jeudi 10 mai 2007

Dans les facs

Hier, je suis allée dans mon ancienne fac. L'allée bordée de cyprès était remplie de phrases taguées au sol, des messages contre la privatisation des universités qui nous pend au nez. D'autres messages plus généraux, aussi, sur le devenir de la société.


Et puis aujourd'hui je lis ça dans Libé :


Tolbiac à fleur de peau. (...) Les étudiant réunis en AG sont sortis sur le parvis, prêts à en découdre. (...) De retour dans l'amphi, l'AG de Tolbiac, réunissant plusieurs centaines d'étudiants, a voté le principe d'un blocage de la fac vers 15 heures. Un premier blocage anti-Sarkozy. « On ne conteste pas l'élection de Sarkozy, explique Jérémie, un membre du Mouvement des jeunes socialistes (MJS) interpellé en début de semaine. De toute façon, il aime trop le pouvoir, ce gars-là : il y restera quoi qu'il arrive. C'est illusoire de penser qu'il y aura une majorité de gauche à l'Assemblée, on doit agir. » « C'est un truc global, lance Laura, une radicale. On est bien d'accord pour dire que la démocratie qui amène ce genre de catastrophe, on chie dessus ! » Durant l'AG, anars de la CNT, trotskistes des JCR, socialistes, syndicalistes de la FSE, de l'Unef et de Sud-Etudiant ont finalement convergé vers une dénonciation des projets du futur président pour l'Université. Certains ont rétropédalé, appelé au calme, d'autres à la révolte.

Je trouve ça étrange.


D'un côté il y a l'élection présidentielle, dont on connaît tous les règles peu importe qu'on les approuve ou non, et dont on sait que même si ce n'est pas la majorité absolue des français qui a élu NS, si les 60% restants avaient tous autant voulu s'y opposer il aurait fallu agir en conséquence, et dans la même direction autant que possible. Hier, j'ai appris que tous les gens avec qui j'ai parlé avaient fait comme moi : beaucoup discuté avec les indécis, aidé à se faire faire une procuration pour les délocalisés, encouragé à voter, débattu sans trève avec des sarkozytes s'ils en connaissaient. Ça n'a pas suffi, et c'est précisément pour ça que l'on doit reconnaître que l'on a complètement échoué (et pour ma part, qu'apparemment je porte des oeillières sur le peuple de mon pays). Parmi ces amis il y avait un restaurateur, mécontent et triste. Et puisque chacun essaie de comprendre ce qui s'est passé lui aussi y est allé de son explication en référence à ce qu'il a pu entendre, en tant que barman : "Le problème, c'est qu'on n'a pas su parler aux beaufs." m'a-t-il confié. Il y a sans doute tellement de raisons finalement !


Et puis d'un autre côté, il y a ces étudiants qui sont tellement tristes qu'ils envisagent de bloquer à nouveau leur lieu de travail, alors qu'ils sont tous pleinement conscients du retard dont ils avaient souffert l'an dernier déjà. Evidemment que ça ne prendra pas cette année, parce qu'on est presque à la mi-mai et que les cours sont bientôt (si ce n'est déjà) finis, et parce qu'on sait que la fac n'est pas un lieu de vie pendant les vacances. Et parce que ce n'est je pense pas la majorité qui pense cela, en tout cas ça m'étonnerait. Mais l'an prochain ? Ça dépendra de ce qui sera passé pendant l'été, et je me doute bien, par contre, que certains suivront attentivement tout ce qui se passera entre juillet et août. Ça dépendra aussi de ce qui se passera pendant l'année. Je ne sais pas. Notre nouveau président n'a finalement aucun intérêt à monter la population contre lui, évidemment, puisque c'est elle qui l'a élu. Donc on verra bien comment il s'y prendra pour faire passer certaines parties de son programme en limitant les vagues (voire, peut-être, les tsunamis).


Le paradoxe est dans le fait qu'un ami me racontait son étonnement puisque pendant la campagne il n'y pas eu de débat à la fac, pas d'AG, et ceux qui tractaient étaient majoritairement des employés, pas des étudiants. C'est étrange cette façon d'agir. Je ne critique pas, et je ne sais pas encore comment l'analyser, mais le fait est que je trouve ça étonnant. On verra bien ce que ça donnera.


2 Commentaires :

D. a dit...

Ces AG étaient ridicules, rien n'a été dit si ce n'est que l'election de Nicolas Sarkozy étaient mal digérée. Aucune critique constructive n'est ressortie. On n'a fait qu'à appeler à une mobilisation sans objet précis, comme s'il fallait s'opposer bêtement en attendant l'occasion pour trouver la légitimité de déverser sa haine contre Sarkozy. Je suis triste qu'il soit élu, j'ai cmbattu contre son programme, mais je trouve contre productif ce qui se fait depuis le début de la semaine dans ces AG, comme encore tout à l'heure à la Sorbonne. C'est la crédibilité de l'opposition qui est mise en cause avec tout cela.

Mimille a dit...

Bonjour Papageno et bienvenue, d'abord.

Je suis ravie qu'un étudiant (si je ne m'abuse, mais peut-être me trompai-je ?) vienne donner son avis à ce que je viens de décrire alors même qu'il l'a vécu directement. Merci beaucoup pour ta contribution !

Du coup j'ai lu ton billet sur la question, aussi, pour avoir un complément d'information...

Comme je le disais dans mon billet, je ne sais pas quoi penser de ça, simplement je constate que ça arrive, en tout cas. Et je ne sais pas ce que ça pourra bien donner, si ça va participer à la décrédibilisation d'une éventuelle (mais probable, tout de même) mobilisation future, si ça aura permis aux personnes qui y ont assité, tout comme toute expérience, d'apprendre de nouvelles choses sur les relations collectives, si, si, si... je n'en sais rien. On verra bien. En tout cas je n'ai pas souvenir que ça soit déjà arrivé.

Que ça soit finalement frustrant quand on est en plein dedans, je veux bien le croire, je pense que je l'aurais super mal vécu si j'avais été étudiante.

C'est drôle, je suis passée devant Tolbiac vendredi dernier, et ne connaissant pas bien les facs parisiennes, je voyais des étudiants devant l'entrée et je me demandais comment était cette fac.

Bon. Pour finir avec cette crédibilité... je crois que tout le monde a droit à l'erreur. Je crois que des erreurs il y en a eu au moins autant dans l'opposition que dans la majorité. Je crois que ça ne suffira pas à décontenancer les éventueles futures actions, tout dépendra de ce qui arrivera, dans quel ordre, etc. Et puis il n'y a pas que Tolbiac qui peut initier un mouvement, et là, rares ont été les facs dans le même cas ces jours-ci, je crois.