lundi 1 décembre 2008

Par petits bouts

Alors que je cherche ce que je vais écrire ici (ça fait quelques jours que j'en ai envie mais je ne sais pas par quel bout commencer), je me rends compte que toutes les idées qui me viennent à l'esprit sont de l'ordre du faire, et rien de l'être. Je remarque ça parce que quand j'essaie de me souvenir de mes billets d'il y a un an ou plus, il me semble qu'ils parlaient beaucoup de l'être.


Après avoir jeté un coup d'œil sur les billets de l'an dernier à cette époque [ et après avoir également fait mille choses imprévues qui m'ont occupée toute la matinée finalement : descendre chercher un café et entendre le proprio, le garde-champêtre et un ami qui papotent en bas avec mon mari, aller leur dire bonjour et mettre la main dans l'engrenage ] après tout ça, donc, j'ai vraiment cette impression, ces jours-ci en tout cas, de m'empêtrer dans le faire.


M'occuper des chevaux : leur donner à manger, au moins le soir et si possible le matin aussi ; aller les caresser tous les uns après les autres pour qu'ils s'habituent à moi, pour assurer le contact, pour vérifier qu'ils vont bien ; en prendre un chaque jour et le panser pour lui faire du bien ; arranger ce que je peux dans la carrière en attendant le tractopelle pour faire les travaux qu'il reste ; arranger la sellerie et trouver une place pour nos selles et nos affaires ; ajuster le licol "éthologique" que je me suis fabriqué sur le cheval auquel il est destiné et commencer à lui faire faire des jeux ; longer une autre jument, qui en aurait bien besoin ; mettre de l'argile sur le dos d'une autre... Et ne jamais être satisfaite parce que je ne fais pas tout ce que je voudrais faire chaque jour, parce que je n'en fais pas assez.


Reprendre le travail : écrire quelques articles qui manquent à mon CV pour qu'il soit intéressant cette année ; finir mon dossier de qualification dans l'autre section où je peux la demander question d'avoir un dossier encore plus complet (oui ça y est, je me suis décidée à la demander, depuis le temps que j'avais la flemme) ; finir aussi la structure générale de mon futur dossier de candidature pour le CNRS et pour les éventuels postes de MCF qui paraitront, peut-être, cette année ; commencer (au moins) à écrire deux articles qui trainent depuis bientôt un an... Et ne jamais être satisfaite parce que je ne fais pas tout ce que je voudrais faire chaque jour, parce que je n'en fais pas assez.


Quant au reste... c'est tout pareil : je m'occupe plus de ma maison que je ne l'ai jamais fait mais ça ne me suffit toujours pas (faut dire, les pluies n'arrangent rien, avec leur lot de flaques de boue et autres fuites un peu partout...) ; je n'ai pas commencé mes cadeaux de Noël (et ma maman m'a soufflé l'autre jour qu'elle attendait toujours que je fasse des cosmétiques comme je l'avais promis l'an dernier, puis abandonné pour cause de "j'y arrive pas je trouve pas ce qu'il me faut j'ai pas le temps et puis je vais être ridicule tout le monde va se moquer de moi") ; je vois bien que le temps passe, je voudrais écrire un petit mot ici par jour et je n'y arrive pas, je voudrais suivre tous les blogs que j'aime mais je n'en trouve plus le temps... Et je ne suis jamais satisfaite parce que je ne fais pas tout ce que je voudrais faire chaque jour, parce que je n'en fais pas assez.


(...)


Tiens, même ce billet, en fait. Je l'ai commencé samedi matin, continué samedi midi, et je n'ai plus trouvé le moyen d'y remettre le nez avant maintenant. Alors oui, en général quand on ne trouve pas le temps de tout faire c'est plutôt positif, ça prouve qu'on s'occupe, mais j'ai sans cesse cette impression de ne pas en faire assez. De ne rien faire, même quand je n'arrête pas. Et tout ce qui se presse dans ma tête, et tout ce à quoi je devrais consacrer du temps mais je ne peux pas tout faire il faut que je choisisse et je ne le fais pas, alors je fais tout à moitié. Je pourrais être contente de varier les plaisirs. Je pourrais savourer mes derniers jours de congé maternité avant la reprise du travail. Mais dès que je choisis une chose, au lieu de la savourer je pense à tout ce que je pourrais faire à la place. Au lieu de bloguer ce matin, j'aurais pu aller donner à manger aux chevaux ; j'aurais pu aller boire un café chez la propriétaire et discuter avec tous ceux qui sont là ce matin ; j'aurais pu prendre mon balai et nettoyer la maison ; j'aurais pu avancer mon dossier de candidature ; j'aurais pu commencer à faire le tri de ce que j'ai pour faire des cosmétiques et faire la liste de ce qu'il me manque (tant qu'il est encore à peu près temps de commander)... mais si j'avais choisi quoi que ce soit d'autre j'aurais regretté de ne pas faire ce billet.


Et les photos ! Ça fait tellement longtemps que je traine mon appareil partout avec moi sans arriver à faire de photo. Je me souviens des images de l'an dernier à Barcelone, j'en avais tellement que je n'ai même pas fini de les mettre en ligne ici, il y en avait tellement que j'aimais !


C'est drôle comme ce séjour à Barcelone est resté pour moi, tout au long de cette année, comme un repère par rapport auquel je comparais ma situation. A Barcelone j'ai passé des jours magnifiques, je me sentais bien, heureuse, très profondément, et je ne me posais pas de question. C'est là que l'on a conçu notre fils qui n'a pas vu le jour. Je me souviens des matins où l'on se levait tôt avec mon mari pour avoir un moment rien qu'à tous les deux, et on allait boire un café à côté du marché qui se mettait doucement en route, on voyait le jour se lever sur la ville et toutes ses couleurs, on savourait le doux froid du matin catalan, on se regardait, on riait, on avait une connivence qui rendait ces moments magiques.


Puis est arrivée une longue période difficile. La grossesse et tous ses chamboulements auxquels je ne m'attendais pas et que je combattais malgré moi au lieu de les laisser s'exprimer ; les concours de recrutement, lassants et tristes ; les derniers mois de travail où je n'y arrivais plus. Comme si j'avais perdu la flamme. Les larmes, les douleurs, les silences et la nostalgie. Je voudrais revenir à un équilibre.


Dire que je me sentais en approcher ces dernières semaines. Je me sentais plutôt bien, équilibrée, en retour vers moi-même. Mais tout ça ne tient qu'à un fil qui s'est à nouveau rompu il y a environ une semaine, je ne sais pas pourquoi. J'ai recommencé à me sentir mal dans ma tête et dans mon corps, à ne voir que le verre vide, ce que je ne fais pas, ce que je fais mal, ce dont je n'ai pas envie. Chaque jour je me dis qu'il ne tient qu'à moi de changer cela mais je n'y arrive pas. Alors je me dis qu'il faut attendre, être patiente, mais j'ai peur que tout ce mal s'installe en moi et s'y mette à l'aise, y reste pour longtemps.


Le faire, donc. Le faire pour ne pas être. Et avoir peur de mes élans, me sentir en échec constant. Le bien comme ridicule compensation à l'illusoire mieux que je m'interdis d'atteindre par des barrières que je dresse moi-même. Ne pas arriver à reconnaître les petits pas, ne pas les apprécier pour ce qu'ils sont et ne voir que des envies gigantesques vouées à l'échec dès le départ. Ce n'est pas nouveau : je crois que j'ai toujours un peu fait comme ça. Qu'il n'y a que dans l'urgence, dans la tension intenable, dans la menace de la rupture soudaine et totale que j'ai réussi à me sortir légèrement de cela à chaque fois. Je voudrais juste être un peu tolérante vis-à-vis de ce que je fais, et puis aussi de ce que je suis, je voudrais juste être un tout petit peu contente de moi parfois.

7 Commentaires :

Anonyme a dit...

voudrais tu être qqun d'autre? Je pense qu'après tout ce que tu as vécu jusqu'ici, tu peux être contente d'être comme tu es... (j'utilise "être" involontairement)
Aurore

Anonyme a dit...

Il y a très longtemps, un type, Jerry Rubin je crois, a écrit un bouquin intitulé "Do it".
Faire, au lieu de (uniquement) dire.
Tu me sembles dans la bonne voie.
Mais n'hésite pas à écrire, j'aime te lire, on est probablement plusieurs, et nombreux, à aimer te lire, continue s'il te plaît!

Donna a dit...
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Donna a dit...
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
malie a dit...

Aurore > Ça, c'est une question que je ne me suis jamais posée. Jamais en ces termes, en tout cas...

Alors : Non, je ne voudrais pas être quelqu'un d'autre. Je voudrais être moi... mais en mieux.

(Ouais, c'est pas gagné...)

Anonyme d'Eolienne > Aaaah, combien de fois a-t-on palabré sur les différences entre le dire et le faire, sur OPLF !!! A s'en emmêler les doigts sur le clavier ;-) Et même que, avec du recul, je crois bien que c'est ce genre de conversations qui à chaque fois a été à l'origine de la fermeture du forum par le chef, et par le départ de membres par groupes entiers...

Mais ce que tu dis là me fait penser que, tout comme je refusais alors de faire une différence directe entre dire et faire, il ne doit sans doute pas y avoir d'opposition entre faire et être.

Et puis ça résonne aussi avec cette phrase de Jean Sur que j'adore mais que j'avais oubliée, et que j'ai retrouvée il y a 3 jours comme un clin d'oeil :
<< Penser ce qu'on sent, dire ce qu'on pense, faire ce qu'on dit. >>
Une petite cure de Jean Sur, ça ne me ferait pas de mal ces temps-ci ! :-)

Donna > J'efface à ta demande, et je te réponds par mail...
(Mais ils sont publiés automatiquement, je ne modère pas les commentaires a priori, je ne peux que les effacer une fois publiés - sinon tu peux m'envoyer directement un mail si tu veux)

Anonyme a dit...

Sinon t'as vu le nombre de postes au CNRS: 300 (alors qu'il y en avait 400 pour la session 2008).
Tu vas aussi postuler pour les chaires MCF/CNRS? ok y en a que 90 mais bon.

malie a dit...

drmouton > Oui, ils disent que ça fait 300 postes CNRS + les 90 chaires et que du coup ça ne réduit pas les recrutements. Sauf que forcément c'est les postes de MCF qui vont réduire par la même occasion...

Alors oui, je vais candidater sur les chaires aussi, tout au moins s'il y en a dans mon domaine. J'ai lu que sur les 90 il y en aurait qqch comme 12 ou 17 pour l'ensemble
des sciences humaines et sociales. Autant dire qu'en avoir une dans ses cordes, déjà, c'est Byzance.