vendredi 23 mars 2007

La montagne

Je viens de la mettre dans un commentaire d'un billet du côté de chez Ma, mais je tiens à la mettre ici aussi, elle est tellement belle, tellement vraie, tellement troublante.



Ils quittent un à un le pays
Pour s'en aller gagner leur vie
Loin de la terre où ils sont nés
Depuis longtemps ils en rêvaient
De la ville et de ses secrets
Du formica et du ciné

Les vieux, ça n'était pas original
Quand ils s'essuyaient machinal
D'un revers de manche les lèvres
Mais ils savaient tous à propos
Tuer la caille ou le perdreau
Et manger la tomme de chèvre

Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol d'hirondelles
Que l'automne vient d'arriver ?

Avec leurs mains dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes
Jusqu'au sommet de la colline
Qu'importent les jours les années
Ils avaient tous l'âme bien née
Noueuse comme un pied de vigne

Les vignes, elles courent dans la forêt
Le vin ne sera plus tiré
C'était une horrible piquette
Mais il faisait des centenaires
A ne plus que savoir en faire
S'il ne vous tournait pas la tête

Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol d'hirondelles
Que l'automne vient d'arriver ?

Deux chèvres et puis quelques moutons
Une année bonne et l'autre non
Et sans vacances et sans sorties
Les filles veulent aller au bal
Il n'y a rien de plus normal
Que de vouloir vivre sa vie

Leur vie, ils seront flics ou fonctionnaires
De quoi attendre sans s'en faire
Que l'heure de la retraite sonne
Il faut savoir ce que l'on aime
Et rentrer dans son H.L.M.
Manger du poulet aux hormones

Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol d'hirondelles
Que l'automne vient d'arriver ?

Jean Ferrat, La montagne. Elle me fait pleurer dès que je l'entends, toujours.


5 Commentaires :

Anonyme a dit...

Réponse faites - et merci pour ces lignes tellement vrai...

Mimille a dit...

Ha ben je vais voir ça alors. Merci Mema.

Unknown a dit...

L'une de mes chansons favorites, merci.

Anonyme a dit...

ce qui est désespérant ... cette chanson a bercé mes vingt ans, c'était il y a un quart de siècle et voilà ;°) on en est là !

Anonyme a dit...

ma montagne... ce n'est pas la tienne certes, et pourtant c'est la m�me... alors, doit-on penser que nos yeux , ou nos coeurs, per�oivent ou ressentent bien differemment les choses? Alors il faut se dire tous que les montagnes, quelles qu'elles soient, sont faites pour �tre franchies. Alors � vos basquets, et surtout essayez d'�tre bien dedans, car la marche est longue longue, avant d'arriver au sommet et de voir enfin d'autres points de vue, (comme au sommet du col de la Colombiere, au dessus du grand Bornand par ex.). L'important enfin c'est d'avoir toujours devant soi une nouvelle montagne � franchir. IL n'y a que l'attrait vers les cimes qui m�rite d'�tre v�cu. cela fait oublier les miasmes morbides de nos villes (ou de nos fichus lotissements aux maisons roses; d'o� l'on peut voir tout de m�me, car il y en a toujours, quelques montagnes qui attirent surtout par ce qu'elles cachent derri�re.)
Jean Ferrat d�cidement fait pleurer beaucoup de monde. � tout �ge! et bien tant mieux, c'est qu'il a vis� dans le mille.