mercredi 14 février 2007

Chroniques d'en train

Petit journal de déboires sur 1400 km et des poussières. Les photos sont de l'aller.



Lundi.


15h00. Départ de la fac, direction le bus Aix-Marseille. Il pleut des cordes, et évidemment je n'ai prévu ni capuche ni parapluie, puisque ce matin il faisait super beau. J'attends quand-même une petite accalmie pour me lancer... ça y est, j'y vais.


15h03. Je suis assise dans le sens inverse de la marche, dans le bus. Quand il passe les rond-points on dirait qu'on va se retourner tellement il penche.


16h00. Je m'avance sur le quai de la gare, et j'y retrouve juste au niveau de l'entrée de mon wagon un gars qui était assis en face de moi dans le bus. Je ne sais pas si les grands esprits se rencontrent mais les grands voyageurs, eux, assurément.


16h17. Le train part pile-poil à l'heure. Il pleut des cordes.


16h30. St Chamas. Il fait grand soleil.


Environ 17h. Envie de faire pipi. Je vais au bout de ma voiture (la 16): fermé. Je continue et traverse la voiture 15: fermé. Argh. Je fais demi-tour, traverse la 15, la 16 puis la 17: fermé. Re-argh. Là, je suis à l'extrémité du train alors je refais demi-tour ; voiture 17, 16 (mon sac est toujours là, tant mieux), 15... 14: fermé. La 13 c'est la "voiture-services", là où il y a les contrôleurs (et aussi les vélos et l'espace jeu pour les enfants, mais on s'en fout). Il n'y a qu'un unique chiotte dedans, un chiotte de l'espace avec tout plein de voyants lumineux et de boutons partout, mais celui-là est ouvert : ouf. Comment assurer le bien-être de toutes les vessies de 5 voitures avec un seul chiotte ouvert ? Et que s'est-il passé dans toutes ces toilettes pour qu'elles soient ainsi condamnées ?



Environ 17h30. Il pleut.


Environ 18h20. La pluie s'est arrêtée.


Arrêt imprévu en gare de Narbonne. "Mesdames et messieurs pour votre sécurité nous vous demandons de ne pas ouvrir les portes s'il vous plaît", soit. 10 minutes plus tard: "Mesdames et messieurs votre attention s'il vous plaît. Notre train va repartir. Nous avons été arrêtés en raison d'une impossibilité d'avancer pour cause d'encombrement des voies. Cet encombrement des voies est dû à des chevaux qui barrent le passage. Nous vous prions de nous en excuser. Notre retard est d'environ 10 minutes et devrait être rattrapé d'ici à Toulouse." A la SNCF depuis récemment, on leur a demandé d'expliquer les raisons des retards (quand ils font plus de 5 minutes), parce que les passagers râlent moins quand ils savent ce qu'il se passe. C'est très logique et j'aime beaucoup ce soin qu'ils apportent à nous tenir informés, ils passent sans cesse dans les wagons pour répondre à toutes les questions individuelles et rassurer les gens (et parfois assurer les râleries divereses). Ce que je trouve étrange là-dedans (maintenant que je commence à avoir une bonne expérience des retards de train) c'est qu'ils semblent avoir des textes-types à remplir avec les variables (cause du retard, etc.) et qu'ils débitent ça par coeur. Parfois il y a des petites variantes, mais c'est grosso modo toujours les mêmes phrases. Un peu comme les hotlines des FAI, de France Télécom etc.


J'aurais dû aller fumer une clope.


Environ 19h00. Il pleut.


Arrêt imprévu en gare de Carcassonne. "Pour votre sécurité" patati... "ne pas ouvrir les portes" patata. 10 minutes plus tard: "Mesdames et messieurs votre attention s'il vous plaît. Notre train va repartir." J'ai déjà entendu ça quelque part... "Nous avons été arrêtés parce qu'un train situé devant nous sur la voie est en panne. Notre retard est d'environ 20 minutes et nous ne pourrons pas le rattraper avant Toulouse. Je répète : notre retard est d'environ 20 minutes et nous ne pourrons pas le rattraper avant Toulouse. Nous vous prions..." etc.


J'aurais vraiment dû aller fumer une clope.



20h30. Il ne pleut plus.


Toulouse Matabiau, Toulouse Matabiau. On est encore garés dans la partie couverte de la gare : pas possible de fumer. J'aurais vraiment vraiment dû aller fumer une clope tout à l'heure. Allez, plus que 2 heures.


22h30. Arrivée à Bordeaux. Il pleut. Un coup de tram et j'arrive. Bizarre, il n'y a que des filles seules sur le quai ; d'habitude il y a plein de monde, de genres (sexuels, mais aussi vetimentaires, et puis de nombre aussi) variés. Quelques secondes avant le départ du tram, une foule de gens se précipite dans le tram : un autre train est arrivé entre temps, qui a délivré tous ce gens pressés de rentrer chez eux, l'air décidé mais un peu endormi.


Mardi.


8h20. Je monte dans le tram, c'est le 1er arrêt après le point de départ et il est déjà bondé, ça promet. Mal choisi mon créneau, c'est con ça se joue à 5 minutes. Je me cale entre deux rangées de sièges. Un gamin qui écoute de la musique à fond sur son baladeur et papote dans un dialecte arabe que je ne connais pas avec son copain qui a lui aussi son baladeur à fond, se lève et me propose sa place : c'est gentil comme tout (mais une dame l'a déjà prise entre temps).


8h45. Le chauffeur du tram nous annonce qu'en raison de problème technique, le tram s'arrêtera à Doyen Brus et que ça sera son terminus. Manque de bol la fac est une station plus loin... A la Communauté Urbaine de Bordeaux, ils n'ont pas encore appris qu'expliquer les raisons des pannes aide les passagers à ne pas s'énerver.


Une demoiselle à côté de moi téléphone à quelqu'un : "Ouais c'est moi... tu peux venir me chercher à Doyen Brus ?... ouais... il est en panne..." Je me dis qu'elle doit sans doute se rendre 5 ou 6 stations plus loin, et que quand-même j'ai de la chance que ma station d'arrivée soit si proche de là où l'on s'arrête. Elle ajoute alors : "...ouais, j'ai dit à XXX qu'on la rejoignait au Sirtaki..." et là mon sang ne fait qu'un tour : le Sirtaki, c'est la cafète de la fac de lettres ! Cette nana va exactement au même endroit que moi, mais il faut que qqn vienne la chercher en bagnole pour lui faire faire même pas 1km. Et après on se moque des américains qui vont chercher leur pain en voiture...



Le chauffeur annonce également que le tram suivant continuera sa route et pourra nous récupérer. Mais bon, le contenu d'un tram bondé + le contenu du suivant... j'ai pas trop envie de voir le résultat. Alors je fais comme une moitié environ des passagers : je trace ma route à pieds, en plus ça me fera du bien de marcher un peu. Il fait beau, il y a de l'herbe partout, pas de route... c'est plutôt sympa finalement, même avec le gros sac à dos. On marche le long de la ligne de tram, et je peux observer que se dessinent clairement plusieurs techniques : certains choisissent obstinément de ne marcher que sur la piste cyclable soigneusement goudronnée, alors même qu'elle serpente et leur fait faire 2 fois plus de pas ; quelques autres (dont moi) préfèrent marcher tout droit quitte à (ô infamie !) marcher dans l'herbe. On voit quelques traces de gel sur l'herbe : il ne doit pas encore faire très chaud le matin ici.


Un doute subsiste dans cette affaire (que dis-je un doute : une question essentielle) : comment est-ce que le tram qui nous suivait a pu passer devant le tram que l'on a quitté alors qu'ils sont sur le même rail ? Mystère de la technologie moderne.



13h45. Retour à la gare, après tram + bus. Je me pose au soleil pour manger mon sandwich, et je regarde un gars qui discute avec une fille. Ils sont assis à une bonne vingtaine de mètres l'un de l'autre, et parlent donc fort pour s'entendre. Je comprends pourquoi : il voyage avec son chien, et elle fait la manche et est en train de garder tous les chiens de la bande, il y en a une petite dizaine. Elle reste soigneusement assise parce sitôt qu'elle fera mine de bouger toute sa meute partira dans toutes les directions.


A côté de moi, quelqu'un me demande "Vous aussi vous rentrez aux Arcs ?" Moi: "...?" (mais qu'est-ce qu'il me veut ce gars et puis d'abord qu'est-ce qu'il raconte et pourquoi toujours moi ?) C'est un gars qui était dans le même wagon que moi hier, et qui rentre d'un entretien d'embauche. On papote un peu, et puis on va boire un café dans le bar d'en face de la gare, en terrasse... là où on peut fumer avec un café !! (ce sont des petits luxes comme ça qui font voir à quel point les journées ensoleillées, c'est chouette)


14h24. Montée dans le train. Le commandant de bord prend la parole. Il a un accent marseillais comme on n'en fait plus, ça fait rire tout le monde et moi, j'adore ça.


14h25. J'entends une demoiselle devant moi qui raconte à son voisin qu'elle a passé son anniversaire dans le train. C'est drôle, moi aussi. Je me sens moins seule.


14h36. Le gars devant moi a déjà passé trois coups de fil alors que le train n'est pas encore parti. Là il raconte à sa cop's qu'il va à Sanary... faire du ski. Moi je vote, je dis qu'il pipeaute. (ou alors ces bordelais, y z'y connaissent fichtre rien en géographie)



14h39. Le train démarre.


17h34. Croisé un magnifique milan perché sur un arbre solitaire au milieu d'un champ de blé tout vert. Quand je vois ce genre de choses d'un train c'est comme si on m'avait confié un secret rare. Combien de passagers de ce train ont-ils partagé cette impression ?


17h37. On passe Carcassonne. Pas de chevaux en vue cette fois. Il y a un joli parc en contre-bas avec de grands arbres encore encore nus de leurs feuilles, immédiatement suivi d'un bloc de jardins ouvriers ; je trouve toujours ça délicieusement bohème, les jardins ouvriers.


17h53. Je me remets un peu à composer de la musique sur mon ordi, ça fait longtemps que je ne l'ai plus fait. Pour commencer (et me redonner envie, ou confiance, ou les deux) j'écoute le dernier morceau que j'avais fait : il est quand-même pas mal du tout je trouve. Bon, c'est pas du Mozart non plus mais à mon petit niveau de non-musicienne je suis plutôt fière de moi.


[ Quand je tape "Mozart", mon correcteur d'orthographe me le souligne. Alors je regarde dans la liste des propositions de correction, des fois que je l'aie effectivement mal orthographié... et là il me propose soit "Mazot" (inconnu au bataillon) soit "Mazout"... mais bien sûr ! ]



18h01. Gare de Narbonne, sans doute. Je me demande pourquoi il y a toujours des wagons complètement graphés à l'entrée des gares. Est-ce que c'est un moyen de savoir dans quelle gare on est ? J'aime bien en tout cas, ça fait de la couleur et c'est beaucoup plus sympa que les dessins moches du Téoz (vivement qu'ils soient un peu graphés, ceux-là).


18h12. On arrive à Béziers. Je viens de rater une photo excellente, mais c'est comme ça le train, si on n'a pas son appareil tout le temps à la main on rate plein de trucs.


18h31. On passe à Sète. La nuit tombe sur la petite ville, sur les parcs à huîtres à ses pieds et sur les éoliennes au fond du paysage. J'écoute Ferré, c'est beau.


Elle est jolie la gare de Sète, elle sent l'iode et elle me rappelle le jour où j'avais fait demi-tour parce que mon train avait trop de retard, et j'étais rentrée chez moi, ça m'avait fait le même effet que quand je faisais le mur à la maison pour aller passer la nuit chez mon chéri de l'époque, en traversant la colline, à la lumière des étoiles, et que quand j'arrivais il n'avait pas fini de dîner et je regardais la famille assise à table, les parents et les deux frères, et moi dehors les observant sans qu'ils le sachent par la porte-fenêtre du salon, sur la terrasse, devant la porte de sa chambre, attendant qu'il se lève, sorte et sursaute de ma présence. Comme d'être quelque part où l'on est bien mais sans que personne ne le sache.



18h37. Une enseigne : "Fiat Marée, poissonnerie". Miam miam, une limande avec toit ouvrant et autoradio de série.


18h40. The Beatles, Lucy in the sky with diamonds. Ça fait "Picture yourself on a train in a station..." Bizarrement ça me parle, allez savoir pourquoi.


18h51. Suis allée fumer une clope à Montpellier : je me suis fait choper par un flic qui m'a expliqué qu'ici la préfecture a décidé d'interdire partout, même dans les parties complètement découvertes. Pfff c'est nul ! Et c'est encore plus nul pour ces pauvres policiers qui sont obligés de passer leur journée à faire des allers-retours sur les quais pour interdire aux gens de fumer.


20h10. On arrive vers Marseille, plus que quelques minutes. On passe devant la Friche Belle de Mai. Je range mon ordi... et zou, un coup de voiture et à la maison.



2 Commentaires :

mowglinomade a dit...

J'aime beaucoup tes chroniques de la vie ordinaire. Mais encore plus quand ca évoque pleins de choses pour moi. Et la, c'est tout pareil (un peu moins long, les trajets, cette année). Je prend le dernier train du mardi soir pour mes cours du mercredi. Il arrive à 23H45 à gare de l'est, et dès qu'il y a du retard, c'est la panique (j'ai déjà traversé Paris à pieds la nuit avec mon sac, c'est joli mais ca ne rend pas frais pour le cours du lendemain).
Et tes histoires de clopes me rappellent celle de ma belle soeur (habite à Paris, ATER a Strasbourg, accouche en ce moment même ou demain): elle avait arrété de fumer pour la 100e, depuis 2 jours (grossesse oblige), et pour une fois ca se passait plutit bien. Manque le train pour Paris,change de gare, prend un train pour Metz, qui a des problèmes, rate la correspondance pour Paris, attends deux heures, et prend le train suivant. Pendant tout ce temps,résiste à l'envie de fumer. Train qu a lui même une heure de retard. Arrive à Paris à 21 heures, crevée. Pas de mari, coincé dans la queue au supermarché. Et la, clope...

Mimille a dit...

Je me doutais que ça allait t'évoquer des choses ;-)

C'est drôle pour la clope. Avant, quand c'était autorisé sur les quais, je n'avais pas toujours envie de fumer et m'en passais parfois sans mal pendant tout le trajet. Mais depuis le 1er février, ça doit être la rigueur de l'interdit, je me sens coincée et ça me donne d'autant plus envie de fumer.

J'ai bien envie de faire un billet centré sur les émotions que ça donne, de faire tous ces km rien que pour une ligne sur le CV (parce que ce n'est pas pour les sous: rien qu'avec les billets de train je gagne finalement moins qu'au chômage). Mais ce n'est pas si facile que ça de l'écrire, ou alors j'ai le trac, je ne sais pas. Ou alors quand les émotions affluent je n'ai pas de quoi les noter...