samedi 28 juillet 2007

Mea culpa

Et en public, en plus.


Il y a maintenant... pfffiou ! Assez longtemps, j'avais fait la connaissance de cerise sur OPLF. Elle m'avait appris qu'elle habitait non loin de chez moi, mais surtout qu'elle s'occupait de cette
coopérative bio devant laquelle mon mari et moi passions souvent, toujours déçus de la voir fermée : Bioventure. Nous pensions qu'elle était abandonnée, et que c'était trop bête parce que c'était la seule à distance raisonnable de chez nous... jusqu'au jour, donc, où cerise m'annonce que pas du tout, que la coop est ouverte, mais pas tous les jours (pas à des horaires de commerçant, c'est logique puisque c'est une coop !).


Alors, un jour, on se décide à y aller pendant que c'est ouvert. On rencontre cerise, on papote on discute, on achète quelques trucs. Et puis on essaie d'y retourner le plus souvent qu'on peut, mais en fait, le plus souvent c'est le samedi matin, et le samedi matin c'est pas drôle parce qu'on se retrouve presque les seuls dans la coop, ce qui est sympa pour discuter, mais du coup on ne rencontre pas grand-monde parmi les coopérateurs. Cerise nous expliquera que c'est parce que la plupart des gens viennent le mardi soir, mais nous le mardi c'est juste le jour où l'on ne peut absolument pas. C'est vraiment dommage.


Mais on n'arrive pas à y aller souvent. D'abord, parce que l'on n'a pas encore changé radicalement nos habitudes (et alimentaires, et d'achats alimentaires) et que l'on se trouve un peu perdus : on essaie de commander quelques trucs (des gros sacs de farine notamment), mais on a du mal à accuser le prix des denrées. Pourtant il suffit de les comparer avec ceux pratiqués dans les "épiceries bio" d'à côté pour constater que c'est moins cher chez cerise. Mais ce n'est pas suffisant pour nous, concrètement et même si elle est absolument succulente, on a du mal à payer 12€ une bouteille d'huile d'olive (dans ces moments-là, on n'avait souvent même pas les moyens d'acheter l'huile d'olive bio du Leader Price à 4€75...).


Alors, on cherche un moyen de s'arranger. Ma première idée est de proposer à cerise d'assurer une permanence en échange de produits. L'avantage serait double puisque comme ça je pourrais rencontrer un peu des gens, ce qui était aussi le but de la manoeuvre :-) Mais je n'ose pas demander, parce que j'ai trop peur de me faire refouler, parce que ce n'est pas dans les habitudes courantes d'échanger un service (immatériel) contre des objets (matériels). Et j'apprendrai plus tard que ça a été très bête de ma part parce que cerise est l'une des rares personnes qui, il me semble, aurait apprécié ce genre de formule.


Donc, plutôt que de proposer ça, mon mari me dit qu'on pourrait leur proposer de leur faire un site web en échange de produits. On leur en parle, ils sont ok, on passe un accord. Du coup pendant un bon moment on a pu aller se fournir en tout plein de trucs là-bas, farines, fromages, graines à germer et à cuire, sucre, café, confitures, huile, jus de fruits, bières, vin, beurre, fruits et légumes (je me souviens du goût incroyable des petites poires... houlàlà ce qu'elles étaient bonnes !), pâtes en vrac, savon, thé, etc. etc. En bref, à peu près tout ce dont on avait besoin. Et le projet du site web avançait doucement (c'était un gros machin, avec une base de données pour les produits et un service de commande et tout). On n'y allait pas hyper souvent, mais tout de même la grande majorité de ce qu'on mangeait provenait de là. Uniquement la majorité et pas absolument tout, parce qu'on était suffisamment désorganisés pour ne pas arriver à y aller suffisamment régulièrement aux horaires d'ouverture.


Et puis le temps passe, et un jour cerise nous annonce qu'ils envisagent de fermer la coop. Une AG est convoquée, et la décision est prise. Et nous n'avons toujours pas fait le site web. Peu importe nous dit la tendre cerise, il reste tous les produits cosmétiques etc. à écouler, on peut tout de même le faire...


Parallèlement, on sait qu'elle voudrait, depuis longtemps, participer à un potager collectif. Nous, l'idée nous branche beaucoup aussi, mais là où l'on habitait à l'époque où l'on a connu la coop c'était impossible. Alors le jour où l'on emménage dans notre nouvelle maison où l'on a un grand jardin, on s'empresse de relancer l'idée. Cerise en parle à quelques-uns de la coop susceptibles d'être intéressés, et tous viennent à la maison, pour faire le tour du jardin, chercher un emplacement, discuter de comment est-ce qu'on pourrait s'y prendre, ce qu'on pourrait y faire pousser et comment, comment est-ce qu'on pourrait s'organiser, faire le tour de qui sait faire quoi etc. A l'issue de cette (sympathique) rencontre (j'étais tellement contente de rencontrer enfin des membres de la coop !!), on avait fait un peu le tri des gens vraiment intéressés, et puis surtout on avait conclu que le jardin étant fait comme il l'était, ce n'était pas possible de faire le potager dedans (notamment parce que là où il y avait de la place, il y avait trop de pins, et les pins, c'est pas bon pour le potager). Alors on avait été voir un petit bout de terrain devant le nôtre, abandonné à son sort, qui aurait été bien comme tout pour réaliser notre projet.


On se renseigne : le terrain appartient à notre voisin. On lui demande si l'on peut s'en servir vu que lui n'en fait rien : il refuse. "Mais vous savez, c'est de la terre inculte ça, vous en tirerez rien, c'est pas la peine." On essaie d'insister un peu mais pas moyen. Retour à la case départ. Projet en suspens.


Et puis comme pendant tout ce temps je rédigeais ma thèse, puis je faisais les allers-retours à Bordeaux toutes les semaines, puis je passais des auditions un peu partout en France en Navarre, je n'ai pas eu le temps de préserver notre relation avec cerise. Comme ça a été le cas avec tout le monde, d'ailleurs.


Mais je m'en veux profondément. D'abord, parce qu'on n'a finalement jamais fini ce site web et que je me sens infiniment redevable, coupable. Parce que cerise est la première (et l'unique, finalement) personne que j'ai rencontrée qui s'était engagée auprès de nous avant nous. D'habitude, toujours, c'est nous qui proposons des choses et l'on doit systématiquement d'abord fournir notre part avant que l'autre fournisse la sienne ; et souvent, trop souvent, l'échange prend fin entre les deux... Là, cerise nous a fourni un crédit sur la coop qui nous a permis de nous nourrir en vrai bio pendant des mois et l'on n'a pas rempli notre part du contrat. Je m'en veux beaucoup, et je m'en veux d'autant plus que j'ai bien remarqué qu'elle était typiquement le genre de personne qui ne mérite pas du tout ce genre d'"échange à sens unique".


Ensuite, parce qu'on a laissé tomber le projet de potager collectif. Voyant comment tournaient les choses on aurait certes eu du mal à faire exactement ce qu'on voulait, mais en s'y mettant à un peu moins de monde, et donc en faisant un truc plus petit, on aurait pu en faire un dans un bout de notre jardin, du coup, mais on ne l'a pas fait. En plus je suis convaincue que ça se serait fait tout naturellement, que plus de la moitié des participants potentiels auraient abandonné avant le début concret du jardin, et qu'on aurait fini avec un nombre de personnes assez restreint pour procéder comme ça. Mais je n'ai pas insisité. Je n'ai pas relancé. Oui évidemment, j'étais plongée dans mon travail comme j'ai pu en parler dans tout plein de billets et c'est pour ça que je ne l'ai pas fait. Mais c'était un projet qui lui tenait à coeur, et à moi aussi, et je n'ai pas su être le moteur de la chose et je m'en sens coupable quand je vois à quelle point elle, elle a su si souvent motiver ses troupes contre vents et marées.


Et puis je m'en veux parce que finalement, on était tout à fait dans le profil des ceusses qui utilisaient Bioventure comme un magasin et non comme une coopérative. On n'a pas su prendre part à des commandes collectives, on se servait dans ce qu'il y avait en stock. On aurait bien voulu y participer, mais on n'a jamais vraiment croisé grand-monde vu qu'on venait le samedi matin et du coup on n'a pas fait de connaissances, on n'a pas été pris dans le mouvement... ça n'aide pas, quand on n'a pas l'habitude de ce fonctionnement, on ne sait pas trop comment s'y prendre a priori. On aurait voulu au moins amener notre surplus de légumes mais cette année-là on n'a pas eu de surplus... on aurait voulu faire tout plein de choses, mais on ne l'a pas fait. Et c'est à cause de baissages de bras comme les nôtres que la coop a fermé. C'est trop bête de notre part.


Alors voilà cerise, si tu lis ce billet, je te fais toutes mes excuses. (Et puis sache que l'on est toujours prêts à te faire ton site web si tu en as toujours besoin.)


D'une manière plus générale, ça me fait beaucup réfléchir sur mon degré d'engagement local, et sur plein d'autres choses qui en dépendent, aussi. Mais j'y reviendrai...

9 Commentaires :

Anonyme a dit...

Mi(r)za, le fait d'avoir écrit, et de cette manière là, en dit long sur votre sincérité. Bravo d'avoir pris la peine de rédiger cela pour Cerise.

Mimille a dit...

Merci obni, je suis touchée.

J'aurais pu faire encore plus simple, aller la voir directement, mais fait dire que nos chemins ne se croisent plus comme avant, et puis ça fait partie de mon cheminement, et puis ce matin j'y pensais... alors voilà, c'est au moins un premier petit pas.

Mel a dit...

Je lis souvent les regrets de Cerise sur l'impossibilité de mener sur le long terme un projet collectif, les interrogations des uns et des autres sur l'engagement concret, ect... Je suis très admirative de la combativité de personnes comme Cerise, et en même temps je ne suis presque pas étonnée du résultat.
Je crois qu'il faut en prendre son parti : nous sommes tous d'abord des individualistes, et nous n'avons de démarche collective que lorsqu'elle sert nos intérêts. L'altruisme pur est très rare, et finalement, pas plus efficace. Je le dis sans jugement de valeur : c'est un constat.
Plutôt que de déplorer que les gens soient comme ils sont, je préfère faire avec. Je crois qu'il ne faut pas essayer de monter de prime abord des projets importants, faire ce qu'on souhaite à son échelle, en parler, et si les gens sont interessés, les laisser se raccrocher au projet en posant les conditions. C'est peu ambitieux, mais ça évite les déceptions, l'investissement sans retour.

Pour le potager, pourquoi ne pas partager le votre avec une seule famille vraiment motivée (celle de Cerise par exemple) et puis, à la saison suivante, si d'autres veulent venir, les laisser prendre le train en route ? Evidemment, ce n'est pas un projet collectif. Mais comme ça, tu as ton potager dont tu as besoin de toutes façons, pas d'investissement financier ni en temps de ta part pour les autres au départ, et les autres gèrent l'agrandissement du potager uniquement dans la mesure du nécessaire.

Mimille a dit...

Mel > Je suis d'accord avec toi sur le fait de commencer petit, intime, et de voir si peu à peu d'autres s'accrochent. Ou pas. Et faire en sorte que ça fonctionne dès le départ. Le tout est d'arriver à commencer, en fait.

Pour le potager, ce n'est pas bête. L'ennui c'est que là c'est un peu (beaucoup ?) trop tard pour la saison. Mais pour l'année prochaine, ça pourrait être une solution. A moins que l'on ne redéménage entre temps... ce qui est une option possible, malheureusement !

Anonyme a dit...

L'ennui c'est que là c'est un peu (beaucoup ?) trop tard pour la saison
Tu veux dire qu'on ne peut pas démarrer un potager en été?
En fait on peut. Soit quand on ne peut pas faire autrement comme j'en parlais ici, soit quand on peut faire autrement mais qu'il se trouve qu'on est en été et qu'on a envie d'en commencer un quand-même.

Mimille a dit...

Koldo > Merci pour le (rappel du) lien. Il faudra que je re-potasse ça, mais je pars avec un a priori assez fort parce que tu sais qu'ici, on est en région (très) sèche tout de même. Je regarderai, ne serait-ce que par curiosité (et puis on sait jamais, ça peut servir).

Anonyme a dit...

je débarque....
Mirza je suis super émue là... je ne découvre cet article qu'aujourd'hui ( merci à oplf indirectement ;-) ) je n'étais pas là cet été, je suis abonnée à ton blog et thunderbird n'a pas répertorié tes articles de juillet :-( du coup il était là et il m'attendait pendant que je m'angoissais de mon côté !
tu as été la seule à commenter mes articles de l'été pour tourner la page sur l'épisode coopératif, j'ai été très déprimée par tout ça, tous ces décalage, tout ce poids, et pas grand monde sur le terrain où il n'y avait pas grand chose à sauver d'ailleurs !
je pensais que vous aviez d'autres soucis et je culpabilisais de devoir vous réclamer des nouvelles du fameux site ( j'y pense toujours mais plus pour du "bio", ça c'est fini, pour des livres...) je suis très touchée, les mots me manquent là... grosses bises
merci
cerise

Anonyme a dit...

ps : merci à obni et mel qui n'a pas tort dans ses constatations ;-)

Mimille a dit...

Cerise > Rhô, ben il faut surtout pas t'angoisser, te gêner pour nous. Vraiment. Ça me fait plaisir que tu l'aies lu. C'est sans doute aussi parce que j'ai honte, j'ai un peu peur de t'avoir blessée, ce que je ne voulais pas du tout. Pas mal d'événements ont fait que toutes nos rencontres se sont mal goupillées, c'est bête mais ça arrive.

Effectivement on a eu pas mal de souçis, mais au pire si jamais on n'avait pas eu le temps on aurait toujours pu en parler. Finalement, ça nous aurait empêché de nous imaginer plein de choses chacune de notre côté :-)

Bon alors, on va remettre tout ça en route. C'est le bronx à la maison, comme d'hab', mais ça n'empêche pas de faire des choses, on y arrive toujours, et puis bon c'est important. Pour moi, au moins. Parce que je te suis (on t'est!) vraiment très reconnaissante de ce que tu nous a permis. C'est rare et c'est quelque chose de cher, je trouve.

Grosses bises à toi !