mercredi 31 octobre 2007

La larme à l'âme

Ceci est un billet très, très personnel et qui ne veut surtout pas être une reproduction exacte de la réalité. Juste une collection d'impressions, de sentiments, d'émotions à vif. A vif parce que c'est exactement ça.



Il y a bientôt un an j'ai appris la nouvelle. Je n'étais jamais là parce que tout le temps en vadrouille au bout du monde, je n'ai rien vu venir, mais comment peut-on voir venir une chose pareille, même quand on l'a sous le nez c'est connu que l'on ne voit rien, que l'on ne comprend rien, que l'on se laisse surprendre, d'ailleurs même ceux qui étaient autour d'elle n'ont rien vu.


En fait, je ne l'ai même pas su tout de suite. Parce que ça ne se dit pas et que peu de gens l'ont su, au compte-gouttes. Et comme je n'étais pas là... Et puis un jour, quelques mois plus tard, j'ai pris une bière avec elle et c'est là qu'elle m'a tout raconté. Forte (enfin... "forte", drôle de mot en l'occurrence) de mes quelques rares expériences pouvant plus ou moins approcher de ça, j'ai essayé de la faire parler, de partager ce que je pouvais, avec douceur et tendresse, parce que parler ça cicatrise toujours, au moins un peu. Et puis que pouvais-je faire ? Il s'agit d'elle, pas de moi. Ça, il faut bien le garder à l'esprit.


Et puis toujours, elle ici, moi en constant chemin entre ici et là-bas, pas le temps, pas le temps, la fatigue, mille et mille choses à faire, et puis progressivement au cours de l'année cette dépression qui m'a grignotée jusqu'à ce que je ne puisse plus l'ignorer, et je ne pouvais pas aller la voir, pas de voiture, pas de temps, pas d'énergie, une peur bleue (et tellement conne ma parole !) de l'y voir, de m'y voir. Je prenais des nouvelles par d'autres. La faisais embrasser pour moi.


Je l'ai vue cet été. Ce n'était pas la forme mais elle avait un petit sourire, un sourire de confiance. De protection aussi parce que je crois qu'elle l'a toujours porté celui-là, mais plus ou moins suivant les personnes avec qui elle était. Je me disais que c'était sur les rails, tout ça.


Quelques temps plus tard, nouvelle tentative de la voir mais plus moyen. Quelques infos reçues d'elle et d'autres, j'apprends les dernières nouvelles. Va pas. Pas du tout. La cata. Retour juste après la case départ.


Je l'appelle. Non, même pas ! C'est elle qui m'appelle. Parce qu'elle vient d'apprendre que j'ai eu mon postdoc et qu'elle veut me féliciter. Quelle vieille conne je suis. Je lui avais dit que j'irais la voir, que j'allais avoir bientôt une voiture et que dès que je l'avais je la rappelais pour lui dire quand je venais, et puis la voiture a mis plus de temps que prévu à être utilisable (elle ne l'est d'ailleurs pas encore tout à fait), et puis le temps est passé et je ne l'ai pas rappelée. Quelle conne, mais quelle conne. On n'a jamais le temps, moi pas plus qu'une autre, j'aurais pu, j'aurais dû, pourquoi est-ce que j'ai bien pu la laisser tomber comme ça. S'il y avait un moment, une personne auprès de qui faire un petit effort c'était elle, maintenant.


Je viens d'avoir des amis communs au téléphone. On ne sait pas ce qu'il en est exactement, on a entamé un relais téléphonique d'urgence. Et là, tout d'un coup, au fond de mes tripes j'ai un coup de poignard qui ouvre un grand vide. C'est moi qui l'ai mis ce coup. Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas quoi faire, je sais qu'il n'y a rien à faire, je revois des images d'elle, ses rires presque aussi forts que les miens dans les couloirs, sa collection de chaussures, sa façon de refuser d'aller fumer sa clope au rez-de-chaussée, sa façon de s'asseoir exactement comme moi pendant les réunions, jusqu'aux petites couettes brunes qu'elle arborait pendant le tout premier cours qu'elle m'avait fait, quand je commençais mes études, avec son pull Chipie en laine avec le petit chien de la marque dessus. Son accent magnifique, ses remarques vraies, son tempérament vibrant. Ses blagues, son chien amoureux de notre chienne, son amour pour les séries américaines. Cet apéro qu'on avait fait à la maison, il y a bien longtemps, où on avait tellement ri. Les délicieuses bouteilles de Château Simone qu'elle nous avait offertes. Son rire encore, son débit de parole si rapide et si reconnaissable, ses intonations sincères. Tout ça passe au kaléidoscope des dernières nouvelles. D'une remarque que l'un de nous a eues, que ça finira par arriver de toute façon. Je ne le veux pas. Je ne peux pas l'accepter. Je ne peux pas l'accepter pour y avoir pensé moi-même, en mon temps, aussi, bien sûr, qui ne l'a pas fait ?


Là tout de suite je voudrais la voir et lui dire que je l'aime, juste ça, même si ce n'est pas le truc le plus important pour sa vie, ben dans notre relation entre elle et moi, si peu étroite soit-elle, c'est ce que je ressens. Mais même ça je ne peux pas le faire. Qu'on me laisse lui dire que je l'aime.

6 Commentaires :

Anonyme a dit...

Je trouve tes mots très touchants Mirza. Bon courage pour ton amie et à toi également.

n-talo a dit...

c'est la vie qui va, te pousse, nous pousse , la vie des autres expérimente la notre et vice versa, c'est ainsi fait, voit, j'ai même pas pris le temps de répondre à ton mail parce que justement , je veux prendre le temps mais encore faut-il qu'il veuille se laisser prendre, pas si facile de prendre, il faut donner et sans compter, être sure de la mesure, point trop ni trop peu, alors prends avant de donner pour prendre la mesure de l'expérience en cours parce que y a pas de reset, il faut compter avec chaque avancée sans retour possible sur un autre choix alors même si "j'aurai du, j'aurai pu" et bien non, c'est j'ai fait c'est ainsi et maintenant, être ici et maintenant. une grosse bise mirza

Anonyme a dit...

Nathalie a tout dit. Les regrets ne font que grever le futur, alors fait ce que ton coeur te dit là, maintenant, et ce sera le mieux.
Je t'embrasse fort.
Lise

Anonyme a dit...

Ton billet me touche beaucoup, j'ai l'impression que le fait de l'écrire te change mais je me trompe peut-être, je ne te connais pas très bien, je vais trop peu sur ton blog (j'ai une blogroll trop chargée!). Il y a quatre ans, j'ai perdu l'un des hommes de ma vie, il est décédé avant que j'aie pu lui dire tout ce que j'aurais voulu qu'il sache. Depuis, grâce à lui d'une certaine façon, je ne laisse plus passer d'occasion de dire aux gens que j'aime que je les aime, justement. Je leur fais des lettres, je leur passe des coups de fil, je vais les voir. C'est très important mais il m'a fallu ça pour le comprendre hélas.

jimex2nim a dit...

oui "parler ou é(écrire) çà cicatrise tjs).
Ta force , mirza reste ta capacité à présenter la complexité de nos êtres-chair

malie a dit...

Tous > Merci. Que dire de plus ? C'est trop troublant comme sujet. Mais merci beaucoup. Beaucoup.