Meerkat a répondu à 5 questions posées par Dieudeschats (et elle même a eu droit à un second tour par Naya), et moi de répondre à sa suite aux 5 questions qu'elle m'a posées.
J'ai passé la journée d'hier à penser, régulièrement, aux questions. Et comme Moukmouk, je pense que je vais consacrer un billet à chacune d'elles, parce que c'est intime et que ça le vaut bien.
Avant de répondre, je copie-colle la règle du jeu :
1. Laissez-moi un commentaire en me disant un truc aléatoire, comme vos paroles préférées dans la chanson que vous écoutez tout le temps ces temps-ci. Ou votre type préféré de sandwich. Un truc aléatoire. Ce qui vous tente.
2. Je répondrai en vous posant cinq questions pour avoir une chance de vous connaître mieux.
3. Vous posterez vos réponses sur votre blog (ceux qui n'en ont point peuvent bien sûr répondre dans les commentaires)
4. Vous devrez mettre cette explication sur votre blog et proposer de poser des questions à vos lecteurs.
5. Vous poserez alors cinq questions aux personnes qui commenteront.
Et puis voilà les 5 questions que Meerkat m'a posées :
1 - Qu'est-ce qui t'attaches tant à l'endroit où tu vis ?
Réponse ci-dessous.
2 - Quel est le travail que tu aimerais vraiment vraiment faire et pourquoi (hors considérations pratiques, faisabilité et autres) ?
Réponse ici.
3 - Comment te définirais-tu ? (paf, la question qui tue)
Réponse là.
4 - Que te racontent les plantes et les herbes que tu aimes voir et photographier ?
Réponse là.
5 - Que t'apporte ton blog, en positif et négatif ?
Réponse là.
Dans ce billet, je réponds à la question 1,
Qu'est-ce qui t'attaches tant à l'endroit où tu vis ?
C'est surtout cette question qui a retenu mon attention toute la journée d'hier. Je reviens de vacances. Je suis partie en vacances, dans mon pays, en Provence. Je n'ai même pas besoin de quitter cet endroit pour me sentir dépaysée, pour m'émerveiller, pour me changer les idées. C'est drôle, quand-même.
Avant-hier, quand je suis rentrée de mes vacances donc, j'ai retrouvé la vue de l'endroit où je vis et ça ne m'a pas fait plaisir. Pas que ce n'était pas beau, mais je n'avais pas envie de regarder, de voir. J'avais encore les yeux remplis du Verdon, du vertige des falaises, du serpent de la rivière, des couleurs des roches, des vautours et des aigles du ciel. Je ne voulais pas retrouver ma Sainte Victoire.
Et je repensais à toutes les fois où je rentrais de Bordeaux cette année. J'arrivais à la gare de Marseille, je montais dans la voiture, je regardais la route défiler, mais le seul moment où je commençais à me sentir arrivée c'était quand j'arrivais dans la haute vallée de l'Arc, quand je voyais la Sainte Victoire se dresser avec ses couleurs toujours inattendues, quand je voyais les anciennes restanques se dessiner sur la jupe du Cengle, quand je retrouvais mes arbres du bord de la route, ceux que je connais pour leur être passée devant pendant toutes ces années, et que j'ai appris à identifier au fur et à mesure, à distinguer, à reconnaître, à voir évoluer.
Et je repensais aussi à l'époque où je travaillais quotidiennement à Aix et que le soir je rentrais par la petite route de Saint Antonin sur Bayon, je grimpais sur la face sud de la Sainte, en roulant lentement, en respirant ces paysages incroyables que j'avais la chance de croiser matin et soir. J'appréciais tellement cette route, un peu longue mais si belle, je me souviens que je savais qu'en hiver on avait plusse de visibilité dans tel virage parce que tel arbre avait perdu ses feuilles, je savais à quel moment je risquais de croiser le bus qui roulait à toute allure suivant l'heure qu'il était, je savais à quel moment je pouvais commencer à surveiller le ciel au cas où j'y croiserais un aigle de Bonelli. Et tous les jours, je me disais que je ne pourrais plus vivre sans ça. Sans cette vue, sans ce paysage, sans ces couleurs, sans cette nature. Que jamais plus je ne pourrais vivre en ville (je ne l'ai fait que pendant mes trois premières années à Aix, mais ça m'a largement suffi).
Quand j'étais gamine, fille unique vivant à une cinquantaine de kilomètres de ses copines d'école, dans une maison isolée sur une petite colline au-dessus du village, je partais relativement souvent marcher dans la coile au-dessus de la maison. Je m'asseyais sur une restanque et je passais des heures à observer chacune des pierres qui la composaient, ou je m'asseyais dans l'herbe et je regardais les plantes au sol. Je n'y connaissais rien et c'est drôle, je ne ressentais pas le moindre besoin de mettre un nom sur ce que je voyais. Je les reconnaissais, ça me suffisait amplement, il ne m'était pas venu à l'esprit que je pourrais aller chercher dans des bouquins (c'est-à-dire, ailleurs que sous mes yeux) des informations sur ces plantes qui constituaient mon univers.
J'ai toujours eu du mal à quitter les endroits où je vivais. Cette maison de mon enfance, elle a été vendue quand j'avais 17 ans et je connaissais ma colline par coeur, je pouvais l'arpenter en plein jour comme par des nuits noires d'encre, je savais parfaitement ce que j'allais rencontrer. Et puis je suis partie à Aix, j'avais l'impression de quitter mon pays, pour moi c'était une aventure incroyable, je m'aventurais sur des terres inconnues. Et j'ai progressivement apprivoisé mon nouveau milieu. L'une des premières choses que j'avais faites c'était d'acheter une carte du coin pour visualiser ce qu'il y avait autour de la ville, et je l'avais accrochée au mur de mon studio. Je me laissais souvent absorber. C'est drôle, aucun de mes amis n'avait fait ce genre de chose et quand je parlais d'un endroit, aucun ne savait où ça pouvait bien se situer. Quand j'avais un peu de temps je prenais la voiture et j'allais découvrir ce qu'il y avait autour. Peu à peu mon nouveau monde s'éclaicissait, prenait forme. Et plus j'apprenais à le connaître, plus je m'y attachais. J'ai toujours eu une attirance plus marquée pour le sud de la Sainte Victoire, et bizarrement c'est là que se sont situées toutes les maisons que j'ai habitées depuis (je dis "bizarrement" parce que souvent, ça a été le fruit du hasard, ce qui nous guidait était surtout le prix des locations).
Ici, quand je me lève le matin, la première chose que je fais est d'aller aux toilettes. Là j'ai une fenêtre orientée vers le nord qui me donne une vue intégrale de la Sainte, et c'est la première chose que je vois du monde quand je me lève. Ça m'émerveille tous les matins.
Dans ma maison précédente, quand on avait des invités on les faisait se garer sur la grand'place du village qui dominait toute la vallée de l'Arc et donnait une vue sur la Sainte sous un angle assez inhabituel, et eux qui râlaient un peu parce que c'était un "trou perdu" étaient à tous les coups complètement conquis par le paysage. On leur montrait la Sainte, les monts Auréliens en face, on leur montrait que l'on voyait jusqu'aux cheminées de Gardanne. Ils étaient ébahis.
Dans celle d'avant, on emmenait nos invités faire quelques centaines de mètres jusqu'à la barre du Cengle. Là on avait aussi une vue dominante sur la vallée de l'Arc mais de plus près, c'était magnifique. Et puis quand on leur indiquait la route, on leur ajoutait des indications du genre "après tel virage, lever la tête et regarder le paysage". Il y avait des vues à couper le souffle. Nous-mêmes nous étions soufflés à chaque fois.
Plus le temps passe, plus je réalise que ce que j'aime dans mon pays, c'est sa nature. Et plus elle est profonde, plus elle me touche. Alors le Verdon me parle. Plus j'y passe du temps plus je m'y attache. Plus je m'y sens chez moi. Plus je ressens l'appel de cet endroit résonner en moi, plus je sens que je ne suis complètement moi que quand je suis là-bas, loin des sentiers touristiques, immergée dans cette nature sauvage où l'homme a appris par la force des choses à limiter sa place, à faire avec.
Je ne connais pas beaucoup d'autres endroits aussi bien que mon pays. Parce que je n'ai jamais beaucoup voyagé en dehors de chez moi. Mais je sais qu'à chaque fois que je reviens, je sens que je suis chez moi. Je sais que je suis revenue dans mon élément. C'est comme si je me dépliais, comme si je reprenais ma forme naturelle, que je ne peux pas avoir ailleurs. Je sens mon corps à l'intérieur qui change, qui se rouvre, qui se détend. Comme si je n'avais pas rempli mes poumons, battu du coeur depuis que j'avais quitté mon pays. Je me rends compte aussi, à chaque fois que je rentre, que je suis plus émerveillée par ce que je retrouve que je ne l'avais été pas ce que j'avais découvert en partant. Même si c'est un univers que je connais. En fait, plus je connais cet endroit, plus je connais la position des pierres, la couleur des fleurs suivant les saisons, les changements du ciel et les reliefs qui se découpent ou se fondent, les vertiges que l'on peut avoir et les sensations d'infini, les cris des oiseaux, l'odeur des sols après la pluie, plus je connais les gens qui peuplent ce pays pour cette force intime que l'on ressent comme un aimant (comme un amant), plus je me sens attachée à cet endroit. Et je ressens cet attachement presque physiquement.
Voilà pour la première question. J'aurais pu parler aussi du rythme imposé aux hommes par les saisons, de la volonté de protéger ma nature, de cette langue que je ne parle pas, de l'histoire du peuple,... il y a tellement de choses qui m'attachent à cet endroit.