J'aurais voulu titrer "Une nouvelle vie s'ouvre", et même que, d'une certaine façon, je pourrais le faire. Mais ce n'est pas exactement ce que j'attendais. Ce que mon orgeuil attendait en tout cas. Ce que mon naïf espoir dans les contes de fées où le héros gagne à la fin, attendait.
Campagne de recrutement enfin terminée. La troisième. Toujours rien. Et j'y ai cru encore cette année, j'ai cru en lisant certains descriptifs de postes que je saurais être la bonne dans 2, peut-être 3 cas. On ne m'a laissé ma chance que dans un seul, qui s'est finalement conclu un peu comme les autres, par une déception, toujours un peu la même, toujours pour ces mêmes raisons que la majeure partie des jeunes docteurs en recherche de poste connaissent, ce qui fait que l'on devient usé avant l'âge, blessé, vaincu, amer, blasé, haineux parfois. Pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le travail.
Alors en l'espace de quelques heures, je suis passée de la colère (envie de claquer la porte de mon labo — qui n'avait pas grand-chose à voir avec la situation — en hurlant ma rage), au fatalisme (j'aurais pas dû y croire, je sais trop bien comment ça fonctionne, ben si c'est comme ça j'arrête, puisque je n'arriverai jamais à être la personne arrivant dans les conditions — politiques, disons — requises), puis au désespoir (j'ai gâché ma vie jusqu'ici, j'ai consacré 30 ans à constuire quelque chose qui est sans espoir, comment est-ce que ja vais bien pouvoir réussir ma vie à présent, je suis foutue), et finalement à la simple tristesse (je suis dégoûtée, donc j'arrête, je prends le temps de me reconstruire, je prends du recul, et puis si jamais un jour j'ai envie de tenter le coup à nouveau on verra bien, mais pour l'avenir immédiat c'est fini).
Tristesse de devoir abandonner quelque chose qui me tient à coeur, depuis longtemps, quelque chose dans laquelle j'ai beaucoup investi. Mais c'est un peu comme dans Les invasions barbares, quand la junkie constate que tout ce que le héros aime dans la vie ce sont des choses dont il ne peut plus jouir à présent, et que donc cette vie-là qu'il aime, est révolue : ce n'est pas ce que j'ai fait ces dernières années qui m'a plu, c'est ce que je faisais avant. Depuis que j'ai commencé à faire des choses contre lesquelles je m'élevais au départ (faire des contrats courts, écouter les autres qui me disaient qu'il fallait être mobile), je me suis usée. J'y ai perdu mon temps, mon énergie, mon entrain, mes capacités à m'investir (comment faire des choses constructives quand on est là pour un an et qu'il faut ce temps-là au moins pour prendre ses marques quelque part, pour s'imprégner du lieu et de ses us ?), ma volonté, mon imagniation et mes idées.
Fatigue d'entendre qu'il faut être mobile, sortant de la bouche de maîtres de conférence qui se recrutent en local sur les postes de profs (...et où ils avaient déjà été recrutés localement en MCF). Fatigue de l'entendre encore et toujours, même alors qu'on l'est depuis 3 ans. Fatigue de constater que ça ne sert à rien puisque de toute façon, un énorme dossier ne sert, au mieux, qu'à passer derrière des candidats à qui l'on ne demande ni d'être extérieur, ni d'être mobile, ni même d'être forcément meilleur. Au pire, ça sert à être écarté d'un concours pour éviter la concurrence.
Alors j'ai pleuré, pleuré, souvent depuis 36 heures, pour diverses raisons.
Ça fait tellement bizarre de penser que ça y est, j'y suis, le moment est arrivé de passer à autre chose. Et puis ça ne se fait pas vraiment comme je l'avais pensé, puisque j'ai devant moi quelques mois de bonheur scientifique en perspective, quelque chose d'inattendu mais qui tombe à pic, de quoi finir en apothéose (et sans la pression des concours, cette fois), de quoi retrouver mes plaisirs initiaux à ce métier juste avant de le mettre de côté.
C'est à la fois très chouette et effrayant.