Et en public, en plus.
Il y a maintenant... pfffiou ! Assez longtemps, j'avais fait la connaissance de cerise sur OPLF. Elle m'avait appris qu'elle habitait non loin de chez moi, mais surtout qu'elle s'occupait de cette
coopérative bio devant laquelle mon mari et moi passions souvent, toujours déçus de la voir fermée : Bioventure. Nous pensions qu'elle était abandonnée, et que c'était trop bête parce que c'était la seule à distance raisonnable de chez nous... jusqu'au jour, donc, où cerise m'annonce que pas du tout, que la coop est ouverte, mais pas tous les jours (pas à des horaires de commerçant, c'est logique puisque c'est une coop !).
Alors, un jour, on se décide à y aller pendant que c'est ouvert. On rencontre cerise, on papote on discute, on achète quelques trucs. Et puis on essaie d'y retourner le plus souvent qu'on peut, mais en fait, le plus souvent c'est le samedi matin, et le samedi matin c'est pas drôle parce qu'on se retrouve presque les seuls dans la coop, ce qui est sympa pour discuter, mais du coup on ne rencontre pas grand-monde parmi les coopérateurs. Cerise nous expliquera que c'est parce que la plupart des gens viennent le mardi soir, mais nous le mardi c'est juste le jour où l'on ne peut absolument pas. C'est vraiment dommage.
Mais on n'arrive pas à y aller souvent. D'abord, parce que l'on n'a pas encore changé radicalement nos habitudes (et alimentaires, et d'achats alimentaires) et que l'on se trouve un peu perdus : on essaie de commander quelques trucs (des gros sacs de farine notamment), mais on a du mal à accuser le prix des denrées. Pourtant il suffit de les comparer avec ceux pratiqués dans les "épiceries bio" d'à côté pour constater que c'est moins cher chez cerise. Mais ce n'est pas suffisant pour nous, concrètement et même si elle est absolument succulente, on a du mal à payer 12€ une bouteille d'huile d'olive (dans ces moments-là, on n'avait souvent même pas les moyens d'acheter l'huile d'olive bio du Leader Price à 4€75...).
Alors, on cherche un moyen de s'arranger. Ma première idée est de proposer à cerise d'assurer une permanence en échange de produits. L'avantage serait double puisque comme ça je pourrais rencontrer un peu des gens, ce qui était aussi le but de la manoeuvre :-) Mais je n'ose pas demander, parce que j'ai trop peur de me faire refouler, parce que ce n'est pas dans les habitudes courantes d'échanger un service (immatériel) contre des objets (matériels). Et j'apprendrai plus tard que ça a été très bête de ma part parce que cerise est l'une des rares personnes qui, il me semble, aurait apprécié ce genre de formule.
Donc, plutôt que de proposer ça, mon mari me dit qu'on pourrait leur proposer de leur faire un site web en échange de produits. On leur en parle, ils sont ok, on passe un accord. Du coup pendant un bon moment on a pu aller se fournir en tout plein de trucs là-bas, farines, fromages, graines à germer et à cuire, sucre, café, confitures, huile, jus de fruits, bières, vin, beurre, fruits et légumes (je me souviens du goût incroyable des petites poires... houlàlà ce qu'elles étaient bonnes !), pâtes en vrac, savon, thé, etc. etc. En bref, à peu près tout ce dont on avait besoin. Et le projet du site web avançait doucement (c'était un gros machin, avec une base de données pour les produits et un service de commande et tout). On n'y allait pas hyper souvent, mais tout de même la grande majorité de ce qu'on mangeait provenait de là. Uniquement la majorité et pas absolument tout, parce qu'on était suffisamment désorganisés pour ne pas arriver à y aller suffisamment régulièrement aux horaires d'ouverture.
Et puis le temps passe, et un jour cerise nous annonce qu'ils envisagent de fermer la coop. Une AG est convoquée, et la décision est prise. Et nous n'avons toujours pas fait le site web. Peu importe nous dit la tendre cerise, il reste tous les produits cosmétiques etc. à écouler, on peut tout de même le faire...
Parallèlement, on sait qu'elle voudrait, depuis longtemps, participer à un potager collectif. Nous, l'idée nous branche beaucoup aussi, mais là où l'on habitait à l'époque où l'on a connu la coop c'était impossible. Alors le jour où l'on emménage dans notre nouvelle maison où l'on a un grand jardin, on s'empresse de relancer l'idée. Cerise en parle à quelques-uns de la coop susceptibles d'être intéressés, et tous viennent à la maison, pour faire le tour du jardin, chercher un emplacement, discuter de comment est-ce qu'on pourrait s'y prendre, ce qu'on pourrait y faire pousser et comment, comment est-ce qu'on pourrait s'organiser, faire le tour de qui sait faire quoi etc. A l'issue de cette (sympathique) rencontre (j'étais tellement contente de rencontrer enfin des membres de la coop !!), on avait fait un peu le tri des gens vraiment intéressés, et puis surtout on avait conclu que le jardin étant fait comme il l'était, ce n'était pas possible de faire le potager dedans (notamment parce que là où il y avait de la place, il y avait trop de pins, et les pins, c'est pas bon pour le potager). Alors on avait été voir un petit bout de terrain devant le nôtre, abandonné à son sort, qui aurait été bien comme tout pour réaliser notre projet.
On se renseigne : le terrain appartient à notre voisin. On lui demande si l'on peut s'en servir vu que lui n'en fait rien : il refuse. "Mais vous savez, c'est de la terre inculte ça, vous en tirerez rien, c'est pas la peine." On essaie d'insister un peu mais pas moyen. Retour à la case départ. Projet en suspens.
Et puis comme pendant tout ce temps je rédigeais ma thèse, puis je faisais les allers-retours à Bordeaux toutes les semaines, puis je passais des auditions un peu partout en France en Navarre, je n'ai pas eu le temps de préserver notre relation avec cerise. Comme ça a été le cas avec tout le monde, d'ailleurs.
Mais je m'en veux profondément. D'abord, parce qu'on n'a finalement jamais fini ce site web et que je me sens infiniment redevable, coupable. Parce que cerise est la première (et l'unique, finalement) personne que j'ai rencontrée qui s'était engagée auprès de nous avant nous. D'habitude, toujours, c'est nous qui proposons des choses et l'on doit systématiquement d'abord fournir notre part avant que l'autre fournisse la sienne ; et souvent, trop souvent, l'échange prend fin entre les deux... Là, cerise nous a fourni un crédit sur la coop qui nous a permis de nous nourrir en vrai bio pendant des mois et l'on n'a pas rempli notre part du contrat. Je m'en veux beaucoup, et je m'en veux d'autant plus que j'ai bien remarqué qu'elle était typiquement le genre de personne qui ne mérite pas du tout ce genre d'"échange à sens unique".
Ensuite, parce qu'on a laissé tomber le projet de potager collectif. Voyant comment tournaient les choses on aurait certes eu du mal à faire exactement ce qu'on voulait, mais en s'y mettant à un peu moins de monde, et donc en faisant un truc plus petit, on aurait pu en faire un dans un bout de notre jardin, du coup, mais on ne l'a pas fait. En plus je suis convaincue que ça se serait fait tout naturellement, que plus de la moitié des participants potentiels auraient abandonné avant le début concret du jardin, et qu'on aurait fini avec un nombre de personnes assez restreint pour procéder comme ça. Mais je n'ai pas insisité. Je n'ai pas relancé. Oui évidemment, j'étais plongée dans mon travail comme j'ai pu en parler dans tout plein de billets et c'est pour ça que je ne l'ai pas fait. Mais c'était un projet qui lui tenait à coeur, et à moi aussi, et je n'ai pas su être le moteur de la chose et je m'en sens coupable quand je vois à quelle point elle, elle a su si souvent motiver ses troupes contre vents et marées.
Et puis je m'en veux parce que finalement, on était tout à fait dans le profil des ceusses qui utilisaient Bioventure comme un magasin et non comme une coopérative. On n'a pas su prendre part à des commandes collectives, on se servait dans ce qu'il y avait en stock. On aurait bien voulu y participer, mais on n'a jamais vraiment croisé grand-monde vu qu'on venait le samedi matin et du coup on n'a pas fait de connaissances, on n'a pas été pris dans le mouvement... ça n'aide pas, quand on n'a pas l'habitude de ce fonctionnement, on ne sait pas trop comment s'y prendre a priori. On aurait voulu au moins amener notre surplus de légumes mais cette année-là on n'a pas eu de surplus... on aurait voulu faire tout plein de choses, mais on ne l'a pas fait. Et c'est à cause de baissages de bras comme les nôtres que la coop a fermé. C'est trop bête de notre part.
Alors voilà cerise, si tu lis ce billet, je te fais toutes mes excuses. (Et puis sache que l'on est toujours prêts à te faire ton site web si tu en as toujours besoin.)
D'une manière plus générale, ça me fait beaucup réfléchir sur mon degré d'engagement local, et sur plein d'autres choses qui en dépendent, aussi. Mais j'y reviendrai...