vendredi 20 juillet 2007

La pensée du jour

Un scientifique n'est pas quelqu'un qui fait de la politique avec des moyens politiques ; c'est quelqu'un qui fait de la politique avec d'autres moyens.

Bruno Latour, Le métier de chercheur : regard d'un anthropologue, INRA éditions, 2001, p. 78.


Trouvé chez Enro.

9 Commentaires :

jimex2nim a dit...

ne manque-t-il pas le mot "seulement" pour englober bien des chercheurs impliqués politiquement!

Mimille a dit...

Justement, non !

mowglinomade a dit...

Juste une petite précision sur l'auteur de la citation. Bruno Latour est quand même un historien a l'extreme de la sociologie des sciences, c'est à dire qui va expliquer les découvertes scientifiques (y compris dans les sciences dures) par des enjeux de pouvoirs, l'impact du financement, les caractéristiques institutionelles de la recherche (guerre froide et financement militaire par ex), plutot que par la logique interne de la discipline. C'est ce qu'on appelle un post-moderniste. C'est très important de faire descendre la "science" de son piedestal, de montrer qu'il n'est pas de science objective et que l'orientation de telle ou telle science a un moment donné (nucléaire, evolutionnisme, espace, économie, ect..) reflète l'état et les attentes de la société.
Pour autant, tout expliquer par ces variables, comme Latour le fait lui même, et rendre ridicules les efforts du scientifique a sortir de ses propres préjugés, a soumettre ses théories à l'évaluation de ses pairs, à la confrontation avec les faits, souvent avec sincérité, c'est une idée que je refuse.
De la politique en science: oui (ma thèse est d'ailleurs la dessus). réduire la science a une forme déguisée de politique, non!!!

Mimille a dit...

C'est drôle parce que je ne connais pas l'auteur (bien que j'aie déjà lu son nom mais pas au-delà), donc pas son oeuvre ni ses idées directrices.

Cela étant, en prenant juste cette ctiation hors contexte (comme je l'ai découverte ce matin donc), je ne trouve pas que la phrase cherche à "réduire la science à une forme déguisée de politique", je trouve qu'elle dit que la science est une forme de politique, pas déguisée, mais bien réelle. En ce sens je trouve que ça colle bien avec, notamment, les idées que j'ai de l'enseignement, ou même de la façon de vivre en général. (et évidemment je ne parle pas ici de "politique politicienne", hein ;-)

jimex2nim a dit...

j'aurai tendance à penser que le scientifique, citoyen comme un autre est lui aussi amené à des prise de position "politique", j'ai encore en tête les déclarations d'un G Charpack, compagnon de route du très stalinien parti communiste & avocat du nucléaire, sans remonter à des caricatures comme lyssenko 1950.
D'où le "seulement manquant.
mowglinomade c'est un pléonasme!

Mimille a dit...

jm > Oui mais ça, comme tu le dis d'ailleurs, il le fait en tant que citoyen lambda, il ne le fait pas en tant que scientifique. Et s'il le fait dans le cadre de la science, alors ce n'est pas un moyen politique. Non ?

Mimille a dit...

J'ajouterai, après réflexion, que c'est valable pour tous les corps de métier, en fait... et même pour ceux qui refusent d'avoir un emploi.

Anonyme a dit...

Et bien moi je ne suis pas mais alors pas du tout d'accord... Ou alors je ne connais pas la définition de politique. La science et la politique sont deux choses totalement différentes pour moi... Je suis dans l'environnement, et mon but en temps que scientifique est de chercher a comprendre comment le système fonctionne, je ne cherche nullement a me mettre en avant, je ne cherche nullement a imposer mon point de vue, je ne fais pas parti d'un courant scientifique spécifique, je confronte mes résultats a ce qui a été fait, je les comparent et je ne cherche en aucuns cas a dénigrer ce que d’autres ont fait. Vous verrez que très très rarement des articles qui descendent le travail d’autrui. Je cherche a collaborer avec les autres. De plus il existe très peu d'interaction politique/scientifique, ou plutôt insuffisamment. Il y a des groupes d'experts scientifiques d'un côté et il y a les politiques de l'autre. Il y a des rapports scientifiques et puis il y a les décisions politiques. Il y a très peu de conférences scientifiques qui sont suivies par les politiques (je parle pour ce que je connais l'environnent). La seule conférence où il y avait les deux fut une conférence organisée par la commission européenne. Il s'agissait d'une conférence internationale sur le transport et l'environnement.
http://good.mood.over-blog.com/article-6093592.html
Ce fut hallucinant. Les scientifiques arrivent les bras chargés de résultats, de « solutions », de propositions. Un exemple pour réduire considérablement les émissions de particules fines (extrêmement nocives pour le système respiratoire) il suffit de fermer les centres des grandes villes à la circulation. Et bien pas un seul pays de l'UE n'a encore eu cette démarche. Il y a eu des statistiques qui ont montrés qu'il y avait environ 400 000 morts prématurés dus a la pollution atmosphérique (ce sont des statistiques certes) tous les gouvernements en sont conscients. Le scientifique propose d’obliger les constructeurs automobiles à construire des voitures avec des filtres à particules. Le politique répond on ne peut pas obliger les constructeurs a construire un produit spécifique, car cela va contre la loi de la libre concurrence. Le scientifique ne fait pas de la politique, car si il en faisait, il imposerait ces mesures, no matter what, sans se soucier de l’opinion publique, de l’économie ou de la loi… C’est ainsi que je le vois…Et lorsqu'un scientifique se frotte a la politique, il n'est plus un scientifique, il devient un administratif.

Mimille a dit...

Bergère > Mais je suis bien d'accord avec toi, pardi ! Seulement je crois qu'à la lecture du cette citation on n'a pas fait la même référence à la notion de politique. D'où une impression de malentendu quand je lis ton commentaire.
Tiens, je te mets un extrait du début de l'article de la Wik' sur la politique, et je mets en gras ce que j'ai entendu, précisément, par "politique" quand j'ia lu la citation :

"Le mot politique vient de la racine grecque polis, « la cité ». De nombreuses approches définissent la politique comme l'organisation du pouvoir dans l'État. Mais le lien entre politique et État n'est pas si évident, cette acception est relativement récente.
La politique au sens plus large est donc la structure et le fonctionnement (méthodique, théorique et pratique) d'une communauté, d'une société. La politique concerne les actions, l’équilibre, le développement interne ou externe de cette société, ses rapports internes et ses rapports à d'autres ensembles. La politique est donc principalement ce qui a trait au collectif, à une somme d'individualités et/ou de multiplicités.
Par ailleurs, dans un sens beaucoup plus restreint, le terme politique renvoie à des luttes de pouvoirs et de représentativité entre hommes et femmes de pouvoir et les différents partis politiques auxquels ils appartiennent."
(article complet)

Dans ce cadre-là (et non dans un autre plus restreint), à mon sens, chaque domaine de recherche, chaque piste suivie, va dans le sens du développement interne d'une société (développer les connaissances, etc.) et aussi du développement externe (échanger, collaborer avec les autres, comme tu le dis si bien). Notamment mais pas uniquement. Il y a aussi d'autres choses, mais ça déjà ça me semble éclairer un peu mieux comment j'avais compris la citation, hors contexte, de mon côté.

Sinon, et comme je le disais au début, je suis bien d'accord avec ce que tu dis sur le fait qu'il n'y a pas (je dirais même pas du tout) de collaboration entre gouvernement (et non politique au sens large) et scientifiques. Un exemple dans mon domaine (puisque tu en as donné un dans le tien), le rapport Benisti sur la prévention de la délinquance, qui était une étude pseudo-linguistique, menée par un gars qui n'est ni scientifique ni même un tant soit peu linguiste, et qui arrivait à des conclusions complètement fallacieuses et révoltantes (M. Benisti lui-même a reconnu qu'aucun linguiste n'avait été entendu pour la rédaction de ce rapport). Il y a eu une pétition des linguistes, outrés, à l'initiative de l'Université de Tours. Evidemment c'est resté lettre morte...