provence raffinée et culturellement rayonnante à laquelle le roi de la France balbutiante d'alors s'adressait respectueusement en lenguo nostro, tant haïe par les marseillais (et c'est bien réciproque), par son cours Mirabeau qui n'a jamais vraiment été une rue mais une scène où déjà les comtes avaient pour habitude de venir parader dans leurs pompeuses voitures à chevaux,... et tant d'autres choses encore. Ça a été ma première ville d'adoption, et elle m'a adoptée comme je l'ai adoptée moi-même.


(*) Et si Cézanne a réussi à en faire quelque chose, là où la plupart échouent, c'est que là où ces derniers tentent de peindre ce qu'ils voient (avec leur propre sytle), lui peignait ce qu'il ressentait.

Et finalement, à moi de passer la main alors... disons à cerise, à Raffa, et à Magali si elles passent par là... (j'aurais très volontiers rajouté Koldo mais il n'a pas (encore?) de blog !!)


Anna


Un autre blog que je découvre aujourd'hui, avec un certain plaisir : celui d'Anna.


Peur et alternativité

Je suis en train de dévorer un site dont Mary a donné le lien, et je viens d'y lire (entre autres) la chose suivante :


Certains s’accommodent de leurs peurs, les débaptisent, les déguisent. La peur de voyager, de prendre le train, l’avion… le vélo se convertit en goût pour la marche. Celle de la lumière, pour se faire légère, aime arborer de belles lunettes. On inverse sa phobie en art de vivre et la panique hystérique des chats se transforme en passion pour la race canine.

Je n'avais jamais pensé à ça sous cette forme, mais je trouve que ça résonne d'une façon très juste à mes yeux, sous deux angles différents.


Le premier angle est un point de vue (tout à fait personnel et peut-être pas mal élitiste aussi, je ne sais pas) sur les gens qu'on croise dans les milieux SVistes, décroissants, écolos, bios, et autres alter-quelque chose. J'ai toujours trouvé, à la fréquentation des forums de discussion sur ces thématiques notamment (pour en avoir fait un usage assidu pendant un bout de temps), qu'une proportion non-négligable des gens qui adoptent ces idées d'une manière très profonde sont des gens qui en fait n'ont guère le choix. Typiquement, un gars qui annonce fièrement qu'il refuse le système et ne veut pas se baser sur les critères de réussite que le système a choisi à sa place... mais qui sait à peine lire, écrit difficilement, et est en total échec scolaire. Et souvent, à le lire, on décèle un énorme sentiment de culpabilité refoulée, un sacré complexe d'infériorité, une peur de ne pas réussir dans ses conditions, puisque jusqu'à présent on n'a jamais réussi dans ce système-là. Alors on crie qu'on crache sur le système, et on cherche des alternatives à cette façon de se placer dans un groupe. Ma foi pourquoi pas, mais je pense que dans le fond c'est un aveu d'échec que l'on refuse de se faire, et l'on ne peut pas se construire ailleurs sans commencer par accepter la façon dont on se plaçait dans ce qu'on décide d'abandonner.


Je sais bien qu'il y a des tas d'exceptions à cela, ce n'est pas une généralité, mais c'est une sensation que j'ai souvent eue. On se jette à corps perdu dans une quête donnée, une quête alternative, parce qu'on pense que quoi qu'il en soit on ne pourra pas réussir dans une quête plus "standard".


Le second angle est plus personnel (dans un sens "auto-analytique"). Là, je me demande si je ne me considère pas comme une intellectuelle simplement parce que j'ai peur de ne pas m'en sortir dans une autre activité. De ne pas m'en sortir, i.e. de ne pas me sentir heureuse, satisfaite, épanouie, capable, etc. Donc je me cantonne à un truc dans lequel je sais que je ne suis pas trop mauvaise, même si ça ne correspond pas à mon idéal personnel.


Et là, je me mets aussi à douter de la nature de mon idéal personnel... et je me dis que si ça se trouve je me suis fabriqué un tel idéal parce que justement, j'avais peur de ne pas réussir dans le côté intellectuel. C'est une autre possiblité. Ah, sacré doute !


Dans un cas comme dans l'autre, on est dans le peur d'affronter quelque chose et dans le choix de la fuite plutôt que dans l'acceptation de ce qui nous fait peur, dans le fait de regarder la situation et de voir que, quoi qu'il puisse arriver, on reste là, et on reste soi. Comme le dit si bien la litanie de la peur de Franck Herbert (Dune) :



Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l'esprit.
La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale.
J'affronterai ma peur.
Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon oeil intérieur sur mon chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien.
Rien que moi.

vendredi 16 février 2007

Din-Diu


Aujourd'hui j'ai aussi découvert un blog qui me plait beaucoup, c'est celui de Din-Diu.


Mais quand-meme

Quand-même, aujourd'hui il a fait tellement beau. Les oiseaux chantaient à tue-tête, et quand je suis sortie devant la maison... l'amandier (qui a bougrement fleuri depuis la dernière photo) était tout rempli de visiteurs agités.



Mon premier papillon de l'année ! (et mes premiers bourdons aussi) Faut faire un voeu, non ?


...Et l'histoire jugera

Zutalors. J'avais passé une super journée, et ce soir j'ai reçu un mail qui m'a sacrément énervée. En gros, Unetelle a fait une bourde, et non seulement elle ne s'en excuse pas mais en plus, elle vient me le reprocher. Comme une vengeance. "Oui mais c'est toi qui as commencé."


N'empêche que c'était quand-même une connerie qu'elle a faite, et que ça m'a bien embetée, et que je m'étais contentée de le lui faire remarquer sur le ton de la blague. Et que moi, je n'ai pas fait de connerie non, je n'ai juste pas pu faire ce qu'elle me demandait de faire, et je lui ai dit que je ne pouvais pas le faire (tout en proposant quand-même des tas de choses, c'est pas comme si j'avais simplement répondu "non" et puis plus rien fait pour l'aider).


Mais c'est moi qui me prends des reproches. Je trouve ça parfaitement injuste, et la raison pour laquelle je n'apprécie pas du tout cette situation c'est que dans son mail, non seulement elle me fait des reproches gratuits en mélangeant tout, mais en plus elle ment sur une autre chose (qui est bien gênante aussi). Et ça m'énerve parce que, en fait, je ne peux rien faire. Qu'elle ait un avis négatif de moi pour des raisons qu'elle s'invente, soit, je m'en contrefiche. Mais que ça risque de me retomber dessus via d'autres personnes qui dépendent d'elle, ça me gêne sacrément.


Alors j'avais commencé à lui répondre en remettant les pendules à l'heure, sans être méchante, sans rien lui reprocher, mais juste lui expliquer ce que j'ai fait, pourquoi je l'ai fait, et à quel point ça n'a aucun rapport (ni aucune commune mesure) avec ce que je lui disais. Et puis je n'ai pas envoyé le mail parce que je me suis dit que j'allais commencer par passer une nuit de sommeil et y revenir demain, à tête reposée. Mais en fait, je crois que ma décision est déjà prise : je vais tout simplement ignorer tout ça. Je vais faire ce que j'ai à faire pour arranger la situation autant que je peux, et pour ce qu'elle pense de moi : tant pis. Je trouve ça nul, mais je n'y suis pour rien, et après tout elle ne compte pas spécialement pour moi donc ça ne changera rien. Je n'en parlerai pas, et si jamais elle revient dessus à l'occasion, j'aviserai.


C'est assez difficile pour moi, ce n'est pas dans mes habitudes. Je déteste être au coeur d'un malentendu, ça doit remonter à une vieille histoire non réglée mais c'est comme ça. J'ai envie de crier haut et fort que j'y suis pour rien, que c'est pas juste. Mais je ne le ferai pas, je ne le ferai pas...



... et c'est pour ça que je viens le raconter ici ;-)


jeudi 15 février 2007

Du travail, et du bonheur aussi

Ça aussi ça pourrait être le début d'une longue ligne de billets... Je fais suite ici au billet de Pistil que je lis ce matin, qui me travaille beaucoup (c'est le cas de le dire !) parce que ça fait un moment que j'ai envie de parler de ça, et que je ne sais pas par quel bout commencer. Là, j'ai la base de son billet, je vais m'en inspirer, ça me guidera (même si je devine d'avance que je vais partir dans une toute autre direction... en tout cas ça m'aura donné l'impulsion de départ).


Moi aussi mon avancée progressive, cahin-caha dans la SV m'a fait beaucoup réfléchir sur la notion de travail. Ou en tout cas les deux se sont développés conjointement. Je vois deux directions de réflexion à ce propos, directions qui à mon avis dans le fond ne s'opposent pas du tout, mais que j'ai pour l'instant un peu de mal à réunir clairement. Il y a d'une part une rélexion généraliste sur le travail conçu globalement, à l'échelle d'un groupe ; et puis une réflexion toute personnelle sur la façon dont moi j'ai envie de travailler, ce que ça représente pour moi, quel temps je veux y consacrer, ce que je veux faire, ce que je cherche à travers le travail, etc.


Je tente un premier débrousaillage ce matin, mais je sais déjà que j'y reviendrai, sous d'autres angles, parce que j'y pense souvent.



Sur le travail d'un point de vue général, un exemple de ce qui peut m'arriver c'est de passer pour une utopiste sans coeur quand je dis aux gens que non, je ne cautionne pas qu'on puisse distribuer des pubs dans des boites aux lettres, bosser au Mac Do ou dans une station-service pour se faire trois sous. Alors on me dit "Mais comment tu veux que ces gens-là puissent se payer leurs études si tu leur enlèves ce moyen ?", alors je réponds que la solution n'est certainement pas dans l'acceptation de cette situation, et que ça soulève un problème qui justement, puisqu'il peut actuellement être plus ou moins géré par des solutions minables telles que celles-ci, n'est pas discuté, et la situation perdure. Du coup, ces pauvres étudiants sont crevés et se trouvent dans une situation d'inégalité tout à fait inacceptable à mon sens, et en plus ils représentent une manne de choix, corvéable à merci, pour toutes ces entreprises qui (toujours à mon sens) sont hautement critiquables. Alors là on me demande ce que je voudrais à la place, et j'hésite entre dire que "je n'en sais rien mais autre chose" (question de ne pas "aggraver" mon cas), ou alors expliquer, un revenu d'études universel (un genre de Revenu Minimum d'Etudes) en plus des éventuelles bourses pour permettre à tout le mondre de se nourir et se loger le cas échéant, parce que maintenant que les pays occidentaux ont fait le choix de fonder leur nation sur un ensemble de connaissances alors il faut assurer à tous la possiblité de les recevoir, sans rendre toute une partie dépendante d'activités dont les bénéficiaires sont des grandes entreprises. En bref, faut savoir ce qu'on veut.


Sur le travail d'un point de vue personnel, depuis toute jeune j'ai toujours eu tendance à proclamer (non sans une certaine touche de fierté marginale par moments ;-)) que la vie ne se résume pas au travail, et que l'on ne vit pas pour travailler. Quand j'étais ado, un jour, on s'était demandé les uns les autres comment on se voyait dans 10 ans. La plupart commençaient leur réponse par "Je ferai tel emploi" et puis ensuite parlaient de leur maison, leur conjoint, leur éventuelle progéniture, etc. Moi, j'ai dit :


Je me vois jouer à cache-cache avec mes enfants, nus dans un champ de cannabis.

Si on passe outre la question de la nature du champ (ben oui, quand on est ado... on dit tout plein de bêtises - quoique ça avait un sens aussi mais bon), ce qui avait choqué mes amis (et vraiment choqué, par la suite ils n'arrêtaient pas de relancer ça pour me taquiner, comme si j'avais dit une connerie) c'est que je ne parlais pas de mon emploi, i.e. de comment j'allais gagner ma vie. Je ne connaissais pas alors la citation de Boris Vian,


Je ne veux pas gagner ma vie : je l'ai.

mais j'aurais voulu leur répondre quelque chose dans ce goût-là.


En fait, quand je donnais cette image, le fond de ma réponse à la question "Comment tu te vois dans 10 ans ?" était "Heureuse". J'avais donné cette image parce que c'était un stéréotype du bonheur à mon goût. Que le travail n'avait pas voix au chapitre dans cette question. Que le bonheur ça n'est pas une situation générale, c'est un instant où l'on est pleinement dans ce qu'on fait. Et je crois que c'est l'une des choses que mes copains n'avaient pas compris dans ma réponse : je me foutais de mon train-train quotidien, ce qui comptait c'était que je puisse vivre des petits instants de grand bonheur.


Il y a quelques temps j'ai reprensé à ce souvenir et j'ai observé ma vie (ça faisait 10 ans à l'époque, mais la situation est restée la même depuis) et j'ai constaté que je n'avais pas d'enfants avec qui jouer à cache-cache (où que ce soit). Ça m'a fait l'effet d'un électrochoc. Quand j'étais ado aussi, je clamais à qui veut l'entendre que je voulais avoir au moins un enfant avant 24 ans. J'en ai aujourd'hui 28 et toujours pas d'enfant, parce que jusqu'à présent... mon "travail" a primé.


Tout cela m'a fait beaucoup réfléchir à pourquoi est-ce qu'il y avait une telle différence entre ce que j'avais désiré et ce que je faisais à présent, qu'est-ce qui avait changé,... et surtout, est-ce que quelque chose avait changé depuis. Parce que si je réfléchis à comment je me vois dans dix ans, aujourd'hui, je m'imagine assez bien jouer à cache-cache avec mes enfants (mais plutôt dans une forêt ;-)). Pourtant, quand je me demande comment je me vois dans un an seulement, je m'imagine chercheur au CNRS ou Maître de Conférences. Donc, je vois mon boulot, point barre.


Où est la différence entre ce que je désire pour le long terme, et ce que je désire pour le futur immédiat ? Je crois que la réponse est dans le travail, justement. Entre mon adolescence où je me rebellais, comme tout le monde, à ma façon, que je refusais de penser aux aléas du quotidien, et mon arrivée dans l'âge adulte où j'ai mis en veilleuse tous ces rêves, j'ai appris que pour avoir des enfants, pour courir dans les champs etc., il faut avoir un quotidien par ailleurs. Et dans ce quotidien, il y a le travail. Et le travail, on a très vite fait (en tout cas dans ma situation) de le laisser prendre le pas sur le reste de la vie, de lui laisser prendre toute la place du quotidien, jusqu'à ce que plus rien ne reste, jusqu'à ce qu'on ne pense plus qu'à ça, qu'on ne s'organise plus qu'autour de ça.


J'ai lu dans le Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations de Raoul Vaneigem des mots qu'il mettait là-dessus, qui collaient parfaitement à ce que je ressentais. Quand on travaille trop, quand on laisse le travail prendre le pas sur le reste, alors il compense sur tous les plans et l'on en perd conscience de ce qui nous manque, on perd conscience que la vie ne se résume pas à ça, on perd conscience que l'on peut vivre autrement qu'en travaillant comme on le fait. Tout ce qu'on vit d'émotions est transféré sur le travail, et passé un certain stade on ne s'en rend plus compte, parce que c'est comme l'allégorie de la grenouille : c'est venu petit à petit, on n'a pas fait attention, on s'est laissé cuire.


Maintenant la question que je me pose, c'est comment faire pour sortir du chaudron. Peut-être que l'une des façons, en fait, est de ne pas me donner d'objectif, de ne pas me prendre la tête avec des images de moi-même, en tout cas de ne pas les laisser devenir un objectif. "Heureuse", finalement, je peux l'être dans 10 ans comme je peux tout aussi bien l'être mantenant, dans ma situation actuelle, même sans enfant pour l'instant. Parce que ce que je fais, je l'ai choisi, quand-même. Et que je peux changer ce que je veux dans mon quotidien, quand je veux. Et que si je veux travailler moins, je le peux. Et que si, finalement, je n'ai pas encore d'enfants, ça ne me rend pas nécessairement moins heureuse ; c'est juste que j'ai fait certains choix qui m'ont amenée là où je suis aujourd'hui. Et que cette image de moi que je donnais dans 10 ans quand j'étais au lycée, en fait ce n'était jamais qu'une image et non pas une vue de la réalité exacte. Et que finalement, dès à présent, je peux jouer à cache-cache avec mon mari dans les bois, on a même déjà fait des choses du genre (mais non, on n'était pas nus !!).



Épilogue : Est-ce que tout ça vient du fait que j'ai été élevée à la voix de Jean Ferrat ? (manque de pot, je ne la trouve pas sur radioblog, dommage ç'aurait été une bonne occasion de tester la méthode de mowgli)


Etat d'âme

L'aube se lève grise et sale
Sur la sinistre cour pavée
J'entends résonner sur les dalles
Les bidons tristes du laitier
C'est toujours quand cinq heures sonnent
Qu'on réveille les condamnés
Les feuilles des arbres frissonnent
Il va bien falloir y aller

Aïe aïe aïe
A l'heure où les croissants sont chauds
Je n'ai pas l'âme d'un bourreau
De travail

A l'idée de l'éxécuter
J'ai le moral en marmelade
Si le travail c'est la santé
Tous mes copains en sont malades
Faites-le mettre à la torture
Par ceux qui en font leur régal
Bien au chaud sous mes couvertures
Je ne le toucherai pas d'un poil

Aïe aïe aïe
A l'heure où l'on boit l'apéro
J'n'ai toujours pas l'âme d'un bourreau
De travail

Si j'dois l'abattre sans pitié
Avant d'abandonner mon lit
J'voudrais bien voir changer la vie
Dans la nouvelle société
J'voudrais voir les flics au boulot
Les tenants du grand capital
Les P.D.G. les généraux
Goûter aux cadences infernales

Aïe aïe aïe
Ce n'est sans doute pas de si tôt
Que j'aurai l'âme d'un bourreau
De travail

D'ailleurs, ce texte fait écho aussi à l'autre billet de Pistil d'hier soir...


Sur ce... je vais travailler !