lundi 13 octobre 2008

Bazar du lundi matin

Quelques gouttes de pluie ce matin. Le ciel est bas et gris, quelques oiseaux osent chanter, réfugiés sur le toît pendant que les chasseurs tirent en bas dans les bosquets. Casquettes orange vif que l'on voit pointer entre les branches à intervalles réguliers, grelots et cloches des chiens : ça n'a que peu à voir avec les chasseurs qui cherchent à se cacher pour ne pas être vus du gibier, et se fondent dans la nature pour s'inscrire dans un certain équilibre.


Mon mari est tombé malade à peine quelques heures après m'avoir dit entre ses dents, en rentrant du travail, qu'il était en colère contre le monde entier, parce que le monde entier avait des enfants et pas nous. Puis la fièvre est arrivée et l'a fait pleurer pendant presque toute la semaine. Ma sage-femme m'avait expliqué une fois que la composition des larmes n'était pas la même quand on pleure pour se débarrasser d'une poussière p.ex., et quand on pleure de chagrin ou de douleur : j'aurais été curieuse de savoir quelle était la composition de ses larmes cette fois-ci.


Moi, pendant ce temps, j'ai voulu être "forte" pour l'aider à tenir le coup, être vigoureuse et joyeuse et énergique pour deux. Mes efforts m'ont conduite à un mal de gorge cuisant, qui a disparu quelques heures après avoir pu pleurer tout mon saoul dans ses bras en lui disant tout ce qui se bloquait dans ma tête.


Et il y en a, des choses coincées là-dedans. Quelques jours après l'accouchement je disais déjà que je voyais qu'il y avait une partie de moi que j'avais enfermée et rien que d'y penser j'en avais un vertige fou. J'en ai déjà parlé un peu ici : j'arrive à faire des projets à moyen ou long terme, mais rien pour le présent, et surtout rien pour moi-même. Enfin, je me rends bien compte que c'est faux puisque je m'en sors, et plutôt pas trop mal pour le moment. Mais quand la peine me saisit... je ne vois plus rien clairement. Je me mets à porter un regard qui trouble tout ce que j'aperçois, le travail que je n'ai aucune envie de reprendre, l'aménagement de la maison que l'on n'arrive pas à faire avancer aussi vite que l'on voudrait, les chevaux dont je voudrais m'occuper plus mais je n'y arrive pas, cette peur qui me tenaille de perdre encore quelqu'un, le vide que mon enfant ma laisse. Il m'arrive à certains brefs instants de me surprendre à penser que tout cela n'est qu'un mauvais rêve et que mon fils est là, qu'il va arriver, qu'il est vivant, que c'est juste un moment d'angoisse qui suit tous ces longs mois de questionnements, de chambardements.


Mais non. Mon fils est mort et il pleut ce matin. Notre maison est devenue une habitation pour deux personnes. Je suis en congé et je devrais en profiter pour préparer un nouveau dossier de candidature pour cette année, parce que j'ai décidé de tout refaire à partir de ce que j'ai appris ces deux dernières années, de ce qui a fonctionné, et ce qui a juste fait bonne impression mais sans m'ouvrir de portes. Que si j'attends de reprendre le travail pour le faire, je n'aurai pas le temps de faire ça et de la recherche en même temps, et que ça fait trop longtemps que je n'ai pas fait de recherche intensive, qu'avant ça me plaisait, que l'envie devrait revenir avec la pratique, avec l'approche d'une solution à un problème, avec la sensation d'aller dans la bonne voie, avec la hâte fébrile de voir les résultats d'un test, avec les réponses que l'on voit apparaître des erreurs que l'on trouve.


Oui, j'en parle bien ;-) mais tout ça n'est que de la théorie. Dans la pratique, la première chose que je devrais faire c'est de me chercher un job pour quand j'aurai fini mon postdoc, ce qui va arriver assez vite, et pour cela je n'ai aucune énergie qui me vient.


Et puis dans l'immédiat, mon énergie va se concentrer sur le ménage de la maison qui est devenue un véritable champ de bataille depuis les pluies diluviennes de la semaine dernière... vivement que l'on ait pu planter le gazon.


A part ça, profitant d'un stand qu'ils avaient installé à la fête de la courge, ce week-end j'ai enfin adhéré à Kokopelli (y'a aussi leur futur site, en cours de construction, ). Ça a été une rudement bonne occasion et j'en suis très contente. Et de les rencontrer, en chair en os (...et en sachets de semences !), ça a été une très chouette rencontre.


17 Commentaires :

samantdi a dit...

Bonjour m'irza,
Ici il fait gris aussi, mais très doux...

Le temps du deuil, un temps qui s'étire, parfois avec ce vertige que tu évoques si bien, l'incrédulité, la colère et des moments de rencontre, aussi, à travers le chagrin, comme à "la fête de la courge".

Simplement te dire que je te lis, que d'ici je t'accompagne, sans pouvoir rien faire de plus, rien faire de mieux mais que tout cela m'importe, nous importe.

Affectueuses pensées à vous.

Cécile a dit...

Le deuil, cet entre-deux douloureux et inconfortable, qui fait naviguer entre deux réalités, celle d'hier et celle d'après, de plus tard, mais un plus tard dont on ne sait rien. Ton présent est comme un grand pont un peu instable mais qui te mènera à bon port... Il y aura encore quelques maux de gorge, des larmes aussi, des envies de ci sans le courage de ça et puis, un jour, tu seras de l'autre côté de ton futur... Tu es en chemin...

Anonyme a dit...

Ça coince, ça sort peu à peu, il me semble que c'est bien ...
Je pense à vous.

mowglinomade a dit...

C'est ne jamais pleurer, ne jamais craquer, vivre comme si de rien n'était qui serait bizzare. cela voudrait dire que tout aurait tout verrouillé. Comme dit Zelda, tu sors toute cette douleur de toi au fur et à mesure, c'est tout

Mel a dit...

Ho Mirza... Mon compagnon a mis ma plaquette de pilule à la poubelle il y a deux jours seulement, et tout de suite, j'ai pensé que je n'avais pas pris de tes nouvelles depuis longtemps, que ton témoignage me serait précieux pour une future grossesse que j'idéalise simple et naturelle.
Je ne m'attendais pas à cette issue si brutale et si éloignée de tous les rêves qui entourent cette période.

Je pleure avec toi et te dis toute ma compassion, même vaine et lointaine.

Anonyme a dit...

Comme si ça allait être rapide, ma belle...
Le temps est votre allié, bien que parfois vous ayez l'impression qu'il coule trop vite, et parfois trop lentement.
Alors pleurez, laissez tomber la pluie, recontruisez votre nid petit à petit.
L'apprentissage de l'absence.

Valérie de Haute Savoie a dit...

Oui comme le dit Samantdi, nous te lisons, tentons comme nous le pouvons de t'accompagner dans cet après si douloureux.

Lise a dit...

De tout cœur avec toi, m'irza.
Cette absence d'énergie que tu ressens, c'est peut-être l'extrême concentration dans le présent intense du deuil. Qui sait dire combien de temps sera nécessaire pour que l'absence se transmute ?
Je t'embrasse fort.

Tellinestory a dit...

Ce temps là, c'est de la vie quand même. Bouleversée, télescopée, de la vie. Où l'on s'aperçoit que l'on vit avec des plans différents, des strates mêlées, une main pour quotidien, une voix pour celui qu'on aime et qui n'est plus, des bras pour ceux qu'on aime et qui sont là, la peau qui cherche ses contours. De la vie à vivre jusque à ce que la cacophonie s'estompe, le temps remet une unité là dedans, un nouveau fil conducteur se dessine. Rien ne s'oublie, on sédimente.

Je vous embrasse.

Anonyme a dit...

Je sais qu'il n'y a pas de mots assez forts pour le réconfort, là, de loin.
Alors juste pour te dire bon courage, de tout cœur.
La vie est peuplée de malheurs de passage mais le temps gris précède toujours un grand soleil. Même si c'est toujours dur à apercevoir quand on est encore sous les nuages.
Tu en parles bien de tout ça. En parler c'est déjà un pas.
Bon courage pour vous deux, et ceux qui vous entourent.
Amandine

Anonyme a dit...

j'avais un peu oublie, avant de lire ces commentaires si touchants,qu'il existait sur cette terre tant de volont� d'aimer, tout simplement! merci pour elle, pour lui pour eux. et pour nous aussi. se confier , c'est si important! courage � toi Mirza! et merci pour cette rencontre de lundi ...

Anonyme a dit...

j'ai lu les autres mess.avant moi;ils sont tous si touchants et si bons en conseil;
courage à vous deux;
moi tu sais je suis une maman qui voit sa fille se désespérer parce que bébé n'arrive pas;et maintenant elle commence les fiv;
et moi j'ai mal pour elle comme j'ai mal pour toi;
encore avoir beaucoup de forces à vous tous,
je t'embrasse

Anonyme a dit...

Tu m'as passe ton angine! j'esp�re au moins que toi tu ne l'as plus!
oui, recommencer sur de nouvelles bases ton projet professionnel me semble de bon aloi! car de toutes facons tu es "differente" aujourd'hui! alors , courage!
tu ne peux pas savoir la cl� que tu as ouverte lundi en "me"devoilant a moi-meme le sens que peut avoir un mot choisi plutot qu'un autre dans une expression que tu reconna�tras... tu as declanche un processus qui restait coince depuis un bon bout de mois en moi... et tu viens de me faire decouvrir par la, les "choses � dire dans un de mes livres dont l''ecriture restait en suspens...( ou suspend!) alors merci! j'y travaille... gros bisou!

Anonyme a dit...

Pleurer, crier, et pleurer encore... c'est bon pour la tete et pour le corps; c'est bon pour plus tard, ou vous pourrez laisser le chagrin derriere vous.
Ne pas s'auto-censurer pour les pleurs, c'est aussi preparer une vie plus douce, apaisee... une vie d'acceptation de la vie à nouveau, pour dans quelques mois ou un peu plus.

Mema a dit...

Je n'ai pas de mots;
Juste te dire que je te lis, que je pense à toi très fort, que je ne peux pas faire grand chose, mais que je suis là quand même.
Affectueusement

Anonyme a dit...

Vous êtes dans un entre-deux difficile, où les larmes sont nécessaires. Prenez votre temps..

Affectueuses et douces pensées

Anonyme a dit...

pendant longtemps, je ne pouvais pas poser les yeux sur les femmes potentiellement enceinte... et puis ça passe, on oublie pas, c'est juste moins douloureux mais en attendant il te faut être forte en effet pour rester debout, alors courage
des listes, je fais des listes et m'oblige à être en mesure de cocher chaque jour, il y a la liste "maison" la liste "boulot" et la liste "moi" ... le temps du deuil, vivre les émotions pleinement parce que ça nous construit
je t'embrasse